La démocratie américaine aura ainsi parlé, dans une « nuit américaine » qui aura égrené au fil des heures l’irrésistible ascension, État par État, d’un pari que l’on aurait pu penser insensé, déraisonnable, dangereux. Depuis 2016 le trumpisme n’aura cessé de connaître une dynamique socio-électorale en croissance, y compris dans la défaite de 2020 où Donald Trump a renforcé son assise en terme de suffrages directs.
Le trumpisme a ceci de singulier qu’il constitue un cocktail détonnant qui le rend peu perméable aux jugements hâtifs dans lesquels nombre de commentateurs souhaitent l’enfermer.
Trump cristallise tout à la fois le populisme, l’esprit d’initiative et le protectionnisme, l’identité et la transgression, la défense des petits qui souffrent, et le libéralisme économique. En bref Trump est américain, tout d’abord américain, et avant tout américain. C’est parce qu’il offre une amplitude imaginaire sans égal, celle d’un très large espace à l’instar des étendues immenses des Etats-Unis, qu’il peut jeter très loin ses filets. Trump a sur-performé là où il disposait de ses acquis fondamentaux : classes populaires et moyennes, États où la base républicaine est inexpugnable comme la Floride, mais il a surtout contenu le vote Harris là où il était censé être le plus efficient : les femmes, les latinos, les jeunes entre autres… Net et sans bavure, son triomphe épouse les contours d’une époque qui capitalise toujours plus sur le rejet des élites, et élection après élection témoigne de leur remise en cause, voire de leur défaite inéluctable.
C’est vrai en Amérique, mais le vent de la révolution populo-libertaire dont Musk est aussi l’un des emblèmes, souffle aussi en Europe.
Ainsi se combine progressivement une chimie politique particulièrement novatrice dont cette élection là de l’autre côté de l’Atlantique aura marqué une forme d’avènement : d’un côté la protection du peuple, objet tout autant mythique que porteur d’une nécessité profonde et historique, de l’autre une rébellion contre les injonctions du post-modernisme. Il y a dans l’histoire des moments qui révèlent justement des mouvements longtemps souterrains et qui accédant à leur point de maturation finissent par délivrer tout leur sens. C’est ce moment singulier qui se dessine vraisemblablement sous nos yeux. Tout laisse à penser que les vents qui le portent ne manqueront pas de s’amplifier aussi dans la vieille Europe….
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université