Le 27 septembre dernier ont eu lieu les élections sénatoriales. En plein milieu des annonces de recrudescence du coronavirus et des nouvelles mesures gouvernementales, ces élections indirectes, discrètes, sont passées relativement inaperçues. Pourtant, elles sont révélatrices du retour d’une tendance qu’on croyait oubliée en politique.
C’est une victoire, passée presque inaperçue tant le débat public apparaît comme traversé par l’électricité de la médiasphère, de ses clashs et autres controverses. Les élections sénatoriales ont bien évidemment en premier lieu renforcé une majorité, celle de la droite et du centre et un homme, Gérard Larcher qui incarne une sorte de ” force tranquille “, à l’aise dans le verbe, la technique du pouvoir, et l’art de la négociation.
Mais au-delà il s’agit bien d’une autre victoire, bien plus profonde et, d’une certaine manière, pour une fois, assez rassurante. Souvent moqué, vilipendé, critiqué jusqu’à son utilité, voire sa légitimité, le Sénat est parvenu à en imposer. Paradoxalement, il le doit à ce moment Macron qui, à vouloir tout bousculer a renforcé la nécessité d’une institution de stabilité et d’enracinement. La qualité sénatoriale relève tout d’abord de sa capacité à organiser un débat démocratique où la pluralité s’exprime, loin des passions et des émotions. La chambre haute est essentiellement toute de décompression. Elle est à ce stade de dégradation du débat politique l’espace délibératif le plus rationalisé de la république. Elle réintroduit l’épaisseur du temps là où l’immédiateté frénétique cannibalise la vie de la cité, elle produit surtout une façon de “faire ” de la politique qui privilégie l’argumentation et la contre-argumentation, le débat discursif, loin de l’anathème et de la com’. Cette dimension a vertu de rappel aux principes mêmes de la démocratie, laquelle demeure le fil continu de cohésion et de pacification de la société. Cette fabrique d’un équilibre est la marque du Sénat. Ce dernier dispose évidemment d’un autre atout en ces temps où l’exécutif affiche sa volonté de renouer avec le local. Expression des territoires, le Palais du Luxembourg n’est autre que le lieu où se réenracine la République dans les linéaments de sa géographie et de sa sociologie. À l’heure de la globalisation en question, le Sénat réinscrit cette réalité-là dans la demande en matière des politiques publiques. Depuis la crise des gilets jaunes, sursaut spontané contre l’oubli d’une certaine France, on aura compris que l’action de l’Etat ne peut en aucun cas se concevoir comme un ajustement exclusif à la mondialisation, ce qu’elle est par trop souvent. C’est aussi le rôle de la Haute-Assemblée dans ces instants d’intense fragilité de porter cette réalité-là que la politique n’a de sens que si elle s’inscrit au plus près du terrain, loin des slogans et des irénismes communicants.