Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
Tous responsables! (1), mercredi 1er avril
La rhétorique de la pandémie actuelle installe comme notion centrale la responsabilité. Terme multi-facettes, la responsabilité nous confronte à des réalités diverses voire contradictoires.
N’est-il pas fait appel, actuellement et légitimement, en continu à la responsabilité ? Avec la conséquence immédiate de renvoyer à la notion de chaîne, de réseau, d’interdépendance. Ce n’est pas une mince affaire.
Ces derniers temps les réseaux avaient, plutôt, pour effet de permettre une forte déresponsabilisation. Qui plus est déculpabilisée.
En prenant un peu de recul, ne peut-on entrevoir que la mondialisation numérique et algorithmique correspond à une tentative d’effacer la responsabilité ? Le fonctionnement automatisé grâce à la machine et au calcul n’a-t-il pas pour effet de restreindre l’impact de la conscience sur les actes. C’est, par exemple, les questions que soulèvent les véhicules sans chauffeur. Quel est le bon référent quand l’algorithme doit choisir entre deux dégâts : écraser un piéton ou se projeter contre un mur.
La domination nouvelle des sciences neurocognitives sur la psychanalyse va dans le même sens. Là où la psychanalyse nous confrontait et nous poussait vers des limites constructives, les neurosciences nous invitent à les dépasser et à penser qu’on le peut toujours. Cela rencontre l’idéal d’une société numérique fondée sur l’horizontal, dans le rejet de l’autorité et des “élites”.
La crise sanitaire réactualise la perception de la responsabilité comme affaire civique.
Il est trop tôt, sans doute, pour en mesurer toutes les conséquences psychologiques, sociologiques et politiques.
Dans l’actualité, ces appels à la responsabilité en référent, à la fois à un sentiment potentiel de culpabilité ou de devoir mais, tout autant, à une sorte de fierté d’appartenir et d’agir au sein d’un collectif rassemblé, uni. La sensation neuve pour beaucoup de découvrir qu’on peut-être amené à faire son devoir.
La peur agit comme facteur immédiat de cohésion.
Même si traîne encore les rebellions des complotistes. Il est plus aisé de coopérer quand la relation avec une dette est celle envers notre vie que lorsque l’on se voit imposer un impératif extérieur, mal compris, mal sourcé, mal accepté.
La situation égratigne les individualismes. Mais, pour l’heure, le degrés d’adhésion est fort. On peut s’interroger sur la pérennité de celle-ci. Mais surtout, il faut se poser la question de sa traduction dans la vie de l’après crise. Dans la rhétorique de l’après guerre.
Comment allons-nous prendre nos responsabilités ? La jeunesse, en particulier, a anticipé par sa mobilisation autour de l’impératif climatique.
A suivre….
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste