Il était temps ! L’Etat a décidé d’envoyer du 16 au 18 mars le Ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, à Ajaccio pour ouvrir le dialogue avec la Collectivité de Corse (CDC).
Enfin ! Il aura fallu quelques nuits d’émeutes avec une centaine de blessés (dont les trois-quarts policiers) pour que Paris consente à traiter, enfin, le dossier corse comme il aurait dû depuis les élections régionales de juin 2020.
C’est une maladie étatique bien française de ne pas prévoir, anticiper les évènements et se contenter seulement d’y réagir. Depuis des mois, le Président de la CDC, Gilles Simeoni, demandait l’ouverture d’une négociation, réclamée par sa large majorité autonomiste et entérinée par les urnes ; de nombreux experts de la situation insulaire alertaient sur les risques d’embrasement que risquait de provoquer le silence assourdissant de l’Etat face à ces demandes.
Certes, à l’initiative de parlementaires de toutes appartenance s’était engagé, sur le sort des prisonniers politiques un dialogue discret, en décembre dernier. Puis, plus rien…
L’agression, en prison, d’Yvan Colonna sur fond de dialogue de sourds est venue mettre le feu faisant resurgir la violence dont les autonomistes, par le choix de la démocratie contre les bombes, avaient préservé la Corse depuis près de 15 ans.
Nous voilà revenus au temps d’Aléria, en 1975, en pire ! Car ce qui n’était à l’époque que l’occupation par l’Action régionaliste corse d’une cave viticole est, aujourd’hui, un soulèvement d’une jeunesse corse, élevée dès son plus jeune âge avec comme modèle un combattant du FLNC, cagoulé et armé d’un fusil mitrailleur quand le symbole de leur père était le drapeau tricolore.
Cette incapacité des différents pouvoirs depuis des années à comprendre réellement la Corse nous conduit à la « catastrophe identitaire » d’une jeunesse qui ne croit plus en l’identité française, en la République. Une jeunesse qui défile avec des banderoles et des affiches « Etat français assassin ».
Quel gâchis ! Certains auraient voulu favoriser les nationalistes qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Alors que faire ?
- Agir et vite ! D’abord en confirmant le rapatriement prochain de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi dans une prison insulaire mise rapidement aux normes de sécurité nécessaires et celui, à terme, d’Yvan Colonna dans l’espoir qu’il sorte du coma ;
- La nomination d’une commission d’enquête sur l’agression d’Yvan Colonna, afin de déterminer les responsabilités de l’institution pénitentiaire et de l’Etat dans cette lamentable affaire ;
- Enfin, il n’est que temps pour l’Etat d’engager avec la CDC une véritable négociation -avec un échéancier précis- sur l’évolution institutionnelle de l’Ile, son statut d’autonomie sur la base des propositions du rapport Mastor voté en octobre 2021.
De quoi a-t-on peur ?
La Sardaigne et la Sicile ont un statut d’autonomie depuis 1949 et elles ne sont pas indépendantes en 2022…
Sans une action forte et rapide de l’Etat, on peut facilement craindre que l’élection présidentielle ne puisse se tenir, en Corse, le 10 avril prochain.
Michel Scarbonchi
Ancien député européen