Entre le 6 novembre et le 31 décembre 2023, les femmes “ont travaillé gratuitement” selon le collectif Les Glorieuses. Dans le même temps, les postes décisionnaires demeurent très largement occupés par des hommes. Sans y voir une causalité, il convient de s’interroger sur les manifestations des inégalités de genre au travail.
Vous avez dit paternalisme ?
En France en 2022, les femmes occupaient 3,75 % des 80 postes de Président ou Directeur Général des entreprises du CAC 40. Seulement 2 femmes sont présidentes du conseil d’administration, une seule est directrice générale et aucune n’est PDG. Si la loi Rixian a accru leur représentation dans les CA et les comités exécutifs à 30 %, elles y occupent toutefois des postes plus fonctionnels (RH, RSE, communication…) qu’opérationnels (direction générale, commerciale…) encore très majoritairement masculins (86 %).
Si l’entreprise privée révèle un certain patriarcat dans le monde du travail, elle connaît paradoxalement un éloignement du modèle “paternaliste” dans sa gestion.
Le style paternaliste, mis en avant au XIX et XXe siècle se définit ainsi : « Attitude du chef d’entreprise qui, de sa seule initiative, octroie à son personnel des avantages sociaux dans le but d’affermir son autorité ; comportement bienveillant et autoritaire du patron envers ses salariés.» Or, en tant que cheffe d’entreprise, je m’interroge parfois, n’était-il pas un style de management moins pernicieux que celui qui se développe à l’époque contemporaine plus diffus mais tout aussi contraignant ?
Cette interrogation n’empêche pas d’œuvrer pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes, ni de déconstruire une culture diffuse du « père de famille » qui serait le seul majeur à la maison, au travail et en politique : elle se veut une piste de réflexion.
Innovation et territoire : le passé devenu futur ?
De nos jours certaines entreprises choisissent un ancrage territorial au plus proche de leur production, une hiérarchie et des processus décisionnels clairs afin d’éloigner toute « tyrannie de l’informel » , dans une volonté de proximité. Par exemple, la Belle Iloise, dirigée par Caroline Hilliet-Lebranchu, cherche à valoriser un patronal local, dont l’objectif ne serait pas seulement la recherche de profit mais aussi les externalités positives.
De même, certaines structures semblent (re)découvrir le mutualisme ou la coopérative comme une manière de contrer la financiarisation de l’économie et la perte de pouvoir qu’elle peut impliquer.
Enfin, d’autres organisations comme la MAIF ne semblent jamais s’en être départies. Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, sinon, dans le contexte actuel, de rechercher des voies qui permettent à l’entreprise d’être un acteur politique à part entière et de répondre aux enjeux actuels. Il me semble que ces pistes sont à approfondir et à répliquer, afin d’évaluer par l’expérience si elles permettent de répondre aux maux du travail, de l’entreprise et de la société,dont l’égalité homme-femme mais aussi la soutenabilité.
C’est pourquoi, j’ose poser la question suivante : ne serait-il pas intéressant d’explorer un style maternaliste dans l’entreprise qui permettrait à la fois à abolir les inégalités hommes-femmes tout en conservant les avantages du paternalisme sans ses inconvénients ?
C’est évidemment un pari, qui n’a pas encore été tenté, mais cela peut être aussi une promesse : mettre l’humain au cœur de nos entreprises et lutter contre toute forme de despotisme, aussi doux soit-il.
Rosie Bordet
Cheffe d’entreprise
Adjointe au maire en Ille et Vilaine