Jacky Isabello, cofondateur de l’agence Coriolink et administrateur du Think tank Synopia, revient pour la Revue Politique et Parlementaire sur les conséquences de la révolte des gilets jaunes.
Dernier avatar tendant à démontrer la manière dont Macron à vaincu le mouvement des gilets jaunes est la publication des indicateurs économiques de notre pays. La croissance du monde souffre, la guerre commerciale opposant la chine aux USA fait mettre un pied à terre à une Allemagne hyper dépendante de ses exportations. Pendant ce temps, la France s’en sort car, nous disent les experts, son économie, moins dépendante des exportations, surnage du fait des mesures de relance budgétaire keynésienne, via le soutien à la consommation à hauteur de 17 milliards d’euros. La crise des gilets jaunes et son corollaire de cadeaux fiscaux offerts par le gouvernement sous la contrainte du peuple en colère ont engendré le décollage des indicateurs de consommation au mois de juillet dernier et de croissance à un niveau de 1,3 % en rythme annuel inégalé chez nos partenaires européens. Grace à cela Macron engrange les louanges alors que lui était promis, il y a peu, les affres d’une descente aux enfers. Le pouvoir en place a retrouvé les rayons ensoleillés du Capitole. Sondages à l’appui. Selon le dernier baromètre IFOP-JDD, le chef de l’Etat aborde la rentrée avec une popularité en progression de deux points, à 34 % d’opinions positives (Nb : 23 % en décembre 2018) ?
Non contents de donner au Président les armes pour dynamiser sa popularité auprès des Français, les gilets jaunes, à leur corps défendant, inspirent désormais la nouvelle politique économique du gouvernement (Sic…). Le programme du candidat Macron vantait les mérites d’une gestion budgétaire saine, d’une dette publique en forte décroissance, en deçà des sacro-saints 3 % préconisés par l’Europe. La diminution du nombre de fonctionnaires était, notamment, la mesure emblématique et visible pour convaincre l’opinion de sa détermination. Or, si cette dernière mesure a été sacrifiée à l’occasion de sa conférence de presse de fin avril 2019, il vient d’ajouter du laxisme à l’abandon. Lors du G7 à Biarritz (fin août) le Figaro note que le Président s’est laissé aller à confesser des évolutions à venir dans ses ambitions réformatrices : « on doit se poser la question d’une relance budgétaire. C’est un sujet qui est posé à l’Europe, à la France ». Certes le gardien en chef de la doxa financière du gouvernement, en la personne de M. Le Maire n’a pas tardé à laisser entendre sur LCI le 27 août qu’il y avait loin de la coupe aux lèvres puisque : « la France manque de capacité budgétaire », mais en matière pécuniaire comme en d’autres, il est souhaitable d’écouter la sagesse populaire engageant à « préférer la parole de Dieu plutôt que celle de ses saints. ». S’il est admis que la réponse de 17 milliards de réduction d’impôts obtenue par les gilets jaunes offre aux indicateurs économiques français en ce troisième trimestre une médaille d’or en chocolat, il s’avère que les leçons tirées de cette relance qui ne porte pas son nom tendraient plus encore à construire l’épure à venir d’une nouvelle politique budgétaire française. Après un gain de popularité, conséquence incongrue de la crise des gilets jaunes, Macron prend également des leçons économiques pour se faire cigale et espère s’épargner des hivers de révolte.
Plus encore que des leçons de « bon père de la Nation » apportant la concorde et la paix, ce sont des leçons de communication qui ont été prises par le plus jeune des présidents de la cinquième République de la part d’un mouvement tout de jaune vêtu. Ainsi, le président de la République a retourné la situation à son avantage ; il consulte, après avoir gouverné avec Hubris. Il prend le temps d’une longue concertation sur la réforme des retraites pour ne braquer personne après avoir gouverné au pas de charge, violentant en premier lieu les parlementaires qu’on nous dépeignait en quasi « burn-out » au mitan de l’année 2018 ; désormais il use de ses leviers économique et budgétaire non plus comme d’un inspecteur des finances agacé par les chicayas d’une basse-cour populaire dont il ne comprend pas les problèmes de fins de mois allant jusqu’à ressentir les baisses, mêmes minimes des aides au logement, mais comme un Homme politique soucieux de gérer, juguler ou encourager les antagonismes de son peuple désireux d’entendre durant la campagne de la présidentielle que son candidat réduira la dette, tout en souhaitant l’inverse quand ce même candidat une fois élu convient que les taux d’intérêt, tellement bas, offre aux excès de déficit naturellement français un répit qu’il serait idiot de ne pas siroter, une fois de plus. Adieu la communication concoctée à base de « petites phrases blessantes », bonjour la bienveillance et les consultations, comme nous l’apprend le Monde du 4 septembre ; les longues consultations.
Politiquement, les gilets jaunes ont également fait le jeu du Président. Ce mouvement a vidé de leurs électeurs la plupart des oppositions élues. Si le RN vire en tête d’une courte mèche de cheveux lors des élections européennes, la droite s’enlise. La gauche reste exempte des moqueries de la presse et de l’opinion au seul fait que la droite lui a volé la vedette par surprise de la plus belle dégringolade électorale. Quant à l’homme concurrençant à Marine le Pen la place de premier opposant au nouvel édile élyséen dans les premiers mois du quinquennat, sa défaite est admise de tous après la lecture les résultats européens de son mouvement (Manon Aubry candidate LFI : 6,3 % – cinquième place). Or le mal est plus profond. Le politologue Jérôme Sainte-Marie annonce que l’absence de Jean-Luc Mélenchon à l’université d’été de son mouvement prouverait : « qu’il est en train de clore cet épisode France insoumise ». De surcroit le mouvement en Jaune n’a pas permis la réactivation du concept de dégagisme né durant la campagne de 2017 au profit de ses propres leaders puisqu’il aime à briller par leur absence. En cela, encore, il a fait le jeu d’un Macron désormais presque seul au sommet de son Olympe élyséen.
La révolte des gilets jaunes a eu un effet en termes de réponses apportées par le Président : budgétaires mais pas seulement. Preuve en est que celles-ci ont renforcé Emmanuel Macron. « Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort » écrivait Nietzsche dans le Crépuscule des idoles (1888).
Jacky Isabello
Cofondateur de l’agence Coriolink
Administrateur du Think tank Synopia