
Sa pratique aussi désinvolte que brouillonne de l’exercice du pouvoir aura parachevé la coupure entre le haut, l’Etat, et le bas, la société.
Mais force est de constater que les gouvernements qui se sont succédé depuis des décennies à la tête du pays ont tous malheureusement contribué à la situation hautement incertaine dans laquelle nous sommes entrés. Tout au plus Emmanuel Macron aura été un syndrome de cette crise, autant que le maillon nécessaire à son déclenchement désormais avéré. Fabriqué par les élites, Emmanuel Macron est le symbole de leur déréliction.
Le risque est grand néanmoins que le Président en soit tenu pour responsable, si jamais au soir du 7 juillet une majorité explicite n’en sortait pas des urnes. La tentation d’une majorité claire-obscure, bordurant une partie de la gauche et de la droite, des représentants des anciennes forces de gouvernement en quelque sorte, pourrait alors voir le jour mais outre que rien à ce stade n’en garantit une assise électorale, ce retour aux combinaisons politiciennes de la IVe République aurait pour effet sans doute d’accroître la défiance des Français dans leurs dirigeants. On ne refait pas en effet l’élection dans le dos des électeurs sauf à subvertir l’esprit des institutions et à approfondir le fossé entre citoyens et gouvernants.
Dans l’hypothèse d’une majorité introuvable ou impossible, sauf à s’accrocher à un bateau ivre, le Chef de l’Etat devrait alors se poser la question de sa légitimité comme il devrait s’interroger sur celle-ci dans l’autre hypothèse d’une cohabitation avec une majorité différente et opposée à celle l’ayant reconduit en 2022.
Désavoué massivement par deux fois en moins d’un mois par le souverain populaire, le Président pourrait-il rester sourd à un message aussi profond que tranchant ?
En d’autres temps, le fondateur de la Ve République en eut tiré les conclusions qui s’imposent… Dans tous les cas de figure, Emmanuel Macron, défié jusque dans les rangs de son propre camp comme en atteste la prise de distance violemment critique de son ancien Premier ministre, Edouard Philippe, est désormais un Président solitaire, comme sans doute l’a t’il toujours été, mais cette fois-ci encore plus isolé car en passe d’apparaître comme abandonné par ses propres soutiens. Seul face à lui-même, seul face au pays en ébullition, il est en première ligne, au risque d’éroder définitivement sa fonction arbitrale et devenir bien plus un problème qu’un garant de la stabilité institutionnelle de la Nation…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université