Tout au long de l’histoire, l’océan a toujours été très présent dans la vie humaine et les activités économiques. Son rôle est aujourd’hui décuplé, conséquence à la fois de la croissance de la population et de la mondialisation des échanges. En effet, plus de 3 milliards de personnes utilisent les océans pour leur subsistance, la mer est la source principale de protéines pour 17 % de la population de la planète et 90 % du commerce international est réalisé par voie maritime. Ainsi, une grande partie de l’activité économique mondiale dépend directement ou indirectement des océans. La longue liste des enjeux économiques liés au maritime inclut notamment l’énergie (fossile et renouvelable) ; les ressources minérales ; la construction navale et les télécommunications (câbles sous-marins). Les océans recèlent donc un large potentiel de richesse, de croissance économique et bien sûr d’innovation technologique. De fait, l’importance économique et géostratégique des mers et des océans s’impose à nous comme une évidence.
Mais, les océans constituent également un enjeu central dans la lutte contre le changement climatique. En effet, les océans recouvrent environ 70 % de la surface de notre planète et forment 95 % de la biosphère. De plus, la moitié de l’oxygène que nous respirons provient directement des océans, qui contiennent aussi 97 % de l’eau de la planète et stockent plus de 90 % du carbone. Ainsi, le rôle essentiel de l’océan ne fait plus aucun doute : transports de chaleur de l’équateur vers les pôles, action dans le cycle du carbone et impact de l’acidification qui en résulte, sont primordiaux dans la dynamique du climat.
Les effets négatifs du changement climatique sur l’espace maritime sont nombreux, notamment la diminution de la productivité de la pêche, l’acidification de la mer, l’augmentation de la température de l’eau, l’élévation du niveau de la mer et les événements météorologiques extrêmes. Au-delà de l’impact direct sur les habitants et les écosystèmes de la planète, ces menaces ont également des répercussions économiques majeures, car une grande partie de l’activité économique mondiale dépend directement ou indirectement, des océans.
La contribution des activités de la mer à l’économie a été évaluée à 1.500 milliards de dollars par l’OCDE, soit 2,5 % de la valeur ajoutée brute globale.
Le poids de l’économie bleue, c’est-à-dire les activités économiques qui dépendent de l’utilisation des ressources côtières et marines, est donc important et son interdépendance avec les problématiques environnementales est flagrant.
Grâce à son outre-mer, ses terres australes et antarctiques, la France possède le deuxième domaine maritime au monde. En conséquence, la France a un rôle majeur à jouer dans les discussions internationales au sujet de la protection des océans. La troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan, se tiendra d’ailleurs en France en juin 2025.
Les enjeux sous-jacents sont forts, car l’économie bleue permet tout à la fois de stimuler l’innovation, de créer des emplois et de lutter contre le changement climatique.
Après deux décennies de pourparlers, l’ONU a adopté, en juin 2023, l’accord sur le Traité international de protection de la haute mer. Ce traité est destiné à « assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les eaux internationales ». Il exige notamment que des études d’impact environnemental doivent être réalisées avant toute nouvelle exploitation des ressources marines dans les zones au-delà des juridictions nationales. Il comprend également des dispositions pour le partage équitable des connaissances et des technologies, tout en établissant un cadre juridique permettant la création de zones marines protégées dans les eaux internationales.
On dénombre pléthore d’initiatives technologiques responsables liées au maritime : l’énergie éolienne en mer, l’aquaculture offshore (une approche émergente de la pisciculture), l’énergie marémotrice, la séquestration du carbone bleu, l’exploitation minière des fonds marins et la biotechnologie bleue (utilisation des crustacés, bactéries et algues pour le développement des soins de santé). En outre, les industries existantes, telles que le transport maritime et le tourisme, ont un potentiel de croissance et deviennent plus écologiques grâce aux nouvelles technologies.
Le sujet de la décarbonation du transport maritime également est placé au premier plan de l’agenda politique mondial. En effet, on estime que le transport maritime international représente environ 3 % des émissions de CO2 mondiales. Or, si rien n’est fait, ces émissions pourraient doubler d’ici à 2050. Ainsi, utilisée depuis des millénaires, la propulsion vélique a récemment fait l’objet de nouvelles innovations technologiques.
La filière de la propulsion des navires par le vent renait donc aujourd’hui dans le monde, et les acteurs en France sont dynamiques et bien positionnés, grâce à un écosystème très dynamique, qui constitue un véritable atout.
Ainsi, plusieurs acteurs français, chargeurs, armateurs et équipementiers se sont engagés dans cette voie.
La pollution plastique sous forme de bouteilles, emballages, pailles, sacs et autres objets constitue une menace, avec 13 millions de tonnes qui finissent dans les océans chaque année. L’approbation en mars 2022 de la résolution visant à « mettre fin à la pollution plastique » et à élaborer un accord international juridiquement contraignant d’ici 2024 envoie un signal au marché pour qu’il abandonne les plastiques à usage unique et investisse dans des solutions circulaires. L’Union européenne a commencé à prendre des mesures concrètes pour limiter la pollution des océans, notamment par le plastique. Depuis 2021, les assiettes et couverts en plastique à usage unique sont interdits. Parallèlement, les États membres ont pour objectif de collecter 90 % de toutes les bouteilles en plastique d’ici 2029, ces bouteilles étant produites à partir d’au moins 25 % de matériaux recyclés d’ici 2025, puis de 30 % d’ici 2030.
Enfin, la surpêche constitue également une menace majeure.
Un tiers de tous les stocks est surexploité et un autre tiers est exploité jusqu’à sa limite. De plus, 20 % des captures mondiales proviennent de la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée. S’il y a eu, ces dernières années, une légère augmentation du pourcentage de certains stocks, la situation reste critique. Cependant, la surpêche pourrait bien être le problème de l’océan le plus simple à résoudre, car de nombreuses populations de poissons pourraient être restaurées grâce à une application plus stricte des lois régissant les captures et un recours accru à l’aquaculture ou à l’ensemencement océanique.
Il va, bien sûr, falloir des financements importants pour développer une économie bleue durable. En 2022, le volume mondial des émissions d’obligations durables (« green bonds ») s’élevait à 862 milliards de dollars, soit une baisse par rapport à un niveau record de 1 000 milliards de dollars en 2021. En 2022, le volume cumulé labellisé vert atteint 2 200 milliards de dollars depuis 2006. Entre 2018 et 2022, les transactions signalées comme « bleues » ont contribué à ce montant pour une valeur totale de 5 milliards de dollars. Si ces montants deviennent significatifs et sont en augmentation sensible, ils sont encore trop faibles par rapport au montant des investissements durables nécessaires dans les années à venir.
En somme, si l’activité humaine se déroule essentiellement sur terre, les 360 millions de kilomètres carrés d’océans jouent un rôle vital dans la vie humaine et, plus que jamais, dans nos activités économiques.
Face à la crise climatique, la conservation de nos océans constituera un défi majeur pour les années à venir.
La France et ses territoires ultra marins, dispose d’un potentiel maritime exceptionnel aujourd’hui largement sous-estimé, et elle se doit d’avoir une voix forte pour peser sur les décisions internationales. Beaucoup d’investisseurs voient l’économie bleue comme la nouvelle « frontière économique » et misent sur ses perspectives de croissance, ce qui devrait permettre d’attirer les montants colossaux nécessaires au financement des ambitieux projets liés à l’océan.
Guillaume du Cheyron
Spécialiste de la Finance d’Entreprise
Président de G2C Corporate Finance
Senior Advisor chez Kingsrock