La crise épidémique s’étire comme si elle était devenue un ingrédient de l’écosystème de l’exécutif sortant.

Alors que le Royaume-Uni et l’Espagne entament, parmi nos voisins et avec d’autres, un processus d’allégement des contraintes, le pouvoir semble avoir géré son agenda sans tenir compte de plusieurs facteurs : la faible dangerosité du variant Omicron, quand bien même sa contagiosité serait réelle, les doutes croissants d’une partie des opinions confrontée à une stratégie qui détricote les libertés sans autre forme de rationalité que celle de nous enjoindre à lui prêter crédit sur parole, la gestion des plus jeunes dont le sort à l’école commence à questionner parents et enfants eux-mêmes. De ce point de vue, l’affaire du protocole sanitaire des écoles aura fusionné nombre de dysfonctionnements et de malaises : une administration inapte à faire simple, réactif et applicable, mal de toutes les bureaucraties mais qui en France, pays de Descartes pourtant, prend des proportions dont le volume est symétriquement inverse à la logique et aussi au bon sens ; une communication aussi désinvolte que maladroite qui constitue l’insoutenable empreinte autant que légèreté d’un quinquennat qui aura accordé si peu d’importance aux formes élémentaires de la décence républicaine ; un phénomène, la maltraitance médico-sanitaire dont nombre d’enfants se sentent l’objet au nom des injonctions politiques dont le but est de satisfaire de supposées clientèles électorales de “boomers” et autres…
Si l’on eut pu croire, voici quelques semaines encore, au potentiel effet de levier d’une crise sur la mobilisation macroniste à quelques encablures du 1er tour de la présidentielle, tout est en mesure désormais d’évoluer, tant une atmosphère critique imprègne le jugement collectif sur la gestion covidienne. Les sondages en attestent, avec une opinion qui se fait plus dubitative, voire mécontente quant à la politique du gouvernement dans ce domaine. Le passe-vaccinal, dont la constitutionnalité est sur le grille à l’heure où nous écrivons et qui en pure appréciation constitutionnelle dispose de nombreux motifs de censure, intervient à contre-temps et à contre-emploi : à contre-temps au moment où partout en Europe les autorités desserrent avec raison l’étau, à contre-emploi car le passe ne protège pas plus qu’il ne casse la chaîne de transmission du virus. Sa seule “vertu” est de s’escrimer assez misérablement à accréditer l’idée que le pouvoir “peut” encore… Non pas bâtir et nous libérer, fruits féconds des États-nations stratèges et des démocraties libérales émancipatrices, mais nous contraindre toujours plus pour attester de sa maigre “utilité”. Cette nécessité là a tout d’une politique de misère ; elle n’est que le reflet du renoncement à construire pour vivre libre ; elle est un ersatz qui démontre qu’à défaut de renforcer nos souverainetés nous n’aboutissons qu’à enfoncer nos libertés. C’est aussi cela le principal enseignement de cette crise Covid : une action politique à l’os qui contraint la société à se battre dos au mur pour exister et tenter de se projeter librement…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne