Ils s’appellent Christophe, Joseph, Ayouba ou Dominique et depuis le 17 novembre 2018 ils ne quittent plus leur gilet jaune. Certains d’entre eux sont d’ailleurs devenus des figures du mouvement. Ils nous exposent les raisons qui les ont poussés à se mobiliser, ce qu’ils reprochent au pouvoir, leur vision de la société qu’ils appellent de leurs vœux, l’avenir du mouvement. Leurs propos sont les leurs. Notre choix est d’en livrer la matière brute, sans que cela n’engage bien entendu notre rédaction.
Revue Politique et Parlementaire – Comment expliquez-vous l’émergence du mouvement des « gilets jaunes » ?
Christophe Chalençon : « Il y a une prise de conscience collective qui ne va pas s’arrêter »
La taxe sur le carburant a été la mèche qui a allumé le baril de poudre. Mais après deux mois de mobilisation ont a pu constater que le mal-être des Français était plus profond et ancien. Les ronds-points représentent la mise en connexion d’une grande conscience collective. Cette mobilisation a mis en lumière les dysfonctionnements de notre société axée uniquement sur la finance et dans laquelle l’humain a été complètement oublié.
L’objectif de Macron et de son gouvernement était l’asservissement du peuple, l’investiture de Macron à la Pyramide du Louvre en est d’ailleurs l’une des illustrations. Mais ils sont allés trop vite, ils auraient dû attendre encore une décennie pour cela car les retraités et les quinquagénaires ont connu un monde avec des valeurs humaines. C’est pourquoi, ils sont majoritaires sur les ronds-points. Les plus jeunes sont nés avec la mondialisation, l’informatique, le numérique. Ils sont déjà programmés pour un basculement de notre société. Macron a voulu accélérer ce mouvement trop vite et les citoyens se sont levés le 17 novembre. Il y a eu une prise de conscience collective qui ne va pas s’arrêter là.
Joseph Adamo : « Nous avons pris conscience qu’il y avait plus de contrepouvoir »
Beaucoup de Français ne supportent plus les inégalités, qui ne cessent de se creuser, et les injustices qui explosent. Commerçants, artisans, chômeurs, retraités, salariés pauvres, handicapés ou invalides, jeunes et vieux se sont retrouvés autour des ronds-points. Nous avons échangé et sommes arrivés à plusieurs constats.
Nous avons réalisé que nous vivions tous des situations financières difficiles. Chacun a vu ses revenus baisser. Les produits alimentaires, l’énergie, les assurances, les mutuelles, les loyers, n’ont cessé d’augmenter, réduisant peu à peu le reste à vivre. Certains Français ne peuvent plus faire trois repas par jour. Face au prix des loyers et aux exigences toujours plus importantes des propriétaires, les travailleurs pauvres ont de grandes difficultés à se loger. Beaucoup vivent et dorment dans leur voiture alors qu’ils ont un emploi. Le délai d’attente pour l’obtention d’un logement social est de sept ans et la loi Dalo n’est pas appliquée. De plus, les APL ont diminué, principalement pour les locataires des logements sociaux, alors que les loyers n’ont pas baissé, le reste à charge est devenu trop lourd à assumer. Les ressources des handicapés sont désormais soumises à celles du foyer fiscal, ils sont donc devenus dépendants de leurs conjoints. Les petites entreprises artisanales et commerciales n’arrivent plus à faire face aux charges qui viennent encore d’augmenter de 7 %. De nombreux artisans ne peuvent plus se verser de salaire décent pour vivre.
Par ailleurs, on peut constater une fracture entre les territoires. Les loyers excessifs dans les grandes agglomérations poussent les gens à se loger de plus en plus loin de leur lieu de travail entraînant une augmentation de leur budget transport. Les transports en commun sont pratiquement inexistants en milieu rural. Les personnes âgées, les pauvres, les habitants des zones blanches n’ont pas accès à Internet alors qu’il est devenu un outil quasiment obligatoire, notamment à la suite de la dématérialisation des démarches administratives.
Nous estimons également que le système fiscal est injuste. La majorité des impôts est supportée par la classe moyenne basse et les taxes frappent tout le monde y compris les plus fragiles (handicapés, invalides, retraités) alors que certaines entreprises et gros contribuables échappent à l’impôt grâce à l’optimisation et l’évasion fiscales. Nous ne voyons pas où va cet argent. Beaucoup de services publics se dégradent ou disparaissent. Nous allons, par exemple, vers une médecine à deux vitesses avec des hôpitaux publics qui ne prennent plus en charge certaines pathologies d’un côté et des cliniques privées très onéreuses et donc inaccessibles à de nombreux patients de l’autre. En revanche, l’État coûte très cher aux contribuables.
Enfin, nous avons pris conscience qu’il n’y avait plus de contre-pouvoir, le Parlement étant au service du gouvernement, les élus locaux n’ayant plus les moyens financiers pour mener leurs actions, les syndicats n’existant quasiment plus et n’étant plus capables de négocier.
Le pouvoir est de plus en plus centralisé au niveau de la prise de décision. Le contrôle de l’action du gouvernement diminuant, il est devenu plus autoritaire, nous l’avons d’ailleurs constaté avec sa politique de répression entrainant de graves blessures et mutilations chez les manifestants. Ce gouvernement ne fait que de la communication, il retire aux plus pauvres pour donner aux plus riches et est à la solde des lobbies.
Dominique Samard : « Notre société a un genou à terre, mais nous avons encore l’espoir de la redresser avec force et honneur »
Les élites qui nous gouvernent depuis des années ont fait sécession. Elles ont trahi le peuple et n’ont cessé de le manipuler pour servir les intérêts mondialistes et personnels. Les citoyens ne sont pas dupes, ils ont une conscience et une intelligence. Nos élites ne respectent plus les valeurs universelles entraînant ainsi le chaos social dont elles portent toute la responsabilité.
Le mouvement des « gilets jaunes » s’inscrit donc en contre-pouvoir afin de garantir et protéger les acquis et les fondations de notre société. Il a su rassembler et légitimer son action permettant ainsi de retrouver une fraternité.
L’injustice sociale et la pauvreté dans notre pays sont devenues insupportables, elles sont visibles partout et affectent les classes moyennes basses qui sont le moteur de la France. Les « gilets jaunes » ont décidé de faire face démocratiquement et de ne plus courber l’échine.
Notre société a un genou à terre, mais nous avons encore l’espoir de la redresser avec force et honneur.
Nos territoires ruraux sont abandonnés par l’État de manière réfléchie et volontaire. De nombreux secteurs ruraux connaissent des difficultés : artisanat, services, santé, transports publics, PME, commerçants, agriculteurs. 529 communes sont encore en zone blanche.
Partout dans le monde les inégalités ne cessent de croître entre riches et pauvres. Qui aurait cru qu’au XXIe siècle autant de personnes souffriraient encore d’injustices manifestes et révoltantes.
Ayouba Sow : « La République (…) est privatisée par une minorité »
La démocratie n’est plus le pouvoir du peuple. Le suffrage est réduit à un simple pouvoir de légitimation politique d’une théologie économique : le néolibéralisme. Si le suffrage reste populaire, le pouvoir est censitaire et reste entre les mains d’une élite.
La République « res publica » ou la chose publique est privatisée par une minorité qui absorbe l’essentiel des droits et privilèges tout en supportant le moins d’efforts pour le service public. L’autorité n’est plus subordonnée à la souveraineté du peuple, mais à la puissance du Marché. L’État ne représente plus le bien commun, mais sert les intérêts d’une minorité qui bénéfice de toutes les exonérations alors qu’il transfert à la collectivité les charges les plus lourdes. La fiscalité n’est plus répartie en fonction des capacités de chaque citoyen car les plus riches y échappent grâce à des exonérations fiscales complexes. L’unité du pays est rompue par la disparition des services publics dans les territoires ruraux (poste, gendarmerie, centre des impôts, hôpital, théâtre).
Le progrès, payé avec une contribution substantielle des territoires ruraux, ne profitent qu’aux grandes agglomérations.
La fracture numérique se creuse au moment où l’État accélère la dématérialisation des services publics. Les zones grises numériques transforment les villages en territoires de relégation.
Le citoyen subit un double déclassement. Politique d’une part, puisqu’il n’est plus acteur de la démocratie au sens plénier. Il est cantonné au rôle de simple votant de politiques et programmes élaborés en dehors de lui. Une fois ce droit de vote exercé, il ne lui est plus permis de participer à l’édiction des lois ou de contester des politiques. Déclassement social d’autre part, puisque le travail ne permet plus de s’élever socialement, mais uniquement de ne pas tomber dans la pauvreté. Il n’est plus question de faire des projets d’avenir mais d’assurer les besoins vitaux du quotidien.
L’économie mondialisée est basée sur la spéculation excessive, la captation des bénéfices par les seuls actionnaires, la
surexploitation des ressources naturelles, la financiarisation, la mise en concurrence des États et des nations, l’imposition du moins disant en matière de protection sociale, des écarts de salaire entre salariés et dirigeants abyssaux.
RPP – Vous estimez qu’après 40 ans de recul, d’égoïsme, de manipulation et de renoncement, le temps est venu de refonder la société, l’économie et la démocratie de la France. Quels sont, selon vous, les principes sur lesquels devraient reposer cette nouvelle société ?
Dominique Samard : « L’objectif des “gilets jaunes” est de favoriser les rencontres et l’entraide »
Les grandes banques sont les championnes de la spéculation, qui consiste à gagner de l’argent sans créer de richesses sur le dos des classes moyennes et des miséreux. Elles font feu de tout bois en s’attaquant aux devises, aux dettes publiques, mais aussi au pétrole ou encore aux matières premières agricoles. L’État et son fonctionnement encouragent cette spirale infernale. Ils ferment les yeux au risque de voir surgir une bulle spéculative, qui pourrait s’avérer catastrophique pour les petits épargnants, et une crise financière sans précédent.
La France est le pays où les riches s’enrichissent le plus rapidement, elle rejoint donc petit à petit les États-Unis qui n’ont plus que des riches ultra-riches, des pauvres et des ultra-pauvres, la classe moyenne étant exclue du système. La fortune du grand patronat a atteint des sommets himalayens, celle des 500 Français les plus fortunés a été multipliée par sept en vingt ans, le plus riche d’entre eux culminant à 46 milliards d’euros. En comparaison, un Français sur cinq ne peut pas manger trois fois par jour, 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et 39 % de la population a déjà été confrontée à cette situation. Nous sommes au sommet de l’indécence sociale.
Il est de notre devoir d’agir sur cette caste de dirigeants pour qu’ils ouvrent les yeux sur le monde qui appartient à tous. Nous espérons obtenir ainsi un partage plus équitable de nos richesses qui est aussi le fruit des travailleurs. La fraternité est également offerte aux plus riches, qu’ils s’en emparent pour le bien-être et la cohésion de tous.
L’objectif des « gilets jaunes » est de favoriser les rencontres et l’entraide, de sortir les gens de leur isolement contraint, d’être à l’écoute des plus vulnérables.
Nous ne sommes pas là pour prôner et montrer du doigt les différences de chacun, nous déplorons toutes formes d’extrémisme car celui-ci provoque la division et la violence.
Christophe Chalençon : « Nous revenons à l’essence même de la politique »
Le mouvement des « gilets jaunes » est le fil conducteur de l’humanité qui va apporter la lumière et retirer le voile de l’obscurantisme. Nous allons au niveau de tous les pays rejeter l’élite qui est au service de la finance et qui ne représente qu’un pour cent de la population.
Une démocratie est en train de se mettre en route comme en 1789. La France a toujours été précurseur dans ce domaine. Il est évident que nous n’allons pas, comme en 1789, décapiter les élites. Nous allons essayer de leur faire comprendre que nous avons tous besoin les uns des autres et que cela passe par le partage équitable des richesses, en France comme dans tous les pays. Nous nous devons, notamment, de donner à l’Afrique les moyens de la démocratie.
Nous revenons à l’essence même de la politique, le peuple sera acteur de ses choix plutôt que de donner des chèques en blanc à une élite qui utilise la politique uniquement pour servir les intérêts de la finance.
Nous voulons une politique du partage, des circuits courts, de la revitalisation des villages de notre enfance où il y avait moins de pollution et de laissés pour compte. L’individualisme maintient beaucoup de gens sur le côté. Le pouvoir vide nos territoires de leurs forces et de leurs capacités.
Ayouba Sow : « Une économie plus solidaire »
Nous souhaitons le retour d’une économie plus solidaire qui favorise l’actionnariat salarié. L’activité des GAFA doit être régulée et soumise au droit national. Nous devons lutter contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Il est également important de séparer la finance de l’économie. Il faut interdire la spéculation sur les matières premières de base ainsi que l’intervention des lobbies dans les assemblées déclaratives. Il serait également nécessaire de créer une banque d’investissement pour les PME.
Joseph Adamo : « Nous voulons que la politique reprenne le pouvoir »
Nous refusons que soient remis en cause nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous rejetons le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, les violences physiques et psychologiques.
Notre justice doit être véritablement libre et le parquet totalement indépendant du pouvoir en place. Nous ne voulons pas d’une justice 2.0, mais d’une justice proche et accessible à tous, avec une augmentation des aides juridictionnelles et davantage de personnels.
Il est important de protéger les fondements de notre démocratie.
Nous tenons au respect de nos libertés fondamentales : liberté d’expression, d’opinion, de manifester, etc. reconnues et affirmées tout au long de notre histoire.
Il convient également de refonder notre contrat social pour plus de justice sociale et fiscale, de démocratie et dans le respect de notre environnement et de nos territoires.
La décentralisation des services de l’État vers les territoires ruraux nous paraît essentielle. Nous voulons un État stratégique qui définit les plans d’investissement public d’aménagement du territoire en concertation étroite avec les collectivités locales qui connaissent parfaitement leurs atouts et faiblesses ainsi que les besoins des entreprises et des citoyens.
Enfin, l’État, les élus et les administrations doivent être exemplaires dans la gestion de l’argent public avec un fléchage de l’affectation des recettes et un contrôle des dépenses. Nous voulons que le politique reprenne le pouvoir sur l’économie et notamment la Haute administration.
RPP – À la demande du président de la République, le gouvernement a engagé un grand débat national. Que pensez-vous de cette initiative ?
Dominique Samard : « Nous souhaitons retrouver une horizontalité politique »
Les « gilets jaunes » craignent que ce grand débat ne soit tronqué car dans de nombreuses questions posées, le gouvernement avait déjà prévu de faire des réajustements. Nous n’avons également aucune garantie que nos doléances soient retranscrites et restituées en l’état. Beaucoup de sujets importants tels que la baisse des taxes, la révision du CICE, la hausse des salaires, le pouvoir d’achat, la baisse des taxes sur les produits de première nécessité, la suppression de l’ISF ou encore la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne ne sont pas évoqués. Le projet de taxation des GAFA à 3 % récemment proposé par Bruno Le Maire nous semble insuffisant et utopique.
L’évolution de la démocratie est primordiale, il en va de sa pérennité. Nous ne pouvons plus être les esclaves d’un exécutif qui aurait seul la parole et le pouvoir de décision. Le RIC demandé par les « gilets jaunes » doit permettre de redonner la parole aux citoyens, avec des débats politiques apaisés. Il est capital qu’il soit adapté pour que nos acquis ne soient ni contestés, ni remis en cause. Le nombre de votations et les sujets de revendication devront également être discutés. Nous souhaitons retrouver une horizontalité politique, nos maires seront la clef de voute des citoyens avec le soutien de futurs conseillers municipaux « gilets jaunes ».
RPP – Vous souhaitez que les assemblées citoyennes soient, avec la plateforme Noos, le nouveau lieu d’expression. De quoi s’agit-il ?
Christophe Chalençon : « Les assemblées citoyennes sont la source même de la politique »
Les assemblées citoyennes sont la source même de la politique, les citoyens participent au débat sur la place du village et désignent eux-mêmes leurs porte-paroles en votant. À l’inverse des partis rien n’est imposé. À travers toute la France un mouvement, avec des initiatives très différentes, s’est créé sans qu’un individu en particulier cherche à en tirer parti.
Les assemblées citoyennes nous ont très rapidement permis de nous mettre autour de la table, d’échanger, de débattre dans le respect. Toutes ces compétences mises bout à bout représentent une force.
Nous partageons nos multiples initiatives et nous mettons en valeur les investissements et actions du mouvement quels qu’ils soient. L’objectif pour tous c’est de combattre ce pouvoir.
L’une de nos initiatives est la mise en place de la plateforme Noos. Il s’agit d’un outil numérique d’intelligence collective permettant aux citoyens de s’exprimer et de se structurer en toute liberté sans intermédiaire. Noos collecte les revendications puis les classes en les priorisant. Cet outil servira également à d’autres initiatives et pourquoi pas imaginer le mettre à la disposition des populations africaines pour destituer les dictateurs et repenser la démocratie sans passer par les armes. Il s’agit là d’une politique de la raison et non partisane. Noos peut être un formidable outil au niveau européen pour éviter les conflits et permettre au peuple d’exprimer ses revendications.
RPP – De nombreuses propositions, qui seront confrontées, débattues et complétées, sont émises par les assemblées citoyennes. Quelles sont les premières revendications qui ressortent ?
Ayouba Sow : « Remise des citoyens au cœur de l’Union européenne et de ses institutions »
Les premières propositions émises sont les suivantes :
- interdiction pour les grands groupes industriels et financiers de posséder des médias afin de garantir la liberté de la presse ;
- redéfinition de la démocratie en plaçant le citoyen au cœur du système. Cela suppose de mettre en place davantage de démocratie directe et participative ;
- reconnaissance du droit d’initiative citoyenne sur tous les sujets politiques, économiques, culturels et sociaux qui permet, si un quorum de signataires est atteint, d’inscrire un texte à l’ordre du jour du Parlement, demander l’abrogation d’une loi ou sa modification ;
- possibilité pour le Défenseur des droits de saisir le Conseil constitutionnel afin de contester certaines lois mises en cause par les citoyens ;
- remise des citoyens au cœur de l’Union européenne et de ses institutions ;
- interdiction pour les commissaires européens de travailler pour les grandes compagnies pendant une durée de cinq à sept ans ;
- possibilité pour le Parlement européen de révoquer les commissaires ;
- réduction des niches fiscales des grandes entreprises ;
- plafonnement des revenus des grands patrons et indexation sur les performances de l’entreprise ;
- suppression des licenciements boursiers ;
- rattachement de l’impôt à la nationalité et pas seulement au territoire pour mettre fin à l’exil fiscal.
Joseph Adamo : « Retrait de l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur »
Les propositions sont de quatre ordres : justice sociale, justice fiscale, démocratie et transition énergétique.
En matière de justice sociale :
- attribution de l’allocation aux handicapés indépendamment des revenus du foyer fiscal afin de laisser une indépendance financière à la personne en situation de handicap. En revanche, cette allocation doit être déclarée avec les autres revenus du foyer fiscal et donc imposée si le montant du foyer dépasse la tranche imposable ;
- interdiction de diminuer les APL pour les personnes invalides ou en situation de handicap reconnu, qu’il soit physique ou moral, et les plus de 65 ans ;
- lancement d’un plan Marshall du logement et construction de logements sociaux. Les prix à la vente et à la location de biens immobiliers ont explosés déséquilibrant les budgets des foyers et plus particulièrement des familles monoparentales et des personnes seules ;
- renforcement des sanctions financières à l’égard des propriétaires louant des biens insalubres ;
- baisse de l’imposition sur l’immobilier pour les propriétaires facilitant l’accès au logement ou acceptant de baisser le prix du loyer.
En matière de justice fiscale :
- création d’une tranche supérieure supplémentaire. Cela permettrait de mieux lisser la fiscalité et de réduire le taux pour toutes les tranches ;
- remboursement des aides accordées par l’État aux entreprises qui n’auraient pas respecté, dans les cinq ans, les objectifs avancés pour bénéficier de ces aides. Il n’y a aucune raison que les particuliers qui perçoivent des aides soient contrôlés, notamment par la CAF et la CPAM, et pas les entreprises ;
- imposition du contribuable en fonction de sa nationalité et non de son lieu d’habitation afin d’éviter l’exode fiscale.
En matière de démocratie :
- organisation d’élections législatives à mi-mandat afin de redonner un rôle de contre-pouvoir à l’Assemblée nationale ;
- réaménagement du référendum prévu à l’article 11 de la Constitution pour que sa mise en place soit facilitée (saisine conjointe par 10 % du corps électoral + 10 % des élus des deux chambres). Nous demandons également son élargissement aux problèmes sociétaux à venir et aux grandes politiques publiques (défense, environnement, économiques) avec un contrôle préalable du Conseil constitutionnel pour vérifier que la question à poser ne portera pas atteinte aux libertés fondamentales ou aux droits déjà acquis. Nous proposons l’annulation de la votation du référendum si la participation est inférieure à 50 % des votants ;
- obligation d’utiliser plus souvent les référendums locaux ;
- prise en compte des votes blancs avec annulation des élections si ceux-ci représentent plus de 35 % des votes. Une nouvelle élection sera alors organisée six mois après ;
- organisation tous les cinq ans d’un grand débat public avec obligation de retenir trois grandes idées à l’issue du débat qui seront présentées au référendum ;
- retrait de l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur, dont notamment la carte électorale qui favorise le parti au pouvoir. Nous demandons qu’elle soit confiée à un organisme indépendant.
En matière de transition énergétique :
- mise en place du rapport remis par l’Inra au gouvernement en octobre 2018 afin de sortir du glyphosate et des pesticides. Nous proposons d’octroyer des aides aux agriculteurs pour passer d’une agriculture industrielle à une agriculture raisonnée ;
- interdiction de toute maltraitance animale et d’élevage de masse avec sanctions financières lourdes en cas de non respect des obligations, versées sur un fond d’aide aux agriculteurs ;
- rétablissement de l’aide au passage à l’agriculture bio pour développer ce type d’agriculture qui présente des débouchés importants tant au plan national qu’au plan international ;
- fiscalisation des entreprises les plus polluantes, y compris celles qui interviennent à l’étranger. Un bonus fiscal pourrait être attribué aux entreprises qui respectent l’environnement dans leur processus de production, alors que celles qui polluent (y compris les entreprises qui pratiquent un management conduisant à un nombre important de burn out, onéreux pour les contribuables), se verraient taxées d’un malus fiscal et de lourdes sanctions pécuniaires avec obligation de remise en état.
RPP – Les gilets jaunes travaillent actuellement à la création des « ronds-points du cœur ». De quoi s’agit-il ?
Christophe Chalençon : « Les ronds-points ont également permis à certains de se resocialiser »
Il s’agit d’un véritable projet humaniste et social initié par Jérémy Clément. Des personnes sont venues sur les ronds-points pour pouvoir se nourrir, certaines n’avaient pas mangé de viande depuis très longtemps. Les ronds-points ont également permis à certains de se resocialiser.
Ayouba Sow : « Une journée solidaire par semaine »
Les ronds-points du cœur se définissent par l’accueil solidaire et fraternel des familles en difficulté, en manque de nourriture, de vêtements, d’aménagement de la maison, d’un travail digne, d’une écoute morale, sociale, revendicative sur les droits et politiques. Nous faisons appel au bénévolat, au volontariat associatif et professionnel (commerçants, artisans, personnel administratif et entrepreneurs…). Pour cela, nous devons mettre en place un modèle de société « horizontale » plus participative et démocratique où chacun pourra apporter son savoir-être et son savoir-faire. Nous souhaitons créer une journée solidaire par semaine qui permettra :
- aux restaurateurs et cantines scolaires de fournir un repas chaud pour 2 € aux personnes sans abris ou ayant peu de moyens (- de 1 200 € par mois) ;
- aux entrepreneurs et collectivités d’accueillir des chômeurs afin de les aider à se réinsérer dans la vie professionnelle en leur faisant découvrir un métier, en les formant, ou en leur demandant de réaliser un travail en fonction de leurs qualités. La rémunération serait alors défiscalisée ;
- aux commerçants de proposer des vêtements, chaussures, accessoires en soldes à 2, 5, 10 € ;
- aux formateurs et professeurs d’accueillir les élèves en difficultés pédagogiques, psychologiques et sociales ou de se déplacer dans les hôpitaux pour faire cours aux enfants malades ; aux psychologues, personnels soignants, docteurs de soigner à un tarif de 5 € de l’heure ;
- aux formateurs professionnels d’enseigner chez un entrepreneur, artisan ou commerçant afin d’avoir un enseignement pratique et professionnel et non théorique ;
- aux hôteliers d’héberger des sans abris en échange de quelques services ;
- aux retraités et personnes seuls d’accueillir chez eux un jour ou plus des gens isolés, sans abris, migrants, séparés, des veuves, des femmes maltraitées et leurs enfants en échange de services personnels ;
- aux personnes qui pratiquent un sport ou une activité artistique de répéter ou de se produire dans des bâtiments publics : gares, hôpitaux, écoles, résidences pour 3e âge, écoles d’éducation spécialisée pour handicapés.
Avant de mettre en place cette journée solidaire, il convient de recenser les besoins sociaux, humains et culturels des citoyens. C’est par l’écoute et l’action fraternelle que l’on pourra instaurer ce modèle de société « horizontale » de démocratie participative.
RPP – Selon vous, le mouvement doit-il se structurer politiquement et si oui comment ?
Joseph Adamo : « J’ai conscience que les « gilets jaunes » ne représentent pas l’ensemble des citoyens »
Je ne m’inscris pas dans cette perspective car je constate que la base des « gilets jaunes » n’est pas favorable à cette stratégie. Il est déjà très difficile de les convaincre de rejoindre des associations pour se structurer par département. La méfiance est très forte à l’encontre des politiques et des médias et les « gilets jaunes » ne souhaitent pas entrer dans le système qu’ils dénoncent. Ils visent à être un contre-pouvoir sur le terrain pour obtenir des négociations réelles et des concessions, le temps que les contre-pouvoirs institutionnels, démocratiques et sociaux se structurent et se recomposent. Ils ne veulent pas servir des ambitions individuelles qui s’appuient sur le mouvement sans pour autant avoir bénéficié d’une légitimité résultant d’un vote organisé auprès de tous.
Ils ambitionnent uniquement de faire remonter leurs revendications via les associations départementales, formuler des propositions et trouver des solutions.
J’ai conscience que les « gilets jaunes » ne représentent pas l’ensemble des citoyens, il n’est donc pas question d’imposer à une majorité le point de vue d’une minorité. Au sein même du mouvement cette question fait débat.
Christophe Chalençon : « Les hommes et les femmes politiques actuels (…) représentent une oligarchie bourgeoise »
La politique doit être portée par des assemblées citoyennes et les députés représenter le peuple, faute de quoi ils pourront, à l’avenir, être révoqués. Les hommes et femmes politiques actuels ne travaillent que pour les lobbies. Ils représentent une oligarchie bourgeoise au service de la finance. Cela doit changer, les députés doivent être davantage connectés avec les territoires.
La plateforme Noos va faire remonter les revendications des citoyens et les parlementaires devront en tenir compte. La France se reconstruira sur le maillon des territoires et plus particulièrement de la commune. Il y a un vrai rejet de l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui, il faut revenir à la nation et ne pas la vendre en morceau.
Ce mouvement va transformer l’humanité, il a franchi les frontières du pays. Et on peut voir des « gilets jaunes » un peu partout dans le monde y compris en Australie.
Joseph Adamo, Christophe Chalençon, Dominique Samard et Ayouba Sow
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