Tout à sa volonté de réhabiliter son bilan et à son mécontentement face au détricotage par le Parlement des normes environnementales issues de sa convention citoyenne sur le climat, le chef de l’Etat a voulu minimiser les questions de sécurité. Mal lui en a pris.
N’est pas maître des horloges qui veut… même le président de la République qui en a habituellement, en principe, le titre. En dénonçant le week-end dernier dans la presse quotidienne régionale, en marge du troisième Sommet des Océans à Nice, « ceux qui veulent faire oublier le combat pour le climat (…) et qui préfèrent brainwasher (sic) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers », Emmanuel Macron en a fait la cruelle expérience. Invité mardi du journal de 20h de France 2 pour parler du climat, il a dû s’exprimer sur le meurtre de la surveillante du collège de Nogent-sur-Marne par un élève de 14 ans, dernier « fait divers » en date…
En temps normal, lorsqu’il dispose à la fois d’une majorité stable à l’Assemblée nationale parce qu’il a su rallier les suffrages d’une majorité de Français, le chef de l’Etat impose au pays son calendrier et ses thèmes de débat. C’est ce qu’il a su faire lors de son premier quinquennat, même quand il était confronté à de grosses tempêtes, comme celle des Gilets jaunes. Il avait alors repris la main lors d’un tour de France en organisant un grand débat, se confrontant ainsi directement à la colère ou aux récriminations des manifestants et des élus locaux.
Mais depuis sa réélection en 2022 et surtout depuis la dissolution de 2024 qui a fait voler en éclats sa majorité relative, rien ne va plus. Emmanuel Macron multiplie les contretemps, les déclarations contradictoires ou les contre-performances, comme lors de sa dernière grande interview sur TF1. Vendue par l’Elysée comme devant être l’occasion d’annoncer l’organisation d’un ou plusieurs référendums, l’émission n’avait débouché sur rien d’autre qu’une laborieuse défense de son bilan.
Le président n’a jamais été à l’aise sur les questions régaliennes (sécurité et immigration) qu’il avait, du reste, à peine évoquées lors de sa première campagne présidentielle en 2017. Hormis son discours des Mureaux sur le séparatisme en 2020, il distille toujours son fameux « En même temps ». Or, depuis, l’opinion des Français sur ces sujets s’est considérablement durcie et réclame de la fermeté. Même les députés du bloc central et les macronistes reconnaissent aujourd’hui qu’en la matière, « le compte n’y est pas ».
Pour avoir voulu ignorer, ou minorer, de façon un peu méprisante, cette préoccupation, de manière à imposer son sujet, le chef de l’Etat s’est pris les pieds dans le tapis. Sa programmation voulait enjamber le réel. Le réel l’a rattrapé. Le paradoxe de cette affaire est que c’est Macron lui-même qui, après plusieurs « faits divers » tragiques en 2023, avait popularisé le concept de « décivilisation »…
Carole Barjon
Editorialiste