L’exigence sanitaire ne saurait tout justifier, et le combat contre l’épidémie qui depuis mars 2020 ne cesse de miner la planète doit être certes mené, avec énergie et détermination, mais certainement pas au prix des principes qui font qu’un pays comme la France constitue une société démocratique et libérale.
Le sujet est tabou, presque ; sa seule évocation vaut quasi excommunication, tant le discours dominant, médico-médiatique, a envahi avec une telle épaisseur l’espace public que toute expression un tant soit peu nuancée est mise au ban d’une forme totalisante de bien-pensance.
La question de la liberté, pourtant, se pose. Elle se pose d’autant plus après les annonces du Président de la République ce 12 juillet et sa décision de généralisation d’un pass sanitaire qui, à l’épreuve du variant Delta, est érigé comme le sésame autorisant tout un chacun à accéder à une vie sociale normale. La bascule est néanmoins inquiétante et elle s’opère dans un quasi-silence tout aussi préoccupant. La classe politique, à l’exception du RN, de LFI et de quelques francs-tireurs, paraît approuver sans trop de réserves un train de décisions qui, néanmoins, dérogent non sans brutalité avec les principes constitutifs des libertés fondamentales.
L’avant-projet de loi sur l’extension du pass sanitaire et l’obligation vaccinale, tel qu’il est rédigé en l’état, constitue de facto, et sans se payer de mots, une dérive dont le caractère disproportionné et parfois liberticide ne devrait pas manquer d’interpeller toutes celles et tous ceux qui demeurent attachés aux valeurs qui fondent nos démocraties libérales. Qu’il s’agisse des mesures de contrôle déléguées à des établissements dont ce n’est pas la mission, ni la raison sociale, des menaces de sanctions (45 000 euros d’amende et un an de prison) pesant sur ces mêmes acteurs s’ils ne procèdent pas aux obligations que le législateur pourrait leur imposer, du contrôle policier, de l’isolement des personnes contaminées, le texte annoncé constitue une atteinte grave, nonobstant l’objectif de santé publique qui le motive, aux droits des personnes, à la libre disposition de leurs mouvements, à la confidentialité des données, au sanctuaire de la vie privée sans apporter de garanties quant à la sortie de ce qui relève d’un régime d’exception.
C’est bien progressivement, et sans que la plupart des responsables politiques, des intellectuels ou des médias ne s’en offusquent, une société de surveillance qui sous nos yeux embrumés risque de se substituer à une société de liberté. La vigilance a manifestement baissé la garde, et c’est bien là le sujet. La suffisance, parfois opposée, aux interrogations légitimes que suscitent ces dispositions n’est pas de nature à contribuer à la sérénité et à la maturité du débat démocratique. Elle ne fait qu’accroître la fissure politique dont le pays a fait l’expérience parfois douloureuse lors du mouvement des Gilets jaunes dont le feu ne cesse de couvrir sous la cendre.
Lorsque le projet de loi arrivera en discussion à l’Assemblée et au Sénat, la responsabilité des parlementaires sera grande de rééquilibrer la nécessité sanitaire qu’il ne s’agit pas de contester avec le respect de nos libertés fondamentales. L’honneur du législatif sera sans conteste d’amender les mesures les plus attentatoires à notre édifice de protection de ces libertés individuelles et collectives. Députés et sénateurs, de toute obédience, ne devront pas avoir le bras qui tremble, quitte à déplaire à l’exécutif…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire