Pour Pierre Larrouy, économiste et essayiste, il aura suffi de quelques semaines, de quelques jours, pour que la tempête se lève sur l’organisation du libéralisme mondialisé.
La crise sanitaire du coronavirus agit comme un révélateur. Ce qui apparaissait comme une logique implacable d’organisation se trouve questionné. Sous le vocable fourre-tout de mondialisation, on assiste à une remise en cause de toute une rhétorique dominante qui était, de plus en plus, désignée comme celle des élites.
Disons-le en vrac. Les mots sont là, les mots qui fâchent : frontière, identité, souveraineté, dépendance des chaînes de production, relocalisation, localisme versus mondialisation, injustice. Ce qui était latent vient au jour et à la vue, à la lumière rasante et pâle des mauvais matins.
Le coronavirus génère une crise du ressenti des dysfonctionnements des modes de vie contemporains par association d’idées entre l’épidémie et la logique des réseaux, de la toile, de la vitesse et de l’espace instantané de dissémination.
On perçoit mieux combien l’organisation mondiale actuelle repose sur une telle viralité, sur des interdépendances généralisées.
La crise de la viralité est également une crise de la mobilité, de la place et de la propagation (sans doute le terme de mobilité est-il moins adapté que celui de mouvement pour en respecter l’amplitude). Enfin cette viralité devenue pandémie ne peut qu’évoquer les migrations et leur lot de fantasmes.
Comme une bande-annonce, la viralité, celle des réseaux sociaux, venait d’éliminer un candidat à la Mairie de Paris pour avoir érigé ce désir sur cette « toile » où régner est chose fragile.
Le conoravirus veut nous assigner à résidence. Alors que tout est rejet du confinement, comme l’ont fortement exprimé les « gilets jaunes ».
Comment confiner une société qui se débat avec un sentiment d’étouffement largement partagé ?
On ne peut que constater combien cela ressemble à la réduction de l’offre politique entre mondialisation évidente et repli nationaliste censé être protecteur.
Que de mots, que de peurs, que d’espoirs ! Il fallait sans doute que la chaîne se grippe pour que le langage reprenne droit de cité et invente un autre demain.
Comme l’écrit Aimé Césaire : « une civilisation que s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente ».
Et si nous en étions là ? Mesure-t-on l’écart entre ce débat qui s’ouvre et, par exemple, le contenu des débats autour des élections municipales en France ?
Ce gouffre de sens révèle ce qui demandait à advenir, une réponse idéologique. Oh le vilain mot ! On l’avait exfiltré de l’expression publique et singulièrement politique.
Mais ce qui était structurant des sociétés contemporaines, chacune avec sa spécificité, c’est-à-dire l’incompréhension et la peur de l’avenir, devient sous nos yeux une crise d’aujourd’hui. Celle qui ne laisse plus de place aux atermoiements ou au propositions molles.
L’urgence accouche toujours d’une radicalité – dans la protection d’un système autoritaire ou dans l’émergence d’une espérance collective universaliste et de territoire. Ici et partout dans une même ambition de confiance et de projection.
Il faut desserrer le lacet qui étouffe pour choisir cette nouvelle ambition de répondre au devoir climatique, tout en trouvant le chemin de plus de justice, de plus d’estime de soi qui ré-ouvre au monde et à l’échange.
Tout est sur la table – la déshumanisation de l’économique et du social, le saccage de la planète et sa conséquence climatique. On a raté une étape, il faut réparer, l’humain, la planète et le social.
La réponse réductrice et autoritaire existe et est une tentation forte. Existe-t-il la volonté, les forces et l’exigence d’un travail sur les idées pour proposer une réponse consistante ? Vite et sans pinaillages, se dotant d’une puissance réaliste, car dans de telles crises l’essentiel n’est pas de participer dignement mais de gagner.
Je veux participer au débat de La Grande Réparation.
Il faut réparer l’humain
Il faut réparer la planète
Il faut réparer le social
Ce texte est donc la note d’intention de cette participation à la réflexion qui s’ouvre.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste