Tête de liste PS-PRG-MRC-EELV, Carole Delga a été élue présidente du Conseil régional Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, seconde plus vaste région française et cinquième plus peuplée.
Revue Politique et Parlementaire – Afin de favoriser l’économie et l’emploi, la Région entend mener une série de chantiers prioritaires. Quels sont-ils ?
Carole Delga – L’emploi est évidemment la première de mes priorités, avec toujours en ligne de mire le développement des territoires.
Je veux que la Région, dans son rôle de chef de file du développement économique, forme un bloc avec ses partenaires, pour développer l’économie et l’emploi en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Avec l’État évidemment, et, sur les territoires, avec les départements, les agglomérations, les communautés de communes et les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux.
Notre région est riche de potentiels d’emplois de proximité, avec ses artisans, ses TPE et PME et ses filières d’excellence. À nous de faire émerger, soutenir et mobiliser, ensemble, les politiques publiques pour transformer ces potentiels en réussites.
Je l’ai dit et répété : je ne veux pas de temps mort dans la mise en place des politiques et des dispositifs régionaux.
Une de mes premières actions phares est de lancer le Plan Marshall pour l’emploi, destiné aux entreprises du BTP de notre région. Nous y consacrerons une enveloppe de 800 millions d’euros, pour 2016. Il s’agit de mettre en œuvre et d’accélérer les projets inscrits dans nos Contrats de Plan État/Région. Chantiers routiers et ferroviaires, rénovations énergétiques, très haut débit, rénovations de nos universités : les projets sont nombreux, ambitieux pour nos territoires et porteurs d’emplois. Nous allons donc pousser tous les feux de l’investissement régional.
D’autre part, et j’en ai fait part au Premier ministre il y a quelques semaines, je souhaite que la Région devienne coordinatrice du service public de l’emploi. Nous avons une forte présence sur les territoires, avec les Maisons de la Région que je souhaite développer, les Maisons Communes Emploi-Formation (MCEF), ou encore les bureaux territoriaux. La Région est en capacité de relayer la politique de l’emploi, d’en évaluer les effets et produire les adaptations nécessaires dans une logique de simplification vis-à-vis de nos concitoyens.
L’économie, l’emploi, c’est aussi envoyer un signal fort à la jeunesse. Le plan « 500 000 formations » annoncé le 4 janvier dernier par le président de la République y contribue. J’ai dans ce cadre demandé au Premier ministre que notre région puisse être en situation de mener des politiques expérimentales fortes, pour être au plus près des besoins des entreprises et des demandeurs d’emplois, et développer l’apprentissage pour nos jeunes.
RPP – La région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est désormais la seconde plus grande région française. Comment assurer l’équilibre entre pôles urbains et zones rurales auquel vous êtes sensible ?
Carole Delga – Nous avons deux métropoles à fort rayonnement, Montpellier et Toulouse. C’est une chance et une force. Je souhaite qu’elles soient deux moteurs pour le développement de notre territoire. Leur potentiel économique, leur attractivité, leur rayonnement sont pour moi stratégiques à bien des égards. J’ai toujours considéré que Toulouse avait besoin de Montpellier et que Montpellier avait besoin de Toulouse. Les présidents des deux métropoles ont d’ailleurs signé récemment, en ma présence, un accord pour mieux travailler ensemble.
Mais il ne faut pas oublier que les deux métropoles ont également besoin des territoires ruraux, comme les territoires ruraux ont besoin des métropoles.
Et le rôle de la Région, surtout quand elle couvre un territoire comme le nôtre – près de 73 000 km2 – est d’assurer une complémentarité et un équilibre indispensables pour nos concitoyens.
Je m’appuierai notamment sur l’Assemblée des territoires, une structure nouvelle et inédite, qui permettra d’incarner la diversité de nos territoires, de faire émerger le dialogue entre eux et faire remonter les besoins. Cet organe de consultation sera composé d’élus ne siégeant pas à la Région mais représentants les territoires.
Par ailleurs, mettre en place des dispositifs qui permettent d’assurer l’équilibre des territoires est la mission intrinsèque de la Région. Nos politiques économiques, de transports, d’éducation et formation, en direction de la culture, du sport, de l’environnement, sont toutes guidées par la volonté de répondre au mieux aux besoins de chaque territoire, en prenant en compte chacune de leurs spécificités. Je serai particulièrement attentive à cela, je suis une militante des territoires et la garante de l’équité territoriale.
RPP – L’agriculture, l’un des grands atouts du territoire, est en difficulté. Quel rôle peut jouer la Région pour venir en aide à ce secteur ?
Carole Delga – Nous sommes une grande région agricole. Avec 164 000 emplois et 13,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, l’agriculture et l’agroalimentaire constituent le premier pilier de notre économie.
Nous sommes la première région bio, le premier vignoble mondial en superficie pour les vins d’origine, et la première région de grandes cultures. Nous comptons 250 produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO). Nous avons donc des atouts formidables à valoriser, notamment à l’export.
Pourtant, vous avez raison, nos agriculteurs rencontrent actuellement des difficultés.
La dernière crise en date, celle de la grippe aviaire, touche durement notre filière palmipède. Je pense aussi à celle des laitiers et des maraîchers. Pour ces crises, comme pour d’autres difficultés rencontrées par le secteur, nous sommes pleinement mobilisés, aux côtés de l’État et des autres collectivités.
Nous adaptons nos aides financières directes, nous proposons des formations quand les agriculteurs sont touchés par le chômage partiel, nous accompagnons les filières à travers des campagnes de promotion tournées vers les consommateurs. Le soutien financier proposé peut concerner la perte de revenus, ou encore l’aide aux travaux de mises aux normes des bâtiments agricoles.
Là encore, en étant à l’écoute des besoins, au plus près des territoires et des agriculteurs, nous parviendrons à enclencher des aides efficaces pour permettre à notre agriculture de faire face, qu’elle soit compétitive sur le marché européen et mondial, tout en défendant ses produits de qualité, ambassadeurs de notre art de vivre.
RPP – Vous envisagez de créer une cité des startups à Toulouse et à Montpellier. De quoi s’agit-il ?
Carole Delga – Notre région compte quinze pôles de compétitivité, près de 30 000 chercheurs, 230 000 étudiants et 35 grandes écoles. Elle est en pole- position des régions françaises pour ses efforts en R&D. Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est donc pleinement tournée vers l’innovation et la Région doit accompagner les initiatives qui se développent sur son territoire.
Je souhaite donc créer une cité des startups à Montpellier, et une autre à Toulouse, en m’appuyant sur le label existant « French Tech ». L’idée est de favoriser l’innovation sur notre territoire car elle est notre meilleure arme pour rester compétitifs, créer des emplois et permettre aux entreprises de se développer.
Mais l’innovation ne peut évidemment pas être concentrée sur les métropoles. Là encore la question de l’équilibre des territoires est primordiale. C’est pour cela que je souhaite également créer des tiers lieux de l’innovation dans les territoires, pour faire émerger l’innovation. Je compte m’appuyer notamment sur l’appel à projets « Fab Région » qui a pour objectif de soutenir la création ou l’extension de FabLabs – laboratoires de fabrication – sur le territoire régional et de renforcer ainsi la diffusion de la culture numérique et industrielle.
Nous devons créer et ancrer en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées un véritable éco-système favorable à l’innovation.
RPP – Vous avez annoncé la mise en place d’un Parlement de la Montagne. Quel sera son rôle ?
Carole Delga – La montagne – les Pyrénées ou le Massif central – est présente dans tous nos départements, à l’exception du Gers. Languedoc-Roussillon-
Midi-Pyrénées constitue ainsi l’une des plus importantes régions montagneuses de France et d’Europe.
Cette situation géographique, couplée aux nouvelles compétences données par la réforme territoriale, place notre Région en position de leadership et de responsable de l’aménagement et du développement des territoires de montagne.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité créer le Parlement de la Montagne. Son objectif : animer, faire émerger les projets, les besoins et les idées nouvelles dans les territoires concernés.
Il s’agira d’une instance d’échanges, de débat, de dialogue regroupant l’ensemble des forces vives. Je souhaite aussi en faire un outil de coordination et de mise en cohérence des différentes actions et dispositifs mis en œuvre, comme nous l’avons créé pour le Parlement de la Mer qui existait en Languedoc-Roussillon depuis 2013. Le Parlement de la Montagne pourra également exercer un rôle de lobbying permettant de renforcer le leadership de la grande région dans le portage des politiques de massif au niveau européen et international, et dans la gestion des fonds nationaux et européens associés.
RPP – Avec huit sites classés au Patrimoine mondial de l’humanité, près de 4 500 monuments historiques et plusieurs parcs nationaux, la fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées a élargi l’offre touristique. Comment rendre la région encore plus attractive ?
Carole Delga – Le tourisme est une filière économique à part entière en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, devant l’aéronautique, avec 108 000 emplois.
La cité épiscopale d’Albi, le Pont du Gard, le Pic du Midi, le cirque de Navacelles, … Nous avons des sites et des atouts exceptionnels.
Avec notre marque « Sud de France », nous développons chaque jour la notoriété et l’identité commune de nos sites touristiques.
Nous sommes aussi la première région thermale avec trente stations de thermalisme et thermoludisme, la première région pour le tourisme fluvial. Notre territoire constitue une destination patrimoniale majeure, propose un tourisme de nature d’exception, et offre des tables gastronomiques reconnues au niveau national et même mondial. Avec le tourisme, nous montrons que nous sommes la région du bien vivre et du bien-être. Et ensemble, nous sommes encore plus forts dans ce secteur.
Je souhaite donc accompagner la filière, notamment avec la volonté de mettre en place un tourisme « 4 saisons » et « tout territoire ». Nous avons des sites, je pense notamment aux stations de ski, que nous avons accompagnés ces dernières années pour s’adapter et proposer des activités tout au long de l’année. C’est par cette modernisation des équipements que nos structures pourront rester attractives.
Nous avons, par ailleurs, une réflexion globale à mener sur les politiques qui seront à harmoniser. Le label des Grands sites créés en Midi-Pyrénées pourrait être étendu sur tout le territoire régional, en lien avec les Grands sites de France, par exemple.
Nous avons des forces complémentaires, le littoral/la montagne, l’oenotourisme/l’agritourisme, sur lesquelles nous allons travailler pour faire de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées une région d’accueil, une région du bien vivre et une région attractive.
Carole Delga
Présidente du Conseil régional Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées
Propos recueillis par Florence Delivertoux
Photo : Benjamin Pasquier/Wikimedia Commons