Cohérence au regard des valeurs qu’elle défendait, persévérance dans les combats qu’elle menait. Conseillère du Président Georges Pompidou, elle exerça un magistère puissant avec son alter ego masculin, Pierre Juillet. sur le chiraquisme naissant. Elle s’en éloigna dés lors qu’elle comprit que le chiraquisme était bien plus une quête effrénée du pouvoir pour le pouvoir qu’un combat pour des idées . Elle était politique d’abord, mais certainement pas politicienne. Elle ne céda en rien, une vie durant, à la tentation opportuniste, préférant l’isolement splendide à la compromission mimétique. C’était son droit, son exigence, sa raideur même, et sans doute sa faiblesse intrinsèque dès lors qu’elle prétendait néanmoins à peser sur le cours des choses.
Il n’en demeure pas moins qu’elle fut l’une des premières à deviner dès les années soixante-dix l’affaissement de l’Etat.
Elle lança l’alerte, bien avant les grands combats autour de l’évolution de l’Europe dont le peuple aurait à débattre à partir du référendum concernant le Traité de Maastricht. Elle dit Non par deux fois en 1992 et en 2005, saisissant avec d’autres qu’avec le prétexte européen le courant technocratique avait trouvé sans doute la ruse la plus efficace pour se débarrasser et de la souveraineté, et du politique.
Femme de conviction, de conviction parce que de réflexion, mais de réflexion sans laquelle l’action ne pouvait avoir de sens, Marie-France Garaud nous parlait de cette rive où la conduite des Nations ne peut se réduire à une mécanique de l’adaptation. De ce point de vue, elle incarnait une politique émancipée des contingences techniques, qu’elles soient économiques ou administratives. A l’heure des vents de la globalisation, rien ne dit que cette conception ne soit encore possible tant les interdépendances entravent gouvernants et gouvernements.
Le paradoxe de cette intelligence grave et volontaire est qu’elle ne fut jamais en mesure de gouverner.
Elle aura été d’abord un verbe dans un temps qui en appelait toujours plus à l’individualisme et au consumérisme.
La politique à ses yeux n’était pas un jeu mais une chose trop sérieuse pour la confier à l’air du temps et aux caprices des caractères faibles.
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne