Une semaine après le discours d’Emmanuel Macron, Laurence Taillade revient sur le projet de loi contre le séparatisme, témoignage criant selon elle de l’impuissance de l’Etat et de la complaisance de l’Education nationale à l’égard des tenants d’un islam politique. En traitant ainsi différemment une communauté, l’Etat la met nécessairement au ban de la société.
Le changement de nom de la loi contre les séparatismes porte une lourde charge symbolique. Ce changement de cap, probablement lié au calendrier législatif (la loi arrivera à l’étude dans le meilleur des cas en juin) et à la proximité des échéances électorales, met sous tensions les membres de cette majorité hétéroclite qui ne parviennent pas à trouver une position consensuelle à ce sujet. Les vieux clivages d’origine reviennent : d’une gauche molle sur ses socles idéologiques à une droite républicaine, dans un contexte électoral, pré-présidentiel, qui deviendra un marqueur pour les candidats aux législatives.
Cette prétentieuse tentation de se mesurer à ceux qui ont eu le génie de la loi de séparation, en utilisant la date du 9 décembre – date anniversaire de celle de 1905 qui fut le fondement de la laïcité française – montre la vanité de ceux qui la portent de s’attaquer à cette loi d’équilibre, fruit d’un affrontement entre les radicaux anticléricaux et les tenants d’une vision d’apaisement défendue par Aristide Briand. Si la loi de 1905 permet la liberté de conscience et son application corollaire, la garantie de pratiquer son culte librement, elle ne prévoit pas une intrusion de l’Etat dans son organisation, dès lors que les cultes respectent les lois. Ce qui semble être le projet que l’on nous présente, concernant l’Islam.
En effet, l’Etat n’a pas à s’insinuer dans la pratique religieuse; c’est à chaque culte qu’il revient de se structurer pour répondre aux injonctions de nos principes législatifs et constitutionnels. Or, avec une nouvelle tentation d’organiser l’Islam en France, ainsi que son financement, c’est exactement ce que le gouvernement s’apprête à faire. Il revient à l’Etat de punir les dérives mais la punition ne tombe pas ! On préfère se substituer à ceux qui ont échoué à s’organiser de façon répétitive, déchirés par des querelles de chapelles, infiltrés par des courants politiques comme l’UOIF, devenu abusivement « Musulmans de France », qui n’est autre que la branche des Frères Musulmans légitimée par Nicolas Sarkozy au sein du CFCM. Trop de temps perdu à chercher à négocier avec des personnes dont l’unique objectif a été de mettre à terre la laïcité, ce qu’ils sont en passe nationalement d’obtenir, après avoir fait plier bon nombre d’élus locaux enclins à négocier quelques voix contre des arrangements raisonnables.
D’une exigence d’assimilation, on a fini par chercher une simple intégration. Les mots ont une sens. Les gouvernements successifs ont renoncé à nommer les choses pour ne pas « blesser » ceux qui pratiquent le chantage à grande échelle de l’islamophobie, mot valise pratique pour discréditer par l’anathème ceux qui dénoncent les dérives d’un islam politique, qui sort des cadres d’une pratique religieuse et veut imposer ses règles au plus grand nombre, notamment dans certains quartiers que l’on a laissés aux mains d’imams radicaux, dont on connaissait la dangerosité, pour acheter la paix sociale.
Cet état de fait, doublé d’une immigration clandestine qui a explosé mais que l’on se refuse à traiter, a mis sous la coupe réglée de ces individus dangereux des personnes qui séjournent sur notre sol mais n’ont ni statut ni droit à travailler ce qui les rend sensibles aux discours racialistes et aux sornettes islamophobes.
Lorsque l’on renonce à des signaux forts, comme la reconduite systématique des clandestins aux frontières, lorsque l’on ne consacre même pas un budget cohérent à cela, cela montre le peu de volonté réelle à s’attaquer à un problème aux facettes multiples qui tue petit à petit tout espoir pour les banlieues. La reculade du gouvernement Hollande sur le projet de déchéance de nationalité pour les binationaux ayant commis un crime contre leur pays fut une affligeante démonstration de la faiblesse de l’Etat à se parer des symboles dont la République a besoin pour mettre un terme à ces dérives.
Être Français doit être une fierté, pas un choix guidé par les avantages que l’on peut en tirer. C’est épouser une destinée commune, une culture, des principes, une histoire, qui sont massivement rejetés aujourd’hui par une frange de plus en plus importante des membres de la seule communauté qui se doit d’être reconnue par l’Etat : la Nation.
Or, envisager de rendre l’enseignement de l’Arabe possible dès le plus jeune âge à l’école n’est autre qu’une nouvelle porte ouverte à un séparatisme de la langue, une forme d’assignation par le langage de ceux qui ne seraient pas tout à fait Français, une manière de reconnaître une autre communauté au sein du tissus national. L’Arabe n’est pas une langue régionale (qui, elles, peinent à survivre dans l’enseignement public, bien que faisant partie intégrante de notre patrimoine). S’il y a des dérives au sein d’écoles coraniques imprégnées par l’idéologie fréro-salafiste, qui endoctrinent sous couvert d’enseignement de l’Arabe, ce sont ces dérives qu’il faut punir et dénoncer en utilisant les armes que nous donnent les lois existantes.
Ce n’est pas à l’Education Nationale de créer une contre-offre, au demeurant peu saisie dans les établissements où elle est déjà proposée. Mais pour cela, il faut des moyens, issus d’une volonté réelle à prendre le problème à bras le corps. Pourtant, les instances gouvernementales, comme la Mivilude, qui avait pour but principal de lutter contre les sectes et leurs pratiques, sont actuellement exsangues de finances et en passe d’être démantelées, comme le fut le Haut-Commissariat à l’Intégration, sous le gouvernement précédent. Etrange paradoxe.
Rendre l’école obligatoire est une bonne chose, si tant est que l’on y change les contenus d’enseignement et que l’on y intègre de l’instruction plutôt que de l’éducation. Il faut redonner du sens à notre système scolaire avec une priorité à la formation de citoyens éclairés et non de travailleurs disciplinés que le manque de culture et d’esprit critique rendent perméables à tous les gourous de la bien-pensance qui ont fait leur fond de commerce des thèses racialistes anti-blancs. Mais le manque de moyens tant dans notre système éducatif – terme critiquable par ailleurs – que dans le contrôle de ces écoles hors contrat (et la volonté politique de ces dernières années) ont conduit à laisser ce système se dégrader et aux dérives que nous connaissons (et dénonçons depuis de nombreuses années).
C’est par l’incapacité à appliquer des lois existantes que l’on peut juger de l’état de délitement de la volonté politique d’agir concrètement. Tout existe déjà dans un arsenal complet : police des cultes, lois sur la liberté de la presse, laïcité… Ces individus s’appuient sur notre faiblesse à leur imposer le respect de nos principes et de nos lois, acceptés de tous. Le séparatisme commence là, lorsque l’Etat crée des exceptions à la règle commune, par négligence, par condescendance à penser que ceux qui ont des pratiques incompatibles avec nos principes, nos valeurs, nos lois, sont incapables de se soumettre à la règle commune.
C’est déjà une forme de racisme, d’assignation identitaire inacceptable.
La pensée post coloniale repentante accepte tout : la polygamie, les réunions racialistes, les revendications de menus dans les cantines, les écoles coraniques, la soumission de la femme… Alors que beaucoup, la plus grande partie, sont arrivés ici avec le rêve de devenir Français, on leur a imposé la politique des grands-frères qui a consisté à sous-traiter la question de la sécurité, de la cohésion sociale, à des associations qui se sont développées sur des bases ethnico-religieuses communautaristes qui ont englouti des millions d’argent public, sans contrôle de l’efficacité de leurs actions, ni des dérives de leurs pratiques. Beaucoup ont activement semé les graines du séparatisme, en inculquant le discours victimaire que l’on retrouve dans la bouche de nombre de militants des franges indigénistes. On a refusé à ceux-là le rêve français !
Et l’on reproduit, décennies après décennies, ces mêmes erreurs qui mènent irrémédiablement à une aggravation de la situation.
Cette mascarade n’aura d’effet que si des moyens sont mis au service de la République et de son fonctionnement. L’école, la justice, la police, doivent disposer de budgets, de personnel formé, se sentir soutenus quand il s’agit d’appliquer l’esprit de nos lois à la lettre, sans trembler face à la menace d’une minorité agissante un peu trop bruyante. Ou tout cela, je le crains, se soldera par un énième exercice de communication manipulant l’art du « en même temps » et mènera à accoucher d’une souris pour faire battre des mains les idiots utiles de l’islamisme et satisfaire les adeptes de l’œcuménisme.
Laurence Taillade
Présidente de Forces Laïques, Le Parti Républicain Solidariste
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