Jacky Isabello, cofondateur de l’Agence de communication Coriolink, réagit aux déclarations d’Agnès Buzyn dans Le Monde.
En début de semaine l’ambiance au sein du gouvernement et de la République en marche fleurait bon la scène mythique de fusillade entre mafieux du chef d’œuvre de Lautner/Audiard « Les tontons flingueurs ». En effet, Agnès Buzyn dans une confession inimaginable, tout droit extraite d’une séance d’interrogatoire menée par la CIA après avoir administré au suspect une dose massive de Penthotal – le Sérum de vérité – dénonce, dans un article du Monde, la « mascarade » du premier tour, maintenu par le gouvernement. Elle affirme avoir prévenu Édouard Philippe dès « le 30 janvier que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir ». En géophysique comme en politique nous savons qu’un tremblement de terre sera immanquablement suivi d’une réplique ; l’événement Buzyn n’a pas fait mentir la science politique lorsqu’elle « lâche » dans le dernier numéro du magazine Le Point : « Quant au second tour des municipales : S’il est reporté à dans six mois ou un an, qui peut dire si on sera vivants ou morts ? Si je ne serai pas morte ? ». L’eschatologie de l’aventure Buzyn en politique se solderait-elle par un retour à un poste de médecin à l’hôpital ? L’épisode de nature psychotique, proche du « nervous breakdown » semble l’indiquer, fut-il raisonnable pour qualifier l’événement, de filer la métaphore avec nos « Tontons flingueurs Volfoni et Fernand ».
Eviter d’assumer ses responsabilités
Michael Darmon journaliste à Europe1 s’est vu confier de « source sure » qu’une enquête parlementaire sur la gestion de l’épidémie par le gouvernement pourrait être menée au Sénat. C’est ce que veulent les présidents de groupe au Sénat. Ce serait une commission d’enquête au même format que celui de l’affaire d’Etat « Benalla ». S’il n’a rien d’officiel au Palais du Luxembourg, laisser se répandre la rumeur devrait contaminer la haute assemblée afin de mettre tout le monde d’accord sur l’attitude à adopter. Après la crise du coronavirus viendra la reddition de compte, un exercice essentiel lorsqu’on exerce des responsabilités politiques en démocratie.
L’attitude de Mme Buzyn est celle d’une subordonnée dans une entreprise ou dans une administration.
Or elle détenait le manche. Selon, Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, dans un article publié sur le site Atlantico.fr : « Madame Buzyn s’est tue, n’a pas vraiment agi, et parle comme s’il s’agissait de soulager sa conscience : elle n’assume pas. C’est le syndrome du repenti qui « balance » pour se sauver ».
Est-ce une fin de carrière ?
Jusqu’ici linéaire, le parcours politique de l’ancienne belle-fille de Simone Veil aura subi ces dernières semaines quelques à-coups d’une rare violence. Délaissant la proie pour l’ombre au détriment d’un poste en or au moment où la crise sanitaire s’accélérait, elle aura été forcée à prendre en main, si j’ose dire, la campagne de Benjamin Griveaux à Paris. Et depuis rien ne va. Le costume ne lui sied pas vraiment. Elle réussit à endiguer la chute dans les sondages de l’équipe de LREM mais la greffe ne prend pas, manquant de sens politique à quelques jours du premier tour du scrutin lorsqu’elle évoque publiquement les alliances avec les listes de Mme Dati. Une fois de plus l’ADN des membres de la société civile en politique n’aura pas prouvé sa supériorité sur la génétique des espèces autochtones muries sur le terrain ou dans les partis politiques. Est-ce un « farewell » qu’il faut adresser à Mme Buzyn et la remercier pour ce moment ? Difficile de l’imaginer en haut de l’affiche lors d’un hypothétique prochain second tour des municipales à Paris. La casuistique est une branche intéressante à étudier en religion, mais en politique c’est l’interdit absolu.
Est-ce le trou dans la coque du Titanic macronien
L’élection d’un macroniste historique à Paris devait être le Lac des cygnes de LREM. L’œuvre la plus jouée, la plus visible, la plus connue. Sans aimer la discipline on pouvait en parler quelques minutes dans n’importe quelle assemblée. Le produit parfait pour les « small talks ».
Du Lac des cygnes il sera devenu en quelques mois la comédie la plus gagesque de l’histoire politique de ces vingt dernières années.
Une dissidence improbable entre deux macronistes de la première heure. Une sextape sans visage, et une candidate remplaçante qui explose en vol, capable de transformer une petite campagne électorale parisienne en un scandale d’Etat annoncé sur la gestion de la crise sanitaire par le pouvoir en place. Le métronome macronien est régulier pour offrir des scandales tous plus improbables les uns que les autres, de ministres qui démissionnent. Le temps de l’acte de catharsis se rapproche. Or il inquiète. Le compte de fée d’Emmanuel Macron lève le voile sur une histoire qui n’était pas celle que les Français souhaitaient entendre en mai 2017 ; le soulier de cendrillon se change en Titanic dont on discerne le trou dans la coque à travers les confessions déprimantes de l’ancienne étoile montante Mme Buzyn.
Jacky Isabello
Cofondateur de l’Agence de communication Coriolink
Photo : Alexandros Michailidis, Shutterstock