Littéralement « du pain et des jeux du cirque » et traduit régulièrement par « Du pain et des jeux », est une expression latine forgée dans la Rome antique.
L’Empire romain disait exactement « du pain et des jeux et le peuple sera content ». Il suivra aveuglément les lois des dirigeants. A cette époque le peuple (populi) se nourrissait essentiellement de pain et il se divertissait. Il y avait alors une paix sociale mettant le peuple hors de la politique, évitant alors les manifestations, les soulèvements.
Avec cette période des JO qui s’achève, la situation est quelque peu différente. En effet la France était en crise politique suite à la dissolution manquée du 8 juin et les législatives inédites qui ont suivi. E. Macron a très vite vu tout l’intérêt (au moins temporaire) qu’il pouvait tirer de ces Jeux. Il a appelé à une « trêve olympique ». Si l’on excepte la cérémonie d’ouverture quelque peu salie par la scène aussi dégradante qu’offensante menée par le gendre de G. Depardieu, alias Philippe Katerine, ces JO de Paris ont été sportivement une grande réussite saluée par le monde entier. Et ceux de LA 2028 n’auront qu’à bien se tenir. Surtout, soulignons que la moisson de médailles n’a jamais été aussi bonne pour la France. Bravo les artistes !
Quant au niveau sécurité les Cassandre, menés par A. Bauer, en ont été pour leur frais. « Le problème n’est pas de savoir s’il va y avoir des attentats, mais c’est de savoir quand » proclama à plusieurs reprises, à la télé et à la radio, celui que l’on dit être la référence en matière de sécurité. On prédisait même des attaques terroristes durant la cérémonie d’ouverture. Et bien, il n’en a rien été et heureusement. Seul le vendredi 26 juillet 2024, une « attaque massive » a touché le réseau SNCF, ce qui a provoqué la paralysie des TGV. Quelques autres opérations mineures ont été déjouées sur le reste du territoire. De ce point de vue il faut saluer l’action des forces de l’ordre sous la férule de G. Darmanin.
Alors maintenant, la fête olympique est achevée. Le peuple a été content, ravi même. Nonobstant l’importance des Jeux Paralympiques qui s’en suivent, la « trêve » se termine pour M. Macron. En plus d’être focalisés sur les Jeux, les français étaient en vacances. Donc la tête totalement ailleurs. Or on sait qu’après le 15 Août, la majorité des congés s’achèvent et qu’il faut revenir à la réalité de la vie quotidienne. Et dans cette réalité, il y a le fait que depuis plus d’un mois, la France n’a officiellement plus de gouvernement ou alors un gouvernement démissionnaire. La grande majorité des ministres ont disparu des écrans radars (M. Le Maire, M. Dupont-Moretti par ex) voire physiquement de leur ministère. Ce qui est, entre parenthèse, du jamais vu. L’olympisme permet même de jouer avec les institutions, c’est formidable !
Donc après avoir donné aux français « du pain et des jeux », le chef de l’Etat va devoir leur donner un Premier Ministre et un gouvernement. Etant donné que pour la première fois sous la Vé, il n’y a pas de majorité à l’AN, cela va relever du plus important défi de son second mandat. Entre les problèmes qu’il a dû subir (Covid, Ukraine) et ceux qu’il a généré (gilets jaunes, dissolution), E. Macron est certainement depuis 1958 celui qui a le mieux fait sienne cette phrase d’un de ses illustres prédécesseurs : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille » (Jacques Chirac).
Pour Matignon, comme toujours en de pareilles circonstances, des noms défilent. Ceux portés par une gauche qui a gagné qu’on le veuille ou non, les élections : Mélenchon (vite écarté par la gauche « raisonnable »), Glucksmann, Faure, Tubiana, Castets, Cazeneuve. Ceux issus de la droite : Bertrand, Barnier, Larcher. Nous ne sommes pas à l’abri non plus d’une personnalité de la société civile. Tout comme d’un statu quo avec G. Attal. Nous allons donc être confrontés à une quatrième cohabitation qui sera particulièrement problématique. Et puis une fois l’hôte de Matignon nommé, il faudra former le gouvernement. Là encore ce ne sera pas une sinécure.
De toute façon, qui que ce soit en place, on s’achemine vers une « valse des gouvernements » comme les connaissait la IV è. Rappelons que la durée de vie d’un gouvernement sous cette dernière était de 7 mois. Ce qui augure mal, en 2024, pour une politique de la Nation pérenne.
Donc M. Macron il n’y a plus de Jeux. Il y a encore quelques jours de vacances et du pain. Même si la rentrée va être économiquement dure pour un grand nombre de français qui vont devoir remplir le caddy, le frigo et habiller les gamins. Voire payer quelques factures. Ils ne seront certainement pas ravis. Mais surtout c’est la rentrée politique qui pourrait être difficile. Certains de nos concitoyens se sentent floués. Par exemple les quelques 10 millions de Français qui ont voté RN et qui n’ont aucune représentation dans la gouvernance de l’Assemblée. Tout comme celles et ceux qui avaient, indirectement, sanctionné Mme Braun-Pivet et qui, par le truchement de quelques magouilles, la retrouvent à nouveau au « perchoir ». Elle qui ne figurera jamais au Panthéon des grands présidents. Juste avant que les Jeux ne viennent les divertir, les instituts de sondages se rejoignaient pour montrer qu’un grand nombre d’électeurs disaient ne pas avoir voté pour çà…Les observateurs autorisés (ou pas) oublient qu’il y a un important scrutin en 2026 : les municipales. Ce pourrait être l’occasion pour lesdits électeurs de manifester aussi leur mécontentement.
Dans une interview récente à L’Equipe (11 Août) M. Macron a confirmé qu’il était toujours déconnecté des réalités. Déjà il évoque sa dissolution dans un quotidien sportif !… Ensuite il assène que « le message qu’ont envoyé les Français est très cohérent avec les Jeux : travaillez ensemble ». Aux Jeux on ne travaille pas, on pratique du sport de haut niveau. Il est très improbable que les élus LFI aient envie de travailler avec un gouvernement qui ne soit pas dirigé par l’un ou l’une des leurs. Idem pour le RN s’il y a un Premier ministre LFI. Dans un autre média le chef de l’Etat a estimé qu’après ce grand moment de communion qu’ont constitué les JO, la concorde perdurerait. Quel doux rêveur ! Elle a été temporaire et les réalités matérielles vont vite reprendre le dessus. Le jeu politique aussi.
En effet à l’heure où la rentrée se profile, les images de tous nos grands champions médaillés vont s’estomper progressivement pour laisser place à la réalité de la vie quotidienne. Avoir vibré avec Riner ou Marchand, n’empêchera pas les difficultés de revenir pour beaucoup d’entre nous. Et, qu’on le veuille ou non, cette rentrée est aussi conditionnée par la politique de celles et ceux qui nous gouvernent, les choix de celui qui nous préside et les votes de l’Assemblée. Et dans un monde actuel particulièrement tendu, notamment à nos frontières, notre pays ne peut en aucun cas se payer le luxe de l’immobilisme. De toute évidence cette cohabitation n’arrive pas au meilleur moment. La faute à qui ? Et pourtant il va falloir faire avec pendant un peu moins de trois ans….
« La cohabitation, c’est le jardin des supplices pour le futur Premier ministre, le jardin des malices pour le président, le jardin des délices pour les nostalgiques de la Quatrième République. » (François d’Aubert).
Raphael Piastra, Maitre de Conférences des Universités
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