En janvier dernier, après trois ans de rumeurs et de reports, Donald Trump a dévoilé son plan de paix pour le Moyen-Orient. Mais pour Léo Keller, fondateur du blog de géopolitique Blogazoi, ce plan est caduc. Il nous explique pourquoi.
Les conséquences
Les conséquences
Citons Raymond Aron : « Il ne s’agit pas de sauver la paix qui provisoirement n’est pas sérieusement menacée mais de créer des conditions telles que la Paix puisse être sauvée quand le danger deviendra sérieux. »1 Car inévitablement, d’une façon ou d’une autre, la conflictualité reprendra. Plus ou moins forte, plus ou moins menaçante, plus ou moins stratégique, mais elle se rappellera à nous. Trotsky ne disait-il pas : « Si vous ne vous intéressez pas à la guerre, la guerre s’intéressera à vous. »
Or ce plan, outre le fait qu’il est caduc, crée objectivement les conditions d’un ressentiment arabo-palestinien et un resserrement de leurs liens que l’on avait pu croire distendus. En outre rien ne prouve que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis accepteront de payer de telles sommes. Même pour eux cela représente un montant colossal ; l’on sait les difficultés de l’Arabie Saoudite pour financer son plan 2030. En outre pourquoi financeraient-ils un futur État qui n’est même pas sûr d’aller jusqu’aux fronts baptismaux.
Reste la pierre d’achoppement sur laquelle tous les plans ont échoué : Jérusalem.
Nous nous garderons bien d’évoquer le côté « juste » ou la légitimité de chacun des protagonistes. Il n’est pas sûr que le problème puisse être résolu. Contentons-nous d’utiliser le concept de légitimité au sens kissingerien. « Mais par légitimité nous entendons… Une stabilité fondée sur l’équilibre des forces a du moins pu être concevable… Cette stabilité, par conséquent, a en général résulté non pas d’une recherche de la paix, mais d’une légitimité reconnue comme telle par tous… »
« Dans le sens que nous lui donnons ici, « légitimité » n’est pas synonyme de justice. Il s’agit uniquement d’un consensus international portant sur la définition d’accords fonctionnels, et aussi sur les règles du jeu diplomatique, qu’il s’agisse des moyens ou des fins. Ceci implique que l’ensemble des puissances acceptent les structures internationales existantes. »2 Peu importe que pour l’un il ne soit que le troisième lieu saint et le premier pour l’autre. Ce qui compte c’est la représentation que s’en sont faite les deux protagonistes. Chaque lieu saint leur tient lieu d’épitomé c’est-à-dire de surface d’incision. Il en est devenu l’acmé. D’une façon ou d’une autre, un swap équitable de territoires devra inclure une partie de Jérusalem comme capitale de la Palestine.
Avoir lu et relu le texte et surtout les commentaires officiels fournis par la Maison-Blanche, ne dissipe pas le malentendu. Trump a ainsi tweeté la carte du plan en mentionnant une formule alambiquée sur Jérusalem: « This is what a future state of Palestine can look like with capital in parts of East Jerusalem. » En parfaite contradiction avec ses assertions antérieures et surtout celles de Netanyahu. Trump affirme que l’accès aux lieux saints serait préservé pour les musulmans. Mais si les lieux saints sont sous souveraineté palestinienne, il n’est nul besoin de préserver leur accès. Trump dit ainsi dans la même phrase : « Jerusalem will remain Israel’s undivided capital. » mais les palestiniens auront aussi « a capital in Eastern Jerusalem. » Notons que Trump avait quand même pris la précaution de transférer son ambassade à Jérusalem-Ouest et non pas à Jérusalem-Est.
Dans une autre déclaration, il affirme qu’Al-Qods-nom arabe pour Jérusalem – sera situé à l’est du mur de séparation. Une vraie chaconne diplomatique ! Il est vrai que Trump n’en est plus à sa première déformation des faits. Enfin dernier blocage : on a beau chercher on ne voit pas au nom de quelle autorité, les USA se prévalent-ils pour accorder une souveraineté faisant partie d’un État qui ne leur appartient pas un état tiers.
Les réactions des parties
Commençons par les réactions enthousiastes car il y en a. Le sentiment qui prédomine en Israël est la joie. Joie dans la rue, liesse messianique parmi les colons, immense sourire qui illumine le visage de Netanyahu qui lui permet d’oublier – au moins momentanément – sa triple mise en accusation. Il n’y a pas de petits bénéfices. Netanyahu peut ainsi qualifier le deal de « historic opportunity ». Qui en douterait ?
Du côté israélo-américain, ce plan a suscité paradoxalement des réactions mitigées. Alors qu’il accorde à Israël ce qu’aucun plan n’avait jamais accordé officiellement, il ne fait en réalité que constater la situation qui prévaut sur le terrain. Il suscite un blocage au sein de l’ultra droite nationaliste et religieuse israélienne. Le chef du conseil des colons que Netanyahu avait cajolé en l’emmenant à Washington est allé jusqu’à confier au Président de la Knesset que les Américains avaient « planté un couteau » dans le dos de Netanyahu.
En effet pour une partie, certes minoritaire, mais remuante de la population israélienne, accorder ne fût-ce qu’un semblant d’État aux Palestiniens est contraire à l’héritage biblique.
Qu’on en juge, dans un titre cinglant, le Jerusalem Post étrille celle qui fait fonction de ministre des Affaires étrangères : « Hotovely laments Likud « schizophrenia » two states »3
« The Bar-Ilan Speech [in which Netanyahu first expressed support for Palestinian statehood] was never authorized by the Likud. Members of our movement never agreed to found a Palestinian state. Certainly [Likud ideological forebear Ze’ev Jabotinsky] never agreed that another country would exist in the Land of Israel, »
« Whoever believes in the Greater Land of Israel has never been prepared to give parts of our homeland away for any purpose, not even for peace, »
« According to Hotovely, Israel should annex Judea and Samaria and give Palestinians Israeli citizenship. »4
Que des fanatiques et jusqu’au-boutistes le pensent, ne serait pas si grave – et après tous les Palestiniens ont montré l’exemple jusqu’à un passé pas si lointain, sauf que Netanyahu a désespérément besoin d’eux pour conserver sa majorité et également pour éviter son procès. Il est en effet le premier Premier ministre israélien, en exercice, à être accusé officiellement de trois chefs d’inculpation.
Netanyahu veut, alors qu’il ne dirige plus qu’un gouvernement intérimaire, annexer officiellement les premières colonies et territoires occupés. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, pourtant récemment nommé en urgence par Netanyahu, a affirmé qu’il voterait contre le plan. Washington est tout- sauf unanime – sur ce timing. Les premières divergences sont en effet apparues à ce sujet entre Jared Kushner et l’Ambassadeur américain David Friedman, dont les sympathies pour l’ultra-droite et les colons sont bien connues et qui l’amènent souvent à sortir de son rôle d’ambassadeur américain et d’autre part entre Kushner et Netanyahu. David Friedman declare ainsi « Israel does not have to wait at all, » he said, when asked whether there was a « waiting period » over when the country could extend Israeli sovereignty to the settlements.
« The waiting period would be the time it takes for them to obtain internal approvals and to obviously create the documentation, the calibration, the mapping, that would enable us to evaluate it, makes sure it’s consistent with the conceptual map, » he added. « If they wish to apply Israeli law to those areas allocated to Israel, we will recognize it. »5
Benny Gantz a d’ailleurs dit – de façon mesurée – que « Le Président Palestinien ne rate pas une occasion de refuser une proposition de règlement de conflits. » Les premières réactions à ce plan furent donc – logiquement – tout sauf à la hauteur des espérances américano-israéliennes. Benny Gantz accepte ce plan ; pour autant il prend la précaution de le soumettre à une négociation avec les Arabes et les Palestiniens. Sage précaution qui en vide l’âpreté. La position de Benny Gantz ne peut être comprise que dans le cadre d’une campagne électorale où Netanyahu s’est servi du deal du siècle pour enfermer son rival. Les leaders qui ont changé dans l’Histoire, du tout au tout, leurs positions ne manquent pas. De Gaulle, Nixon, Begin, Rabin, Sharon etc.
Balzac serait-il de ce monde, il eut consacré son livre : Peau de Chagrin aux réactions palestiniennes dont il était facile de prévoir, sinon la force, du moins la direction et aux réactions arabes que les Américains et les Israéliens avaient soigneusement voulu mésestimer. Palestiniens et Arabes ont gommé – comme sur un palimpseste – d’un trait de plume le « deal du siècle. »
Le lecteur nous saura gré, du moins l’espérons-nous, de lui épargner la longue litanie des autosatisfactions habituelles et indécentes de Donald Trump. Elles n’apportent rien à l’analyse du document. Notons simplement que, tout à ses autoglorifications, Trump n’est même pas capable de prononcer correctement le nom Al Aqsa. Selon David Friedman, le « freeze », auquel Israël est tenu pendant quatre ans, ne s’applique pas aux settlements existants. Notons aussi que l’armée israélienne et l’appareil sécuritaire qui ont en charge la sécurité d’Israël – et non l’héritage biblique – soulèvent eux aussi un certain nombre de questions et de doutes.
Les réactions arabes
Examinons donc plutôt les réactions palestiniennes et arabes. Après tout le deal du siècle nécessite leur approbation. L’on se rappellera avec humour et une pointe de colère ce que le sinistre procureur Vichinsky disait en 1945 au jeune roi de Roumanie : « Vous avez deux heures et cinq minutes pour faire connaître au public la destitution du gouvernement. » Et peut-être rage aussi devant tant de morgue et de bêtise lorsque l’ambassadeur américain en Israël ose dire : « It doesn’t matter what the Palestinians say, » he said. « We’re going to keep this option open for them for four years. That’s what we want. »6
À ses côtés Vichinsky n’était qu’un doux agneau bêlant d’idéalisme et d’irénisme angélique. L’on a même vu ce 31 janvier, 3 000 manifestants palestiniens et jordaniens manifestant devant la mosquée Al Husseini à Amman. Ils ont non seulement protesté en scandant mort à Israël, mais ils ont brûlé un drapeau israélien.
L’on a beau chercher, on ne trouve guère de traces d’une acceptation de ce plan ni par les gouvernements arabes ni bien entendu dans la rue arabe, a fortiori palestinienne. L’on a parlé à juste titre du syndrome Gorbatchev en Chine, on peut mêmement et bellement utiliser le concept des Printemps arabes. La dernière chose à laquelle se risqueront les gouvernements arabes, c’est de se mettre la rue arabe à dos. Or celle-ci est visiblement hostile à ce deal.
Certes pour être tout à fait attentif, on notera que certains gouvernements, tenus par toutes sortes de chantage américain (l’affaire ukrainienne est présente à l’esprit) ont préféré se contenter d’une désapprobation mezzo vocce.
Partons du tableau qui regroupe quand même les 22 pays de la Ligue Arabe. Ces 22 pays se sont réunis en urgence au Caire à la demande du leader palestinien Mahmoud Abbas.
Ils ont tous, sans exception aucune, rejeté le deal du siècle.
Que d’aucuns objectent que son influence et son pouvoir sont limités ; certes cela n’est pas faux. Il n’empêche que c’est un signal indéniable et fort.
Pour autant Mahmoud Abbas appelle à couper tout contact avec les Israéliens et Américains sauf ceux de sécurité « to fight terrorism. » Ce dernier point est cependant ambigu car l’AFP cite : « Samedi le Président de l’Autorité Palestinienne a assuré qu’il n’y aurait désormais : « aucune sorte de relation avec les Israéliens ainsi qu’avec les États-Unis, y compris en matière sécuritaire à la lumière du plan. » La Ligue réitère la demande de retour aux frontières de 1967 et Jérusalem-Est comme capitale.
La gamme des réactions arabes
À tout seigneur tout honneur commençons par l’Égypte. Pourquoi l’Égypte ? Pour une théorie de raisons. D’abord parce qu’elle est probablement – avant la Chine – la plus vieille civilisation au monde et que son aura est immense dans le monde arabo-musulman. Elle est, par ailleurs, la voisine d’Israël et de Gaza et que beaucoup dépend de son bon vouloir. Elle sait, elle aussi, ce qu’est le terrorisme ; celui-ci la frappe régulièrement dans le Sinaï. Victime jumelle d’Israël, elle a bénéficié des interventions des forces spéciales israéliennes dans le Sinaï pour lutter contre les mouvements terroristes. C’est le pays le plus peuplé du monde arabe ; sa voix compte. Enfin elle est le premier pays à avoir signé un Traité de Paix avec Israël. Elle en paya d’ailleurs, à l’époque, le prix au sein du monde arabe qui l’ostracisa un certain temps. Tous ces facteurs expliquent son soft power et démontrent l’importance de son approbation et de sa participation au deal du siècle.
Or que constate-t-on ? Même en se munissant d’un télescope, on ne trouve aucune autorité égyptienne sur le plateau de télé réalité du grand show médiatique qu’est devenue la Maison-Blanche. L’Égypte, vieille et brillante civilisation, tient à raison à sa dignité. Elle connaît la valeur de la « gravitas. »
Un diplomate égyptien a ainsi affirmé : « l’Égypte est prête à soutenir tout plan de paix, mais cela dépendra de la question de Jérusalem et du Sinaï. » « Si cette condition (la cession d’une partie du Sinaï) fait partie du plan ou si Jérusalem n’est pas reconnue comme la capitale de la Palestine, on ne soutiendra pas le plan de paix. » « Mais comme le diable se cache dans les détails, attendons de voir ce que cela veut dire. »7
Au moins aussi importantes sont les réactions de la rue et surtout des mosquées égyptiennes. Pour une fois Yossip Vissarionovitch Djougachvili avait tort lorsqu’il affirmait : « Le Pape combien de divisions ? » Ainsi le Grand Imam de la célèbre et influente mosquée, Al Azhar du Caire, a étrillé le plan de paix lors de son prêche. «Our identity as Arabs and Muslims is over… I felt totally ashamed watching Trump with the Israeli leader. »8
Le problème est que ce saint homme ne prêche pas seulement pour sa paroisse. Du haut de son minaret, il est écouté et entendu jusque dans les lointains déserts de la puissante Arabie Saoudite. Devant un parterre rempli de leaders religieux sunnites, il a martelé « They’re the ones planning, talking, controlling and solving problems for us and there’s no Arab or Muslim»9. Ces leaders eussent-ils été chiites, l’on eût pu trouver cela moins inquiétant.
Passons donc à la Jordanie. Petit royaume et deuxième Etat à avoir signé un accord avec l’État hébreu. Petit pays, mais on ne peut plus voisin d’Israël et doté d’une forte population palestinienne. Ce pays présente en outre la caractéristique d’avoir – lui aussi – des accords sécuritaires très profonds et très efficaces avec Israël. En outre sa sécurité ultime dépend du parapluie militaire israélien et des fournitures d’armes américaines. Que celles-ci viennent à se tarir (le fantôme de l’Ukraine n’est jamais loin avec ce président) et que l’autre vienne à se fermer : sale temps pour le royaume dont le trône chancelant pourrait vaciller.
Tamir Pardo, un des plus brillants responsables de la sécurité israélienne avertit: « One must be strategically blind not to see that the collapse of the Jordanian government would bring Iran right to Israel’s doorstep. And we will have brought this about entirely at our own initiative.»
« The plan itself may not be very feasible, but it does contain two dangerous precedents that cannot be overlooked. The first one, a striking combination of foolishness and risk, is the possibility of a land swap in the triangle region with its 250,000 Israeli Arab citizens. How are Israeli Arabs to understand this idea?
For decades, Israel’s Arabs have taken part in the life of the country and proven their loyalty, even during periods of crisis. Of course, stray weeds grow in every society – Arab as well as Jewish. But how should a young person in the triangle region react when he is compelled to choose where his loyalties lie: to Israel, where he was born and raised, and where he sees his future and that of his children, or to a Palestinian entity to which Israel seeks to transfer him.
Creating this dilemma is not only immoral. It is patently irresponsible. We must correct this error forthwith in order to prevent irreversible damage to Israel’s security.» 10
Tout comme l’Égypte, la Jordanie a jugé bon ou sage (ce n’est qu’une question de point de vue) de s’abstenir de jouer les utilités ou les seconds rôles à Washington. The show must go on, mais sans eux !
La Jordanie a cependant déclaré et de façon on ne peut plus ferme « qu’Israël doit revenir aux frontières du 4 juin 1967 ». Le Parlement jordanien a, quant à lui, voté une loi interdisant l’importation de gaz naturel en provenance d’Israël ; gaz naturel dont les Jordaniens ont pourtant cruellement besoin. Il s’agit là plus que d’une manifestation de mécontentement, c’est une des toutes premières conséquences négatives du deal du siècle. Ayman Safadi, ministre des Affaires étrangères de Jordanie, met en garde Israël contre « les conséquences unilatérales israéliennes, imposant une nouvelle réalité sur le terrain. »
Le Prince Hassan Bin Tal, frère du Roi Hussein a ainsi déclaré lors d’un interview : « It should come as no surprise that the proposed US peace agreement between Israel and the Palestinians bears all the hallmarks of a real-estate transaction. This supposed “Deal of the Century” certainly embodies none of the ingredients of successful conflict resolution, including talking and listening, accommodation of core interests, and a compromise solution that the majority can support.
And how could it when the most important partners in the conversation – the Palestinians – were notable only by their absence, having been forced from the room by impossible demands.»11
La réaction palestinienne est encore plus violente. Et reconnaissons que l’on pouvait s’y attendre même si la réponse de Benny Gantz n’est pas injustifiée. Pour autant elle ne fait que refléter la réalité.
À Ramallah, on a entendu une foultitude de slogans hurlés par des milliers de manifestants : « Les journées de la rage. » « Complot du siècle pour liquider la cause palestinienne. » « La Palestine n’est pas à vendre. » etc. Si Netanyahu y voit là une occasion historique, il faudra qu’il nous explique ce qui fonde son optimisme béat.
Mahmoud Abbas dénomme ce deal : « The slap of the Century. »
Scrutons enfin les réactions de l’Arabie Saoudite, nouvelle alliée d’Israël et dont les danses du sabre ont séduit un Donald Trump plus sensible aux paillettes si possible flatteuses, qu’à la realpolitik plus difficilement compréhensible pour lui. Car comme au billard, le pays, dont le vice-roi est un maniaque de la scie à découper – (son surnom anglais est d’ailleurs Mohamed Bone Saw), est l’émerillon d’affourche du plan. Tant sur le plan financier que sur le plan stratégique. Constatons d’abord que même l’Arabie Saoudite n’a pas jugé utile d’envoyer un ambassadeur lors de l’annonce du plan à Washington. Le royaume wahhabite n’aime pas l’aventure.
Les partisans de ce deal du siècle devront donc se contenter de la présence du Bahreïn, d’Oman et des U.A.E. Pour un soir de générale ou même de couturière, on a vu parterre plus éblouissant. Pour autant, reconnaissons que les réactions en Arabie Saoudite ne vont pas toutes dans le même sens. Ce sera sans doute la bouée à laquelle se raccrocheront les Américains et les Israéliens.
A tout seigneur tout honneur. Commençons par le Roi. Certes âgé, il a quand même assisté à trois sommets arabes pour fustiger la décision américaine de transférer son ambassade à Jérusalem-Ouest. Il n’a pas hésité d’ailleurs à contredire son fils préféré MBS qui agit comme un vice-roi mais que différents clans de la famille royale contestent. Qui l’emportera ? L’avenir est plein d’imprévus ! Il n’empêche, c’est une épine dans le plan. Constatons également la volte-face subite, brutale et inattendue du royaume revenant sur sa décision d’autoriser les détenteurs de passeports israéliens d’entrer dans le pays. Il faudrait être un oiseau de mauvais augure pour y voir plus qu’une coïncidence avec l’annonce du deal du siècle.
Lors d’une conversation téléphonique qui suivit l’annonce du plan, le roi a parlé avec Mahmoud Abbas et lui a intimé le conseil de discuter avec les Israéliens et les Américains mais de ne pas accepter le plan. Il lui a redit à cette occasion son : « steadfast » soutien.
Le Roi Salman affirme donc soutenir la Palestine : « This in order to advance the peace process and arrive at an agreement that will actualize the brother Palestinian people’s legitimate rights. » supports « their options and what achieves their hopes and aspirations. »12
Lors de sa conversation téléphonique le Roi a ainsi dit : « to stress to him the Kingdom’s steadfast position vis-à-vis the Palestinian cause and the rights of the Palestinian people. » The king reportedly added: « The Kingdom stands alongside the Palestinian people and supports its choices and what[ever] will actualize its hopes and aspirations. »13
Le mot important étant bien entendu « whatever. »
Même Adel Jubeir, pourtant ami indéfectible des USA et proche de Netanyahu a déclaré : « Avant de commenter le plan, j’aimerais en voir les détails. Notre position est claire : nous voulons une solution à deux Etats dont un palestinien dans les frontières de 1967. »14
Il faisait explicitement référence au plan de 2002 que les Israéliens n’avaient finalement pas accepté et que Sissi, Président de l’Égypte, a dernièrement recommandé à Israël de réexaminer. Si le ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite affirme apprécier à sa juste valeur les efforts des États-Unis le Roi Salman réaffirme son soutien « inébranlable » aux droits des Palestiniens.
Citons cependant cet intellectuel saoudien comme partisan d’une opinion divergente qui n’a pu écrire cette opinion contraire sur le deal qu’avec le soutien de certaines autorités saoudiennes. Sans toutefois refléter la position officielle, il représente un courant de pensée. Turki Al-Hamad a ainsi tweeté: « The Palestinians are making a big mistake by not agreeing to the American peace plan. I mean, what’s the alternative? The Palestinians have missed numerous opportunities because of slogans that led [them] astray and strategies of « all-or-nothing. » The end result was nil: continued occupation, loss of Jerusalem, erosion of large parts of the West Bank, and an internal Palestinian struggle harsher than the conflict with Israel. »
« Previous opportunities were better than this one, but the[ir] answer was always no. This was when the Palestinian issue was known to all and headed the global agenda. Today, the Palestinian issue has been cast into oblivion, and the Palestinians have no other alternative – unless the chaos of Hamas and the Palestinian Islamic Jihad or the powerlessness of the PLO can be considered options. »
« Politics is the art of the possible, and what is possible today is the proposed American plan. Should [the deal] be rejected, the alternative will be the continued erosion of the West Bank territories. Then the Palestinians will say « If only we had agreed » – just like with the previous plans. »15
Rajoutons également les propos tenus par un porte-parole du ministère des affaires étrangères saoudien qui est très circonspect : « The Kingdom appreciates the efforts made by the Trump administration to develop a comprehensive peace plan between the Palestinian and Israeli sides and encourages the initiation and direct negotiations of peace between the Palestinian and Israeli sides, » « The official Saudi position on the Deal of the Century presented by U.S. President Donald Trump this week was one of qualified support for the initiative. »16
Léo Keller
Directeur du blog de géopolitique Blogazoi
Professeur à Kedge Business School
- Raymond Aron 22 juin 1949 in carnets de la guerre froide ↩
- Henry Kissinger in Les Chemins de la Paix ↩
- Jerusalem Post 28 aout 2013. ↩
- Times of Israël 28/1/2020. ↩
- In Haaretz 02/02/2020 ↩
- Voice of america 28/01/2020 ↩
- Figaro du 29 janvier ↩
- Sheikh Ahmed al-Tayeb in Brookings 29 January ↩
- Times of Israël 29 Janvier ↩
- Tamir Pardo in Haaretz 07/02/2020 ↩
- Project Syndicate Interview Prince El Hassan bin Tal 04/02/2020 ↩
- Al Arabiya Wednesday, 29 January 2020 ↩
- Al Arabiya Wednesday, 29 January 2020 ↩
- Figaro du 29 janvier 2020 ↩
- Twitter.com/TurkiHAlhamad1, January 29, 2020. ↩
- Al Arabiya Wednesday, 29 January 2020 ↩