La diplomatie turque s’active comme jamais. Le point par Michel Scarbonchi, ancien député européen.
Mevlut Cavusoglu, le ministre des Affaires étrangères, était à Bruxelles, pour rencontrer les principaux décideurs de l’Union européenne et un envoyé spécial était à l’OTAN. Avec un discours nouveau de « remise sur les rails de la relation Turquie-Union européenne ».
Après quatre ans de graves tensions et une année 2020 marquée par des provocations en Méditerranée avec la France et la Grèce, venant après sa guerre en Libye pour éviter la chute de Tripoli et sauver ses frères musulmans de la capitale libyenne, sa guerre contre les kurdes – nos alliés – pour finir avec son implication meurtrière dans le confit du Haut Karabach, qu’arrive-t-il à Erdogan pour se précipiter ainsi dans les bras de l’Union européenne ?
Son économie et ses finances exsangues, son isolement politique généralisé et la perte de son protecteur, Donald Trump, expliquent, en partie, cette « volte-face ».
Le parrain de « l’Internationale islamiste » se trouve dans une impasse d’autant plus que l’arrivée du nouveau président américain est une très mauvaise nouvelle pour lui. Le catholique Joe Biden ne l’a pas épargné pendant la campagne présidentielle, affichant clairement sa détestation du personnage et annonçant un « fort recadrage » de l’allié turc dans l’OTAN.
Mais une autre explication peut expliquer ce retour vers l’Europe.
Erdogan, qui n’a toujours eu que mépris pour l’Union européenne et la plupart des dirigeants des principaux pays qui la composent, considère qu’après avoir, en 2020, « montré ses muscles », que ce soit avec le dossier des migrants, celui sur l’exploration d’hydrocarbures en Méditerranée, il est en position de force et les Européens – sauf le Président français – cèderont face à ses demandes car, comme lui-même et ses ministres n’ont cessé de le répéter, ils préfèreront la capitulation à la guerre.
Et la visite précipitée du ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas, à Ankara, indiquant des « signaux positifs » ne peut qu’interpeller même si on peut imaginer une répartition des rôles franco-allemands : à l’Allemagne, la diplomatie, à la France l’arme militaire symbolisée par la livraison à la Grèce de 18 avions Rafale.
Ursula von der Leyen a affiché la méfiance européenne en « demandant des gestes crédibles sur le terrain ».
D’autant qu’en mars prochain, l’UE doit décider des sanctions économiques à l’égard de la Turquie.
Mais n’ayons aucune illusion, Erdogan est notre ennemi et le restera jusqu’à ce qu’il soit écarté du pouvoir. Un dernier signe en atteste dans notre pays, le refus de deux associations d’obédience turques de signer la Charte des principes pour un Islam de France – visant notamment à encadrer les futurs imams – à la demande de leurs autorités nationales….
Alors, soyons ferme, solidaire et ne baissons pas la garde face à Erdogan.
Michel Scarbonchi
Ancien député européen
Photo : Sasa Dzambic Photography/Shutterstock