La Méditerranée est une mer presque entièrement fermée, bordée par l’Europe du Sud, le Maghreb et le Moyen-Orient. Berceau de l’humanité, elle a été à un carrefour de civilisations et d’invasions. Elle a connu l’époque des pharaons en Égypte avec des incursions perses, l’émergence de la civilisation grecque et l’avènement de l’empire romain où le nom de Mare Nostrum lui a été attribué.
Elle est devenue le centre des trois religions monothéistes et a connu la conquête de sa rive sud par l’armée islamique jusqu’au joyau de l’Andalousie. Des villes mythiques se sont imposées comme Marseille en France ou Gènes, Trieste et Venise en Italie. L’empire ottoman, grande puissance régionale, a étendu son influence jusqu’en Afrique du Nord et dans les Balkans.
De tout temps, elle a vu s’affronter les différentes forces des états riverains pour le contrôle de la navigation sur ses eaux, indispensable à la liberté commerciale.
La colonisation française, espagnole, italienne et anglaise a marqué de son empreinte ces pays. Les importants gisements pétroliers et gaziers trouvés au Moyen-Orient au début du siècle dernier expliquent l’intérêt des grandes puissances pour toute la région. Le contact avec l’océan atlantique, la Mer Rouge, l’océan indien et la Mer Noire est assuré respectivement par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, de Gibraltar et le canal de Suez qui constituent avec le détroit de Sicile quatre grands nœuds stratégiques par où transitent tous les ans plus de 30% du volume mondial du transport maritime commercial et près de 30% du transport pétrolier.
Trois détroits se trouvent donc aux portes de la Méditerranée :
Celui du Bosphore, lié à celui des Dardanelles, puis celui du Canal de Suez et enfin Gibraltar.
Le détroit du Bosphore et des Dardanelles permet la liaison avec la mer Noire, le sud de la Russie et le bassin méditerranéen. C’est un nœud stratégique entre Orient et Occident.
La libre circulation maritime y est garantie par la convention de Montreux signée en 1936.
D’une longueur de 32 kilomètres et une largeur variant d’un à trois kilomètres, pour une profondeur maximum d’une dizaine de mètres, il permet un trafic marchand international de transit en plein accroissement, mais également militaire, sans oublier le cabotage. L’actuel Président turc Erdogan voudrait promouvoir le doublement de ce canal pour faire face à l’intensité du trafic qui excède 43.000 navires par an, mais ce projet est controversé.
Plus au sud, l’Égypte a fait aboutir une idée datant de l’antiquité, à savoir relier la Méditerranée à la mer Rouge, ouvrant ainsi la route vers l’Océan Indien.
C’est le Français Ferdinand de Lesseps qui réussit ce travail titanesque du percement du canal de Suez, inauguré en 1869.
D’une longueur de 193 kilomètres, avec une largeur de quelque 300 mètres pour une profondeur de près de 22 mètres, cette version initiale a été récemment améliorée avec la création d’un deuxième canal parallèle au premier. Le trafic en est grandement facilité, en particulier pour la durée de la traversée qui est maintenant de l’ordre d’un peu plus d’une dizaine d’heures.
Aujourd’hui, il avoisine le passage de 20.000 navires par an, soit une quarantaine de navires par jour, ce qui assure 14% du transport mondial de marchandises.
Aujourd’hui, le trafic du canal est d’un excellent rendement puisqu’il représente la troisième source de devises de l’Égypte.
On ne peut considérer le canal de Suez comme une clé d’entrée en Méditerranée sans l’associer au détroit du Bab el Mandeb, plus au Sud, et qui contrôle la porte de la mer Rouge.
C’est le quatrième point de passage maritime le plus important avec 40% du trafic mondial.
Sa largeur est de 25 kilomètres et sa profondeur de l’ordre de 300 mètres. C’est une artère principale de l’économie mondiale.
Avec l’île de Périm à son entrée, c’est une sentinelle avancée du canal de Suez et de l’accès à la Méditerranée via la Mer Rouge.
À Djibouti, le principe d’un pont reliant les rives djiboutiennes et yéménites a été étudié, mais sans suite, faute de financement et de stabilité dans un environnement perturbé.
En osant s’écarter encore un peu plus, on voit que le détroit du Bab el Mandeb est directement lié plus au nord au détroit d’Ormuz qui mérite également une attention particulière.
En effet, ce détroit voit passer plus de 20 % du commerce mondial du pétrole dont la majeure partie pour l’Europe, via la mer Rouge, le canal de Suez et la Méditerranée.
La mer Rouge qui assure la transition entre l’Océan Indien et le bassin méditerranéen est un axe stratégique majeur qui voit les Russes et les Turcs y installer des bases navales.
La Seconde Guerre mondiale a ajouté au bassin méditerranéen une valeur stratégique avec le débarquement américain en Afrique du Nord qui a permis la défaite des forces de l’Axe en Libye puis en Italie et en France.
Cette défaite a été rendue possible par le contrôle du troisième détroit avec, en point de passage incontournable, le rocher de Gibraltar fermement tenu par les Anglais.
Cette position clé a permis le libre acheminement de toute l’indispensable logistique militaire américaine.
Ce détroit a une largeur de 14 kilomètres et, par endroits, une profondeur de 1.000 mètres. Il est le seul passage maritime entre la Méditerranée et l’Océan Atlantique et se trouve être la deuxième voie maritime après la Manche.
Par le détroit de Gibraltar, transitent actuellement environ 100.000 navires par an, soit près de 300 par jour, transportant 50 % de produits pétroliers et 40% de gaz consommé par les Européens.
Quatre ports le desservent : Algésiras en Espagne, Gibraltar sous drapeau britannique, Ceuta dans l’enclave espagnole, Tanger et Med au Maroc, tous équipés de terminaux adaptés aux grands porte-conteneurs.
Là aussi, une alternative est souvent évoquée avec la construction d’un tunnel identique à celui de la Manche, entre la Maroc au sud et l’Espagne au nord.
Mais ce projet se heurte à des problèmes de financement et de prudence, compte tenu de risques sismiques dans la région.
Dans le domaine de la géopolitique, l’intérêt de ces détroits n’est pas en effet seulement économique. Sur le plan stratégique, les trois principaux détroits que sont le Bosphore, le canal de Suez et celui de Gibraltar sont en fait aujourd’hui les véritables sentinelles d’une zone méditerranéenne particulièrement remuante et sensible.
Les crises s’y succèdent pour différents motifs mais bien souvent avec un relent d’hydrocarbures en arrière plan.
Aussi, avec les forces des pays de l’OTAN, les grandes puissances ont installé des bases militaires pour prévenir, voire attaquer toute force potentiellement déstabilisatrice.
Pour parer à toute éventualité, les Américains s’y sont donc installés avec leur VI ème flotte, mais aussi les Anglais à Gibraltar et à Chypre, les Français à Toulon et en Corse, sans oublier les autres forces nationales comme celles d’Israël et de l’Égypte pour surveiller Suez et la Turquie pour le Bosphore.
De son côté, la Russie reste traditionnellement attirée par les mers chaudes, donc la Méditerranée.
C’est pourquoi le Président Poutine s’est réapproprié la Crimée avec son port militaire de Sébastopol sur la mer Noire.
C’est pourquoi il tient tant à la libre circulation dans le détroit du Bosphore et des Dardanelles, qui permet à la Russie de revenir dans cette région où l’ex URSS avait ses habitudes dans de nombreux pays arabes. Avec sa base navale en Syrie à Tartous et sa nouvelle base aérienne d’Hmeimim, toujours en Syrie, Moscou est à même de pouvoir intervenir militairement mais également en utilisant ses milices privées au gré de ses intérêts dans la zone de la Syrie, à la Libye et même plus au sud en Centre Afrique et au Mali.
Le bassin méditerranéen est tributaire des politiques menées par les leaders des pays en ses bordures.
L’Égypte du Colonel Nasser avait nationalisé le canal de Suez en 1956 provoquant l’intervention militaire franco-anglaise.
Israël avait également, par ses guerres, eu le canal dans ses objectifs, provoquant un choc pétrolier désastreux pour l’économie mondiale.
Sur un autre plan, l’imprévisible Président de la Turquie, entretient actuellement une politique nationaliste et interventionniste.
En Syrie contre les Kurdes, mais aussi à Chypre dont il occupe la partie nord.
En Libye avec la volonté de s’inscrire, comme les autres pays de la zone, dans l’exploitation des gisements d’hydrocarbures récemment découverts en méditerranée orientale.
La nostalgie de l’empire ottoman, la volonté de revenir sur l’humiliation du traité de Sèvres à la fin de la grande guerre mais aussi d’être le chef de file d’un monde arabe et méditerranéen à dominante sunnite, voilà le fond de la pensée du leader turc.
La Turquie est au centre du jeu régional de par sa situation géographique à la jonction de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique.
Alliée des Etats-Unis, membre de l’OTAN, proche de l’Ukraine et de la Russie, Ankara est forcément concernée par la situation actuelle dans son sensible proche environnement.
Elle compte bien profiter de sa position stratégique sur la Mer Noire voisine pour marchander ses éventuels appuis.
Elle est particulièrement intéressée par le transport des hydrocarbures de la Caspienne.
En plus des pipelines qui montent alimenter l’Europe en traversant le pays, d’autres atteignent au sud le port de Ceyhan et arrivent directement dans la Méditerranée.
Avec la Turquie et ses appétits, d’autres acteurs régionaux entendent jouer un rôle de gardien des détroits comme l’Égypte et le Maroc mais aussi… l’Iran.
En effet, Téhéran voudrait bien profiter de l’arc chiite qui passe par l’Irak, la Syrie et le Liban pour s’octroyer un débouché sur le bassin méditerranéen et ne plus dépendre du seul détroit d’Ormuz soumis au contrôle et à l’embargo américain.
Si la situation libanaise s’améliorait, l’utilisation des ports de Beyrouth et de Lattaquié pourrait être envisagée.
Quant aux Américains, leur base d’Incirlik en Turquie est fortement suspectée d’être un dépôt nucléaire dans le bassin méditerranéen.
A noter par ailleurs que Washington dispose à Bahrein de sa V ème flotte et au Qatar de la base aérienne d’Al.
Au sein du monde arabe, Israël est la vraie puissance militaire régionale qui serait dotée de l’arme nucléaire et qui bénéficie de surcroit de l’aide et du soutien américain.
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Sur le plan humain,
Les trois détroits, véritables portes d’entrée du monde méditerranéen, attirent les émigrants, toujours plus nombreux à venir chercher du travail et une vie meilleure.
Ils attirent aussi, bien naturellement, le mercantilisme asiatique.
Grâce au canal de Suez, l’accroissement du trafic maritime permet l’acheminement des marchandises principalement chinoises et l’établissement de nombreux chantiers, en particulier en Afrique du Nord.
Les Chinois arrivent en nombre par la nouvelle route de la soie qui passe par le détroit du Bab el Mandeb.
Ils disposent à Djibouti d’une base militaire de quelque 3.000 hommes, puis empruntent le canal de Suez pour se répandre dans le bassin méditerranéen.
L’Algérie est une de leurs cibles prioritaires.
Ils sont discrets, ne coutent pas cher et exécutent des travaux d’infrastructures mais….pas toujours conformes – sur le plan de la qualité – aux souhaits de leurs clients.
Les émigrants qui ont fui leurs pays l’ont fait pour des raisons de sécurité, mais aussi de santé, notamment face à la pandémie du COVID qui n’a pu être gérée comme elle aurait dû l’être.
Ils émigrent souvent aussi pour des raisons politiques et surtout économiques, avec la fluctuation des prix du pétrole pour les pays producteurs.
Leur rêve est d’atteindre l’Europe, via le Bosphore pour les Syriens et Irakiens.
Récemment, les Afghans qui avaient quitté précipitamment leur pays dirigé par le régime obscurantiste des talibans utiliseront cette même voie.
Les Yéménites, Erythréens, Somaliens, Soudanais… , eux, fuient par le canal de Suez puis remontent par le Bosphore.
Les Marocains et les Africains tentent leur chance par le détroit de Gibraltar où une véritable organisation disposant de moyens modernes fait passer, outre des émigrés, des drogues comme le haschich cultivé dans le nord marocain mais aussi la cocaïne venant d’Amérique du Sud.
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Les migrants, une source d’inquiétude ?
C’est une véritable misère humaine exploitée à des fins politiques, voire repoussée mais qui inlassablement essaie de monter vers le nord de la Méditerranée, espérant y trouver un monde meilleur.
Le danger islamiste avec la proclamation du Califat a été vaincu par une vaste coalition internationale et Daech n’existe plus.
Mais, l’idéologie demeure, en particulier chez les jeunes qui forment un important pourcentage des populations entourant le bassin méditerranéen.
La démographie y est galopante et le « djihadisme des naissances » doit bien être pris en compte.
Ils ont fait les printemps arabes, ils ont renversé des chefs d’état corrompus ou incompétents.
Aussi sont-ils très surveillés car souvent difficilement contrôlables, et parfois la proie rêvée des islamistes toujours figés dans leurs utopiques certitudes.
Mais, il est bon de noter qu’un djihadisme d’ambiance reste un fond de tableau palpable.
Dans un contexte de voisinage avec les événements qui secouent la zone sahélienne, les situations intérieures de l’Algérie et surtout de la Tunisie demeurent sensibles.
Il ne faudrait pas que certains terroristes profitent de ces vagues migratoires pour s’y glisser et venir opérer en Europe.
Gardons en mémoire que près de 3.000 jeunes Tunisiens ont constitué le plus fort contingent arabe au sein de Daech et n’oublions pas que l’attentat du 14 Juillet à Nice a été commis par des émigrés venus de Tunisie.
La Russie avec ses 20 millions de musulmans reste méfiante de toute contagion djihadiste vers ses républiques musulmanes du sud, ce qui explique en partie son activisme régional.
Moscou marque aussi son intérêt pour la zone avec la signature en 2017 des accords d’Astana de bonne entente avec ses voisins, l’incontournable Turquie mais également l’Iran des Ayatollahs.
Les Etats-Unis qui sont à l’origine de l’accord d’Abraham du 13 Août 2020 ont fait reconnaître Israël par les Émirats Arabes Unis, le Qatar, Bahreïn, le Soudan, le Maroc en attendant l’Arabie Saoudite.
Cet événement quelque peu inattendu pour la paix avec un pays non arabe riverain de la Méditerranée a été obtenu après d’inévitables marchandages.
Ainsi pour le Maroc ce fut la reconnaissance de son occupation du Sahara occidental, pour d’autres des avantages politiques ou de belles fournitures d’armes toujours recherchées.
Il faut également garder à l’esprit l’attirance des monarchies arabes pour le savoir-faire israélien dans le domaine de l’informatique, avec la cybersécurité, la cryptologie et l’intelligence artificielle.
Ces technologies sont particulièrement recherchées dans la lutte anti-terroriste mais également pour consolider leurs pouvoirs par une étroite surveillance des oppositions.
Cet accord s’est fait au détriment du front Polisario, soutenu par l’Algérie, et des Palestiniens dont la cause n’a plus la même audience émotionnelle, notamment dans le monde arabe.
Des événements ont vu les populations palestiniennes d’Israël, de Gaza et de la Cisjordanie opposer une résistance vive mais limitée aux Israéliens.
Ce problème n’est cependant toujours pas vraiment résolu, d’autant que le soutien de l’Iran perdure avec l’envoi d’armements au Hamas à Gaza et au Hizballah au sud-Liban.
Le bassin méditerranéen qui a été un champ clos de luttes, d’appétits locaux et de richesses enviées a connu une histoire et des civilisations qui ont marqué.
Ses détroits n’ont pas été seulement des sentinelles, mais ils ont également permis une ouverture sur le monde, un trait d’union heureux entre les hommes, leurs coutumes et ont facilité les échanges d’idées.
Comme les détroits de Panama ou de Malacca dans des zones différentes, ceux de la Méditerranée sont des points de passage obligés de compréhension de la géopolitique régionale et mondiale.
Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, la nouvelle possibilité de passage par les pôles, avec notamment le détroit de Béring, ouvre une autre page de l’humanité et du commerce mondial.
De plus, il est bon de noter que le passage par ce détroit permet à la navigation entre l’Asie et l’Europe de l’Ouest de gagner 7.400 kilomètres sur le trajet passant par le canal de Suez.
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Les migrants dans la tourmente :
Mais aujourd’hui, le réchauffement climatique entraine une dérégulation de la nature et provoque des nuisances qui impactent la vie des hommes.
Les catastrophes naturelles se succèdent.
Aux tremblements de terre s’ajoutent, tornades, incendies, pluies diluviennes et inondations… mais, aussi, en de nombreux endroits, d’inquiétantes pénuries d’eau si indispensable à la vie et aux cultures.
Le sud du bassin méditerranéen est donc touché de plein fouet par ces changements d’ordre climatiques qui ne peuvent malheureusement qu’entrainer un surcroit de misère, de chômage et une montée des inégalités, voire de violences.
Les pouvoirs politiques locaux sauront-ils ou pourront-ils faire face et gérer ce genre de catastrophes ?
Il est à craindre que ce type de situations inhabituelles entraine des réactions plus ou moins contrôlées des populations.
Dans un tel possible désarroi, la tentation de quitter le pays pour des zones plus clémentes se pose.
Et les régions plus hospitalières, encore un peu mieux arrosées de pluies bienfaitrices, se trouvent aujourd’hui au Nord en Europe.
Elles constituent déjà une force attractive car les ventres creux sont toujours attirés par les ventres pleins.
Les tentatives de différents pays d’empêcher l’arrivée de ces flux migratoires en construisant des murs et des barbelés n’ont jamais donné de résultats concluants.
Certains en arrivent aussi à instrumentaliser les migrants
(Biélorussie – Pologne – Bulgarie…).
Aux nombreux émigrés africains, asiatiques, moyen-orientaux et maintenant afghans qui veulent pour des raisons politiques, économiques ou de sécurité gagner cette Europe idéalisée, vont donc s’ajouter les victimes des changements climatiques.
Pour eux aussi la destination est la même.
Diverses routes seront empruntées mais celles qui seront privilégiées devront passer par un détroit, et là, c’est celui de Sicile mais également de Gibraltar qui seront, de plus en plus souvent, leur incontournable porte d’entrée.
Pour prévenir ou contenir un tel flux migratoire qui vide les pays de leurs élites, les pays du nord doivent se préparer à y faire face par des mesures anticipatives d’aide à leurs voisins méridionaux.
Gardons en mémoire la réalité de la démographie en Afrique avec l’Égypte et, grosso modo, ses 2 millions de naissances par an, mais aussi tout récemment en Afrique du Nord avec près d’un million de naissances en Algérie en une année.
Pour certains observateurs, la population du Maghreb représenterait d’ici dix ans quasiment le double de la population française.
Dans les pays du bassin sud de la Méditerranée, le taux de fécondité est supérieur à deux enfants par femme alors qu’il est inférieur à deux enfants par femme dans ceux du bassin nord.
Le déséquilibre démographique est apparent et l’avenir impose un suivi bien particulier.
Sur place, les besoins sont nombreux. Ils sont d’ordre naturellement humains, économiques, structurels et d’investissements créateurs d’emplois, voire médicaux pour efficacement faire face aux pandémies.
La sécurité de cette Europe vieillissante qui a besoin de bras nouveaux passe par la prise en compte de cette situation pas si éloignée qu’on le pense.
Relayé par tous les médias, le spectacle de ces émigrants avec enfants, femmes, vieillards qui errent dans nos forêts, bloqués par des barbelés, des soldats armés avec des chiens, cela rappelle un passé pas si lointain.
Cela ne peut laisser indifférent, nous qui sommes en paix dans notre confort douillet.
La crise migratoire n’est pas un simple phénomène des sociétés défavorisées. Elle est malheureusement très présente et elle va de plus en plus faire l’actualité, la nôtre. Nous ne pouvons pas ignorer ce phénomène avant tout humain présent à nos portes.
Le bassin méditerranéen et ses détroits gardent la mémoire d’un centre bouillonnant de civilisations et de cultures avec des racines qui demeurent encore profondes et solides.
Le bassin méditerranéen et ses détroits sont plus que jamais une zone cruciale.
Par eux, c’est un moyen de transit et de communication, un point de contact commercial entre Occident et Orient, un accès aux hydrocarbures.
Par eux, passent également toutes les données du monde informatique moderne. Là encore, les détroits sont des points de passages obligés. Il en est ainsi d’Ormuz, de Djibouti avec le passage du Bab el Mandeb, du Canal de Suez et de Gibraltar.
Très utilisés durant les deux grandes guerres mondiales, ils demeurent aujourd’hui des enjeux stratégiques majeurs de la sécurité zonale.
Aussi, n’est-il pas étonnant que les grandes puissances – Etats-Unis et Russie – mais aussi nombre de pays européens appartenant à l’OTAN soient très attentifs aux évolutions de cette région.
N’oublions pas enfin que la Méditerranée est la première destination touristique mondiale avec un brassage important de populations et un flot conséquent de rentrées d’argent que cela génère.
Dans la conjoncture actuelle, le bassin méditerranéen, de par sa situation géographique et de son histoire, demeure une zone de plus en plus sensible.
Il intéresse de nombreux pays aux intérêts souvent opposés et la militarisation y est en nette progression.
La nervosité est sous-jacente et les risques de dérapages sont malheureusement toujours possibles.
Ce bassin particulièrement nerveux a et aura toujours besoin de véritables sentinelles à ses entrées.
Ces détroits demeurent cependant toujours propices aux contacts humains, aux échanges commerciaux et aussi, nous l’espérons, à ceux des valeurs et des idées.
En 1879, Victor Hugo disait: « La Méditerranée est un lac de civilisations ».
Si les temps ont changé et demandent d’indispensables adaptations, tout ce bassin qui a fait l’histoire doit se trouver une nouvelle existence aux carrefours des défis de demain.
François Besson
Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer