Valéry Giscard d’Estaing, troisième président de la Ve République, membre du Conseil constitutionnel et de l’Académie française est décédé hier à l’âge de 94 ans. Olivier Stirn, l’un des derniers ministres de Valéry Giscard d’Estaing a accepté de répondre à nos questions.
Déjà ministre chargé des relations avec le Parlement lorsque Valéry Giscard d’Estaing était ministre des finances sous Georges Pompidou, Olivier Stirn a été l’un de ses seuls ministres pendant les sept années de sa présidence de la République : ministre des outre-mer, puis secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et ministre de la Coopération. Olivier Stirn est un des derniers ministres de VGE encore en activité ! Encore consulté par l’actuel président de la République et de nombreux autres.
Revue Politique et Parlementaire – Vous avez été ministre de Valéry Giscard d’Estaing durant tout son septennat. Que retenez-vous de cette période ?
Olivier Stirn – Valéry Giscard d’Estaing avait le sens de l’Etat. Élu Président de la République à l’âge de 48 ans, il aimait la France avec force. Sa stratégie était claire : une économie solide, une Europe structurée incluant d’une manière ou d’une autre la Russie, des réformes sociétales qui ont marqué les Français : majorité à 18 ans, droit à l’avortement, égalité des hommes et des femmes.
Ses audaces et son ouverture d’esprit tranchaient avec une apparence classique mais ses convictions étaient fortes.
Très attaché à l’Auvergne, il n’a pas hésité à reprendre des mandats locaux après avoir dirigé le pays car il savait que toute légitimité politique naît de l’élection et de l’enracinement.
C était aussi une période durant laquelle les Français savaient s’unir et étaient fiers de leur pays.
La France n’avait alors pas d’hésitation quant à son identité et ses valeurs fondamentales.
Ceci est une donnée qui me paraît essentielle pour comprendre ce septennat.
RPP – Quelle était la vision du Président sur les dossiers DOM-TOM et la coopération ?
Olivier Stirn – Le Président Giscard d’Estaing était profondément convaincu que nos Territoires d’Outre Mer étaient fondamentaux pour l’économie et la puissance géopolitique françaises.
Sa volonté de cohésion parfaite entre la métropole et nos outre-mer était précise et ferme.
Il était bien sûr amoureux de l’Afrique où je l’ai souvent accompagné, et m’avait confié que le développement du continent africain, parfois complexe, créerait une puissance continentale que la France devait contribuer à faire émerger au premier chef.
Il avait déjà cette intuition de l’axe Europe/Afrique à bâtir.
RPP – Quelle trace laissera-t-il dans l’histoire ?
Olivier Stirn – Valéry Giscard d’Estaing laissera incontestablement dans l’histoire de notre pays la trace d’une certaine grâce politique. Il a assumé sa fonction avec allant, sérieux et audace.
Personne ne pourra contester son soutien constant à Simone Veil pendant les terribles débats parlementaires sur l’IVG. Dans son milieu cette réforme paraissait impossible mais il a osé être disruptif, faire confiance aux jeunes, exiger un chemin de parité.
Son amour de la littérature russe lui faisait sentir la place naturelle de ce grand pays dans une Europe consciente de sa richesse, assumant son génie multiple de Saint-Pétersbourg à Paris, Rome, Vienne ou Berlin.
Il a été un grand Président, digne et amoureux de la grandeur de notre pays.
Olivier Stirn
Ancien Ministre
Propos recueillis par Arnaud Benedetti