Plusieurs experts, dont notre chroniqueur Jean-Yves Archer avec une constance jamais démentie, avaient prévenu. Le budget tel qu’il était présenté devant la représentation nationale reposait sur des perspectives de croissance par trop optimistes.
Il était donc vicié dés le départ, « insincère » ne manqueront pas de dire les plus sévères.
Le mot a été utilisé par le Président du groupe LR à l’Assemblée nationale qui a rappelé par ailleurs que désormais la France faisait office de « mauvais élève » de l’UE.
A l’appui de la critique d’Olivier Marleix et de tous ceux qui pointent l’insincérité budgétaire, les remontées des acteurs économiques de terrain qui, au moment où le projet de loi de finances s’échafaudait, s’inquiétaient de la détérioration de la conjoncture, notamment en excipant l’augmentation sensible du nombre de faillites.
Bercy, droit dans ses bottes et dans ses modélisations hasardeuses, aura fait fi des avertissements, prenant le risque de bâtir une équation budgétaire qui se retourne désormais violemment contre la crédibilité de l’Etat mais encore plus contre notre capacité à soutenir une dette tous les jours un peu plus abyssale.
Il n’aura pas fallu attendre 48 heures pour que, tout en prenant la précaution de préciser qu’il ne s’agissait nullement à ce stade d’une notation, l’agence Moody’s communique ses doutes quant à la possibilité de ramener à l’horizon 2027, comme s’y est engagé le ministre de l’Economie, le déficit sous la barre des 3 %. A cette circonspection Moody’s rajoute ses interrogations sur « les risques inhérents à la stratégie budgétaire à moyen terme du gouvernement qui se base sur des hypothèses économiques et de recettes optimistes, ainsi que des baisses sans précédent de la dépense »…
Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer que l’actualisation de la note de l’agence, attendue le 26 avril, ne soit pas assortie d’une dégradation, à laquelle pourrait se greffer celle un mois plus tard de Standard and Poor’s.
Cette faillite annoncée maintes fois est désormais tangible, plus proche que jamais.
On rappellera qu’Emmanuel Macron fut porté deux fois au pouvoir parce qu’il était jugé plus crédible que sa principale concurrente du second tour, notamment sur la question budgétaire et économique. Les élites sociales du pays ont abondamment alimenté ce scénario, en portant ce discours d’une part et en mobilisant d’autre part autour de ce récit. Après sept ans de pouvoir le fardeau de l’endettement décuplé et des déficits incontrôlés infirme la matrice de la compétence macroniste. L’échec est là, patent, chiffré, mesurable, peu dissimulable. Le parti de la « raison » a comme perdu sa raison d’être, son « ultima ratio » de légitimité, ouvrant potentiellement un appel d’air pour les alternances de rupture dans un espace politique en crise. Dans l’immédiat, par-delà le coût social et économique que la Nation devra que trop payer pour surmonter le délabrement des finances publiques, c’est la pérennité du quinquennat qui se trouve percutée par le mur de la dette. Dans une législature entravée par l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, l’enjeu pourrait ne pas être sans conséquence parlementaire et sur tous les bancs des oppositions, pour des raisons souvent très différentes, la tentation de la censure trouverait matière à se cristalliser au point de rendre encore plus incertaines et la situation politique, et la situation économique, et la situation sociale. Un alignement de toutes les crises en quelque sorte auquel il faudra bien plus que quelques coups de com’ et coups de rabot pour s’en affranchir et s’en… acquitter !
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne