Le verdict est tombé comme une massue. Cinq ans de prison pour Boualem Sansal, prononcés le jeudi 27 mars 2025 par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, après une audience expéditive, un simulacre de justice où le procureur, dans un zèle pathétique, avait osé requérir dix ans d’incarcération. Dix ans ! Pour quoi ? Pour des mots. Pour des idées. Pour une plume libre.
Nous sommes en 2025 et un écrivain de 80 ans, malade, un penseur salué aux quatre coins du globe, un esprit des Lumières, se voit condamné par son propre pays, celui qu’il n’a jamais cessé d’aimer malgré tout. Un pays qui aurait dû le célébrer, lui faire une place d’honneur parmi les siens, au lieu de le jeter derrière les barreaux comme un criminel.
Quel crime a-t-il commis ? Celui d’avoir pensé. Celui d’avoir refusé la soumission. Celui d’avoir regardé son pays en face et d’en avoir dénoncé les dérives. Boualem Sansal n’a ni volé, ni tué, ni corrompu. Il n’a fait que dire la vérité.
Une vérité insupportable pour un régime qui, faute de légitimité, ne tient plus que par la répression.
Une justice aux ordres, un procès à huis clos
Qui peut encore oser parler de justice quand tout, dans cette affaire, transpire l’arbitraire et la lâcheté ? Le procès de Boualem Sansal a été une parodie, un théâtre d’ombres où le verdict était écrit d’avance. Pas de témoins à décharge. Pas de débats. Pas même l’illusion d’un droit à la défense. Une sentence réglée comme du papier à musique, où seuls comptaient les ordres venus d’en haut.
Maintenant, il y a ceux qui détournent les yeux, qui baissent la tête, qui murmurent que cinq ans, après tout, ce n’est pas dix. Que l’on peut encore espérer une grâce présidentielle, un geste de clémence, un rattrapage pour éviter le pire. Mais faut-il rappeler que Boualem Sansal a 80 ans ? Que ces cinq ans de prison, pour lui, sont une condamnation à mort ?
Si le régime algérien s’imagine qu’une telle issue ne le concernerait pas, qu’il puisse en sortir indemne, il se trompe. Si Boualem Sansal venait à mourir en détention, ce serait une catastrophe, une tache indélébile sur l’histoire du pays.
Car il ne s’agit pas simplement d’un homme. Il s’agit de ce que nous voulons être.
Un tournant pour l’Algérie : choisir la grandeur ou l’opprobre
Ce pouvoir croit-il vraiment que l’Algérie pourra éternellement masquer ses failles derrière des procès politiques ? Pense-t-il que jeter l’un de ses plus grands écrivains en prison suffira à faire oublier la corruption qui gangrène le pays, les injustices criantes, la répression qui s’intensifie ?
L’histoire ne pardonne pas ceux qui s’acharnent sur les justes.
Boualem Sansal doit être libéré. Non pas dans un an, ni dans six mois, mais maintenant.
Le régime a l’occasion de sortir par la grande porte, d’éviter une infamie dont il ne se relèverait pas. La fin du ramadan approche, la fête de l’aïd aussi, et le 5 juillet, jour anniversaire de l’indépendance, est là comme une échéance inévitable. Il est encore temps d’agir, de faire ce qui s’impose, d’empêcher cette mascarade de virer au drame.
Mais qu’ils le sachent : nous ne nous tairons pas.
Le Comité de soutien international à Boualem Sansal, les amis de l’écrivain, tous les démocrates du monde entier, nous ne laisserons pas cette forfaiture se prolonger. Chaque jour de détention supplémentaire est une humiliation pour l’Algérie. Chaque jour de détention est un jour de trop.
Que les décideurs prennent garde.
L’histoire a de la mémoire. Et elle juge, implacable.
Kamel Bencheikh