Emmanuel Macron a tenu hier soir une allocution aux Français concernant la pandémie de coronavirus qui touche le monde. Arnaud Benedetti réagit à l’intervention télévisée du chef de l’Etat.
Par-delà le relèvement du niveau de vigilance sanitaire dont la fermeture des établissements d’enseignement constitue sans doute la mesure la plus forte de ses annonces, c’est ce qui s’est joué en amont de son allocution qui constitue l’un des événements de ce temps singulier de communication sur fond de crise sanitaire. La tentation du report des municipales a été réelle de la part de l’exécutif. Les informations publiées par le JDD dans l’après-midi précédant l’allocution présidentielle étaient selon toute vraisemblance parfaitement fondées. Ce sont les institutions qui ont contraint l’exécutif : le Président du Sénat d’un côté, celui du Conseil constitutionnel de l’autre ont pour le premier manifesté une opposition ferme au report, pour le second exprimé les plus extrêmes réserves quant à la faisabilité juridique d’une telle initiative dans des délais aussi courts. Honneur en quelque sorte à notre édifice institutionnel d’avoir bloqué un acte de gouvernement dont l’opportunité civique était contestable et dont la légalité n’était pas plus assurée ! On ne badine pas avec nos institutions, y compris en période de temps difficiles.
Le temps démocratique doit être préservé et c’est au Président d’en garantir la pérennité.
Ce dernier sous la pression des contre-pouvoirs a été rappelé à cette réalité. Sans doute faut-il s’en féliciter.
Ce recul de l’Elysée s’est doublé d’un infléchissement de la rhétorique du pouvoir. Loin de l’irénisme techno-libérale et du « startuppisme » arrogant, le chef de l’Etat a réactivé un vieux fond keynésien à tendance sociale et souverainiste, prolongeant ce qu’il avait déjà déclaré voici quelques mois dans les colonnes de The economist. Le macronisme contraint par l’effondrement de ses certitudes confrontées à la réalité du monde tel qu’il fonctionne et non tel qu’il le fantasme se convertit à une plasticité dont le but est finalement de prendre « le parti pris des choses ».
C’est le retour de la « vraie vie » au cœur du pouvoir. Jupiter était un mythe, ou une bulle médiatique ; les « gilets jaunes » l’avaient démontré. Le « en même temps » était une baseline que la crise économique, sociale et culturelle aussi rend aléatoire. Le maître des horloges comprend peut-être qu’il n’est pas seul en France, en Europe et dans le monde. À mi-mandat il était temps…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire