La dette publique, que l’on semble découvrir, remet les dépenses de retraite à l’actualité. Le système de retraite est déficitaire et, « subventionné » par l’État, participe de fait au déficit public. Il en serait la cause première. Dire qu’il y a déficit est vrai, et salutaire. Mais c’est un sophisme de dire que le système de retraite y participe pour 71 milliards, un sophisme qui exonère l’Etat de sa responsabilité.
Ce n’est pas le système des retraites mais la branche vieillesse qui, outre les prestations retraites contributives finance des prestations de solidarité, des régimes particuliers (dont celui de l’Etat employeur) et doit refinancer les allègements ou exonérations de cotisations sociales qui résultent des politiques pour l’emploi.
Le déficit du régime par répartition est réel mais bien inférieur au 71 milliards, il est de 12 milliards (285 Mds de prestations contributives pour 273 Mds de cotisations 2 ) avant prise en compte des « subventions », qu’il faut comprendre comme « remboursement compensatoire » par l’Etat pour allègements et exonérations de cotisations sociales à hauteur de 5,1 Mds.
Ces 5,1 Mds ne sont pas un déficit imputable au système par répartition mais résultent d’une politique publique qu’il revient à l’Etat de financer. Cette compensation due par l’Etat ramène le déficit du système par répartition à 6,9 Mds (soit 1/10ème des 71 Mds). L’article cité précise que les 273 Mds de cotisations comptent 45 Mds de « surcotisations » par l’Etat au titre des régimes de retraite de la fonction publique. Ces 45 Mds sont la contribution de l’Etat employeur au financement de la retraite par répartition, ils comptent dans le déficit public, comme les cotisations sociales dans le les comptes des employeurs.
Ces 45 Mds ne sont pas une subvention apportée au système par répartition. Ce sont donc 64,1 Mds (71- 6,9) de déficit public (90% du déficit de la branche vieillesse) qui sont imputables à l’Etat au titre des prestations de solidarité et de co-financeur des régimes spéciaux.
Les 71 Mds de déficit de la branche vieillesse sont réels et sont pour l’essentiel imputable à l’action, ou l’inaction, de l’Etat. Il est logique que l’Etat finance par l’impôt la branche vieillesse : il intervient là dans une logique de « pollueur-payeur » (pollueur du système par répartition).
Une reforme du système des retraites est nécessaire. Pour n’être pas, une fois encore, paramétrique et n’avoir pour effet que de repousser le tas de sable, elle devrait s’inscrire dans une refonte préalable des comptes nationaux pour retrouver les logiques d’assurance et de solidarité 3, s’inscrire aussi dans une réforme de l’Etat employeur, et donc des moyens de l’action publique (vaste programme) et être accompagnée d’une politique économique de développement de l’emploi rémunérateur, c’est-à-dire contributeur au financement de la protection sociale (les emplois peu rémunérés d’une économie tertiarisée sont insuffisamment contributeurs et donnent sa dynamique au cercle vicieux des aides-allégements-fiscalisation).
Avec l’équivalent de 14% de PIB le financement de la branche vieillesse doit être réformé pour que le système par répartition vive. 14% de PIB c’est énorme, c’est autant que la masse salariale publique qui échappe à toute volonté de réforme.
Il faut, en préalable à la prochaine réforme, dire les chiffres vrais et aussi employer les mots vrais.
De faux constats, des sophismes, font de mauvaises réformes. Pour sauver le régime par répartition c’est le financement de la branche vieillesse, toute la branche vieillesse, qu’il faut réformer. Il faudra une réforme du modèle économique et administratif et non pas une réforme comptable.
Michel Monier,
Ancien DGA de l’Unédic,
Membre du Cercle de recherche et d’analyse de la protection sociale – Think tank CRAPS.