Le climat et l’environnement sont parmi les thèmes les plus chers aux Français. Un sondage annuel sur les fractures françaises, réalisé en septembre 2019 pour La Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, plaçait « la protection de l’environnement » en tête de leurs priorités. Emmanuel Macron a décidé de marquer d’une pierre blanche cet intérêt national, et de demander aux Français de se prononcer par référendum pour que la Constitution soit modifiée en son article premier, incluant désormais « la préservation de l’environnement, de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique ». Une décision qui semble aller dans le sens de l’histoire et répondre à l’attente des Français. Et pourtant, contre toute attente, Emmanuel Macron en sortira encore perdant. En trois points.
Premier point : La convention citoyenne. Elle est la transcription institutionnelle du populisme d’extrême centre du candidat Macron : Donner le pouvoir au peuple (qu’il renomme société civile pour se différencier des extrêmes) dans sa diversité (sexes, âges, territoires, diplômes, catégories socio-professionnelle….) Habile, mais artificiel. Une série de questions se pose en effet : Qui sont ces 150 citoyens sélectionnés ? Pourquoi devrait-on leur faire confiance jusqu’à modifier le texte le plus fondamental du droit français ? Car, que sait-on de leurs compétences ? Rien. De leur engagement préalable et de long terme en faveur de l’environnement ? Rien. Et, plus grave encore, de leur légitimité vis-à-vis du peuple ? C’est là que le bât blesse le plus profondément la chair du corps politique, car leur légitimité repose exclusivement sur ce que l’on nomme « le fait du Prince ». Or ce même Prince entend désormais bénéficier en retour de cette légitimité qu’il a lui-même créée de toute pièce, artificiellement, pour assoir la sienne en matière écologique. La supercherie politique pourrait ne pas passer inaperçue.
Deuxième point : Le référendum. Emmanuel Macron, qui se rêve gaullien, croit-il qu’il bénéficiera d’un dialogue démocratique direct avec le peuple par voie référendaire ? Qu’il s’agisse d’immigration, de laïcité, de terrorisme, d’islamisme – autant de sujets où l’avis des Français aurait été déterminant pour conférer du poids à une loi – Emmanuel Macron n’a eu de cesse de différer, de reculer, de tergiverser.
A aucun moment il n’a envisagé de consulter le peuple au sujet des grandes orientations nécessaires au pays, et ce malgré l’accumulation des crises, des drames, du chaos social. Les lois ont été produites dans l’entre soi élyséen, sur un mode « en même temps ».
Conclusion : De grands discours et de petites lois ! La question se pose donc désormais : Pourquoi se tourner vers les Français pour l’écologie, cette chose si simple qui fait à ce point consensus, y compris au niveau international ?
Par ailleurs, si Emmanuel Macron croit que l’intérêt des Français pour le climat se traduira par un intérêt égal pour la modification constitutionnelle, il se trompe. Un « oui » au référendum ne signifierait pas automatiquement un satisfécit en matière d’écologie. Les incohérences autour de la fermeture de Fessenheim, du glyphosate, de l’obsession éolienne qui détruit la beauté de nos campagnes, voire la décision récente du Haut Conseil pour le Climat de retoquer le plan de relance post-Covid d’Emmanuel Macron pour n’être pas assez écologique, ou même le départ brutal à l’été 2018 du ministre le plus populaire et le plus écolo du gouvernement, Nicolas Hulot, pourraient peser bien plus lourd dans la balance, et faire passer le référendum pour un artifice électoraliste.
Troisième point : La verticalité du pouvoir. Lorsqu’Emmanuel Macron a été élu, en mai 2017, un vent de renouveau soufflait sur la France. Le jeune ministre de François Hollande avait fait campagne sur une idée simple : transformer la politique. Sa méthode ? L’horizontalité. Dès le 14 juillet 2017, et le limogeage brutal du Chef d’Etat-major des Armées, les Français ont découvert l’image d’un homme politiquement malhabile, accroché nerveusement à ses prérogatives, et soucieux de verticalité. Trois années de présidence n’ont fait que confirmer cette soif de verticalité, qui a probablement atteint son point d’orgue avec la crise du Sars-Cov2, où l’étroitesse de la mécanique décisionnelle a été souvent soulignée dans les média, critiquée par les oppositions, amplifiant ainsi auprès de l’opinion publique l’image d’un Président en forme de « petit marquis » autoritaire.
Le Parlement, et particulièrement le Sénat, a acquis par contraste une importance croissante aux yeux de l’opinion publique.
Les Français attentifs ont pu s’en rendre compte lors de l’affaire Benalla par exemple, mais également lors du vote de différentes lois (80km/h, loi Avia, etc.), où le Sénat s’est opposé à la volonté du Prince. Dès lors, ce référendum pourra-t-il être perçu autrement que comme un artifice permettant au Président de ne pas avoir à obtenir la majorité des 3/5 des deux chambres réunies en Congrès ? Comme un artifice pour n’avoir pas à affronter le Sénat et les députés de l’opposition ? Comme la crispation supplémentaire d’un Président affaibli qui cherche à affirmer, encore, son autorité par l’évitement des contre-pouvoirs légitimes, et à conforter maladroitement sa stature de présidentiable ?
Frédéric Saint Clair
Analyste politique