Alors que la commission spéciale de l’Assemblée nationale examine, depuis trois jours, la réforme des retraite qui fait l’objet de milliers d’amendements déposés par l’opposition, Alain Tranchant plaide en faveur d’un référendum.
« Par quelle voie, sur ce sujet qui touche tous les Français, convient-il que le pays exprime sa décision ? Je réponds par la plus démocratique, par la voie du référendum ». Voilà ce que déclarait le Général de Gaulle le 20 septembre 1962, en présentant aux Français son projet d’élire le Président de la République au suffrage universel.
S’il est aujourd’hui un sujet qui concerne tous les Français, c’est sans aucun doute celui de la réforme du régime des retraites, et il est chaque jour plus clair qu’il n’y aura pas de véritable sortie de crise sans donner aux Français la possibilité de faire connaître directement leur volonté.
Arborant une croix de Lorraine sur l’emblème de la présidence de la République, Emmanuel Macron ne saurait méconnaître que le référendum constitue l’un des apports fondamentaux du Général de Gaulle à nos institutions et que, dès son article 3, la Constitution de la Ve République établit une règle d’or : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Au surplus, depuis la révision de l’article 11 de la Constitution effectuée en 1995 sous le mandat de Jacques Chirac, le Président de la République peut « soumettre au référendum tout projet de loi portant (…) sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent », ce qui englobe à l’évidence le régime des retraites et les transports.
En revenant au pouvoir en 1958, le Général de Gaulle entendait mettre en oeuvre « une réforme profonde des institutions, séparant les pouvoirs pour qu’ils deviennent responsables, les arrachant à la discrétion des féodaux de ce siècle1, associant le peuple à ses propres affaires en lui donnant, dans les cas graves, par le référendum ou par la dissolution de l’Assemblée nationale, le moyen d’exprimer sa volonté et son verdict »2.
C’est ce qu’il fit lui-même en 1968, en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale à la fin du mois de mai, puis en s’en remettant à la décision des Français pour la régionalisation et la réforme du Sénat par le référendum du 27 avril 1969.
De la sorte, au temps de la République gaullienne, le dernier mot revenait-il toujours au peuple souverain3.
Parce que la France se trouve aujourd’hui « dans les cas graves » évoqués par le fondateur de la Ve République (il faudrait une singulière mauvaise foi pour nier la gravité de la situation du pays… un an après les Gilets jaunes !), parce que le Président de la République ne saurait s’abuser sur la portée du mandat qu’il a reçu des Français en ce qui concerne le régime des retraites, parce qu’il ne saurait non plus oublier les conditions particulières de son élection (empêchement de M. Fillon et second tour face à Mme Le Pen), enfin et surtout parce que ce n’est pas battre en retraite, si je puis m’exprimer ainsi ! que d’en appeler au « suffrage universel qui est la base de la République »4, M. Macron doit maintenant « associer le peuple à ses propres affaires » et lui permettre d’ « exprimer sa volonté et son verdict » dans les urnes.
Si les Français répondent positivement à l’appel du Président de la République, alors la réforme des retraites sera revêtue d’une légitimité incontestable, et les désordres dans la rue n’auront plus de raison d’être.
Au contraire, si les Français rejettent le projet gouvernemental, il appartiendra au Chef de l’Etat d’apprécier la suite à donner au « verdict » de la nation : démission et candidature éventuelle à une élection présidentielle anticipée, changement de Premier ministre et de gouvernement et, en tout état de cause, remise sur le métier d’un autre projet de réforme des retraites.
Dans les semaines qui ont précédé mai 1968, Pierre Viansson-Ponté avait signé à la une du journal Le Monde un article au titre demeuré célèbre : « La France s’ennuie ».
En ce début d’année 2020, dans l’état d’énervement des Français et de violence de la société, la seule solution qui vaille c’est le retour aux urnes.
« Il ne va pas falloir tarder à référer », avait dit Mme de Gaulle au Général en 1968, alors qu’elle venait de se faire apostropher dans Paris en effectuant des courses. Mme Macron, qui a dû quitter un théâtre parisien précipitamment, pourrait utilement reprendre la formule à son compte….
Alain Tranchant
Ancien Délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique
Président fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale
- Les partis politiques ↩
- Déclaration du 8 octobre 1952 ↩
- Le Général de Gaulle a eu recours au référendum pour régler le problème algérien et pour compléter la Constitution de 1958 par l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962. Cette même année, il a décidé la dissolution de l’Assemblée Nationale après la motion de censure votée à l’Assemblée nationale contre le premier gouvernement de Georges Pompidou. ↩
- Charles de Gaulle, 22 juin 1951 . ↩