Donald Trump n’a sans doute pas gagné mais le trumpisme a montré une indéniable énergie électorale. Alors que sondages, médias américains et européens prédisaient, non sans imprudence, une dynamique incontestable en faveur de Joe Biden, c’est au coude-à-coude dans un contexte incertain que les deux candidats ont achevé leur course à la Maison-Blanche.
La scène américaine n’a ainsi que très peu bougé par rapport à 2016, si ce n’est qu’elle révèle toujours plus les fractures sociologiques traversant la société américaine qui font écho aussi à celles dont nombre de sociétés européennes sont l’objet.
La défaite au finish de Trump, bien plus battu pour avoir raté la marche de l’épidémie sanitaire que pour ses frasques, n’est pas celle du trumpisme et de ses variantes extra-américaines, loin de là. Les ingrédients qui l’ont porté au pouvoir en 2016 demeurent et sortent même renforcés dans des segments inattendus de l’opinion. Les minorités n’ont pas voté de manière homogène pour Biden, Donald Trump ayant plus que « borduré » sur cet électorat aussi. Le coin est enfoncé de ce point de vue parmi ceux dont l’obsession racialiste oublie que les « populismes » ont une force d’agrégation qui dépasse la couleur de peau et les origines culturelles.
La leçon vaut d’abord pour le scope médiatique qui, à force de n’offrir qu’une vision monochrome et une homogénéisation continue de ses grilles de lecture, conforte le sentiment qu’il n’est plus au service de l’information mais de l’opinion dominante des « élites ». La main sur le cœur, les éditorialistes du mainstream jureront le contraire, arguant de leur neutralité ou de leur volonté de décrypter ; le problème c’est qu’ils ne voient, pour nombre d’entre eux, le réel qu’au travers de leur propre système de valeurs. Leur décryptage en est pour une bonne part biaisée et conforte ce qu’il entend dénoncer : le « complotisme ». Or ce dernier, s’il ne s’agit pas de le nier non plus, n’est autre que le reflet grossissant de cette société de connivence qui « virtualise » toujours plus la réalité, la nie souvent, et regarde, non sans condescendance, l’autre partie de la société, celle des invisibles, de celles et ceux qui s’efforcent de survivre dans un monde de déclassement accéléré et de sentiment grandissant de rejet aux périphéries de la citoyenneté.
Le trumpisme s’est nourri de la perception de ce fossé, du ressenti d’une forme, avérée ou non, de morgue. Ce qui est vrai aux USA, l’est tout autant en Europe et en particulier en France. Rien ne serait pire que de considérer que, parce que son héraut le plus emblématique n’est pas parvenu à se faire réélire, la page de tout ce dont il est l’expression serait tournée. Il est à craindre pourtant que l’inertie oligarchique l’emporte, nonobstant des signaux d’alerte qui ne cessent de s’agglomérer. Un comportement d’ancien régime en quelque sorte…