Ce sont des auditions qui sont passées presque inaperçues et pourtant qui en disent long sur l’esprit de certains responsables. Madame Buzyn et Madame NDiaye ont été entendues devant l’excellente commission d’enquête du Sénat pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19. L’une et l’autre, dans un exercice pour le moins besogneux, se sont défaussées, sans coup férir, sur l’état présumé de la société pour justifier leur action.

La première, interrogée sur ses déclarations initialement rassurantes du début 2020, n’a pas hésité à considérer que le déni de l’opinion confrontée au surgissement de l’épidémie avait motivé ses propos. La seconde a pointé le manque « d’acculturation à la culture scientifique » de nos compatriotes pour atténuer les effets proprement désastreux de sa propre expression durant la crise. En d’autres termes, les deux anciennes ministres ont évacué à bon compte sur les Françaises et les Français leur propre responsabilité.
Après des semaines et des mois d’altération de la parole publique, d’accumulation de jeux grossiers parfois avec le réel et la vérité, le quasi silence médiatique qui a accompagné ces déclarations est presque aussi inquiétant, voire plus même que le contenu pathétique de ces dernières. Ce silence traduit notre accoutumance à la banalisation d’une expression publique dégradée qui plutôt que de s’assumer jusque dans ses dysfonctionnements préfère les transférer sur le peuple. Ce n’est même plus du machiavélisme mais tout simplement du mépris. Un triple mépris à vrai dire : un mépris pour la charge occupée, un mépris pour les citoyens renvoyés à leur prétendue ignorance ou aveuglement et un mépris pour la réalité . « L’état des mœurs » dont Tocqueville rappelait qu’il était la condition de l’adhésion de la société à ses institutions s’en trouve contaminé par ceux-là même censés montrer l’exemple…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef