Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
« Ouh là là, c’est mondial », vendredi 17 avril
Quoi de mieux que le Piémont pyrénéen, cet entre-deux dont Nietzsche vantait les mérites : ne monte pas trop haut, ne descends pas trop bas, le plus beau coup d’œil sur le monde est à mi-pente. Charme d’un équilibre et du télétravail. Et, à distance sociale, cet échange avec X… un de ces paysans du vieux monde.
Bien sûr le thème est celui de la pandémie. Et là, cet air entendu et subitement habité d’une distanciation beaucoup plus profonde : ouh là là, c’est mondial ! (L’accent occitan bien trempé est à imaginer pour apprécier la scène). Et puis, tout de suite, cette banane qui balafre ce visage sympathique et ces mots clés : en Amérique aussi, ils l’ont.
Je ne sais si le Président Macron a bien fait d’utiliser l’allégorie de guerre pour l’efficacité de son discours de l’instant.
Mais là, en quelques secondes je découvrais une scène qui me plongeait dans la rhétorique de l’après-guerre.
Mais, pas seulement celle d’aujourd’hui. Celle d’avant ? avec ses fractures dans la société, la fierté estompée par des libérateurs venus de loin. Le képi, le talent et, la rhétorique, justement, d’un général a permis de mettre la poussière sous le tapis.
Je reconnais un côté un peu forcé à mon propos. Des mots ont parfois cette force de vous donner l’impression d’entendre trop qu’ils ne peuvent.
J’ai d’abord souri ou ri. Il me reste une trace insidieuse de maux anciens et pas réglés. Les « après guerre » et les choses cachées. Mais quelles pièces d’or cache-t-on encore sous les lits ? Et les responsables et les profiteurs…
Finalement je suis raccord. Ne parle-t-on pas de gouvernement d’union nationale ? N’évoque-t-on pas le Conseil National de la Résistance ?
Il ne manquerait qu’un képi, qu’une adhésion et le discours de la réhabilitation de la fierté ou la compensation d’une humiliation qu’Eduardo Rihan Cypel nommait, dans ce journal libre et éphémère : « une blessure narcissique ».
Ce doit être le décalage des lieux et l’esprit de Terra Incognita, ses côtés libres et prospectifs mais je ressens des présages mauvais qui ne se résument pas à la crise sanitaire.
Ce contexte, après la montée des populismes et les débats sur l’identité, ces derniers temps, et face aux mouvements migratoires prévisibles demain matin, tous les critères sont là pour justifier, pourquoi pas une Union mais dont elle doit dire le nom et vers quoi elle veut aller.
Le climat n’est pas forcément à la tolérance et à l’humanisme.
On vante les solidarités de l’instant, à juste titre. Mais la solidarité existe aussi dans les « sociétés terroristes ».
On reparle de plan. Mais, dans notre situation, c’est d’idéologie dont on devrait reparler.
Il nous faut des hommes de gravité !
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste