Ce n’est pas une pré-campagne présidentielle qui démarre mais un immense talk-show à ciel ouvert qui se profile à l’horizon avec ses « clash » et ses « breaking news » plus ou moins fondés. À huit mois de la présidentielle, les derniers développements médiatiques de l’arène politique confirment de trop que le matériau des joutes électorales est entré dans une logique plus que jamais spectaculaire – une évolution qui a pris son essor depuis des décennies mais qui couplage de l’info continue, des réseaux et des sondages s’est sans doute encore exacerbée.
Pour autant le pays a besoin d’une confrontation, mais d’une confrontation posée. Alors que nombre de nos concitoyens se détachent de la chose publique, en exprimant de manière concomitante deux formes de désillusion, soit sous la forme de la colère, soit sous celle de l’apathie, force est de constater que les emballements du débat public reflètent la dégradation continue du fonctionnement démocratique. Ce sont bien plus les stratégies communicantes des uns et des autres, spéculation permanente sur les anticipations potentielles des opinions qui préemptent l’atmosphère du moment, qu’une articulation argumentée des enjeux constitutifs de l’élection à venir. Ceux-ci sont pourtant sous nos yeux et ils relèvent naturellement des fondamentaux de toute nation se questionnant sur son destin. Ils sont de trois ordres : la protection, le quotidien, l’avenir.
La protection tout d’abord parce que la société est confrontée et se perçoit comme telle à des risques multiples. Ces risques la coagulent ou la fracturent mais ils ont tous pour propriété de susciter anxiété et peur. Sociaux, économiques, environnementaux, civilisationnels, les dangers objectifs ou subjectifs sont au principe de l’action publique. Ils la conditionnent et des réponses qu’elle y apporte dépend pour une part le lien entre les citoyens et les institutions.
La vie quotidienne ensuite, qui n’est pas sans relation avec ce qui précède, détermine la cohésion de la société et son acceptation de l’orbe républicaine. Du pouvoir d’achat pour les plus rudement touchés par les difficultés de tous les jours, à l’instar de l’augmentation de la facture énergétique, à la liberté d’initiative, exagérément entravée par une bureaucratie souvent aussi pesante qu’inefficace, sans oublier les préoccupations de sécurité comme la demande d’un maillage robuste de services publics, ce sont les missions du politique que de faciliter l’environnement immédiat des Françaises et des Français.
L’avenir enfin et surtout car il ne saurait y avoir de France sans vision et projection de celle-ci. Tout candidat doit être en mesure d’habiter le pays, sous réserve qu’il en connaisse le passé qui n’est autre que son âme. A l’aune de cette capacité à se projeter, à positionner la nation sur l’axe du monde, à définir son futur en fonction de son histoire, les Français seront en mesure alors de s’orienter au-delà des vicissitudes du présent et des enlisements de l’immédiat. En-deçà de cette trame, le risque est grand que l’échéance présidentielle ne soit qu’un énième coup pour rien. Il n’est pas trop tard, peut-être et enfin, d’entrer par le haut dans la campagne de France…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire