Car avec la première communauté juive d’Europe d’un côté et la première communauté musulmane de l’autre, les pouvoirs publics s’inquiètent à juste titre de l’importation des événements moyen-orientaux dans l’Hexagone.
Force néanmoins est de constater que le voyage présidentiel n’est certainement pas en mesure de redonner de la vigueur à la voix de la France. Évidemment, il fallait que le Président se rende sur place, ne serait-ce que pour manifester la solidarité de la France avec le peuple israélien ; évidemment il était indispensable de se déplacer, ne serait-ce que parce que trente-cinq de nos compatriotes ont été lâchement assassinés par les tueurs du Hamas et que nombre d’entre eux sont encore otages de ce dernier ; évidemment il fallait contribuer à la voie diplomatique pour tenter d’éviter un embrasement et ce, en allant à la rencontre des dirigeants égyptiens et jordaniens, acteurs d’équilibres du monde arabe. Rien dans toute cette démarche n’est inutile, mais est-ce à la hauteur de ce que l’on pourrait attendre de la France dont l’expérience historique de l’Orient « compliqué » est multiséculaire.
Par-delà l’actualité brûlante de ce qui se joue en Israël, cet angle mort traduit plus généralement un affaiblissement de la France sur la scène internationale.
Emmanuel Macron n’en est certes pas le seul responsable, le tropisme américain de Nicolas Sarkozy en son temps et la désastreuse intervention en Libye ayant fortement écorné l’influence française et le rôle que nombre de pays du sud continuaient à prêter à cette dernière. Pour autant la présidence actuelle loin de freiner et encore plus de renverser ce processus l’aura accentué. Les revers multiples en Afrique et au Maghreb confirment parfois spectaculairement cette tendance.
Les tergiversations élyséennes autour de l’annonce imprudente d’une coalition internationale pour lutter contre le Hamas sont au demeurant un énième épisode de cette difficulté à retrouver une position audible au sein du concert des nations. Pourtant dans ce moment de « désoccidentalisation » du monde, pour reprendre un constat dressé par de nombreux analystes, la France, forte de son passé, de son rayonnement, de son expertise diplomatique, désormais mise à mal depuis avril 2022 par la suppression du corps qui l’incarnait, avait sans aucun doute ce temps d’avance qui lui aurait évité de se retrouver malencontreusement à la remorque d’une marche de l’histoire dont elle ne paraît plus comprendre les ressorts et encore moins le sens…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne