Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
Yoga, lundi 30 mars
Qui l’eût cru ? Yoga était devenu, dans le monde d’Après, un élément essentiel de tous les enseignements, de toutes les formations. Au Medef comme à Bercy, on ne parlait que de lui.
Bien sûr, il s’agit d’une allégorie. Yoga est une allégorie pour dire combien la recherche de souplesse était la leçon majeure de la pandémie qui venait de terrasser les grands principes normatifs de feu le libéralisme mondialisé.
Ce fût d’abord la caractéristique de l’urgence et de la nécessité de l’action immédiate. On vit des TGV transformés en hôpital, des industriels réaffecter leur outil de production (les parfums se transformant en gel hydroalcoolique par exemple). On constata la vitesse de prise de mesures s’accroître considérablement.
En fait, ce fût bien plus que cela. Continuité et relance ne pourraient, chacun en avait pris conscience, après les soutiens de court terme, être les fondements pour l’économie comme pour la cohésion sociale du monde d’Après.
Il ne fallait pas changer de logiciel mais apprendre à faire rimer logiciel et vivant en phase avec les valeurs qui sortaient renforcées de cette épreuve.
La solidarité et la coopération s’imposaient dans l’organisation et dans la décision.
La responsabilité était devenue une valeur cardinale. La créativité constituait l’alpha et l’omega.
La financiarisation de l’économie ne régnait plus en maître. L’économie réelle n’était plus l’économie rebelle mais la norme consensuelle. En fait, deux grands principes guidaient l’économie comme la société. Le premier de se donner des objectifs partagés qui allaient dans le sens de la responsabilité, comme le devoir climatique et de l’épanouissement individuel dans le respect de l’intérêt général. Le second, de ne mettre, ni l’économie, ni la société, en tension permanente. Il convenait de préserver des poches d’oxygène, du vide, permettant l’agilité et les adaptations rapides. C’était la nouvelle définition de la performance depuis que le réel avait repris le pas sur l’argent pour atteindre les objectifs que l’on s’était fixé. L’argent était redevenu un outil et non plus le but en lui-même.
Les choses ne s’étaient pas faites d’elles-mêmes. Mais elles s’étaient faites très vite. Il avait fallu changer les approches, bousculer les habitudes. Pour le dire autrement, le pédigrée des élites dirigeantes s’était trouvé très modifié.
La folie mobilité était devenue la quête et l’occupation d’une place.
Le rééquilibrage entre territoires allait de soi.
De toute manière, avait été intégrée l’idée que le travail ne pouvait plus répondre aux mêmes définitions. Le télé travail s’était imposé avec la crise. Le numérique allait supprimer des secteurs entiers d’emploi. Dès lors, chacun aurait plusieurs activités et disposerait d’un revenu de base (celui-ci pourrait, cependant, impliquer une réciprocité, par exemple, par rapport au devoir climatique. Au début, la gauche résista avant d’en faire un thème majeur de son projet). Les artistes travaillaient en lien direct avec la recherche industrielle. Il en résulta une créativité accrue et une humanisation des projets.
Cette ambition de souplesse et de plasticité devînt, contre tous les préjugés, le moteur de relance du projet européen.
Enfin, cette capacité nouvelle d’adaptation fixa un curseur aux interdépendances mortifères de la mondialisation. Ce gain de rééquilibrage de la souveraineté constitua des relations plus pacifiées dans le monde et la coopération l’emporta sur la concurrence effrénée de la concurrence en mode de recherche absolue de performance accrue.
Néanmoins, tout cela ne se concrétisa pas par un minimalisme ou une décroissance mais par d’autres repères dans lesquels le vivant avait hybridé avec la machine et la technologie.
Voilà les grands traits de ce monde d’Après…. qui l’eût-crû ?
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste