Dans cette tribune,Tom Benoit, philosophe, essayiste et directeur de la rédaction de Géostratégie magazine, propose trois axes pour relancer l’économie libérale : supprimer l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les patrimoines dont la valeur est inférieure à vingt millions d’euros ; alléger considérablement la taxation et l’imposition de l’intégralité des sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à vingt millions d’euros, ramener les dépenses publiques en dessous de 40 % du PIB.
Supprimer l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les patrimoines dont la valeur est inférieure à vingt millions d’euros
La facilité d’endettement qui fut la conséquence logique de l’acte de création monétaire conduit par la Banque centrale européenne, dont la politique a majoritairement été expansive depuis 1999, plus de multiples autres facteurs, a contribué à favoriser l’investissement immobilier, et de facto, l’envolée des prix du marché concerné.
Aujourd’hui, la valeur d’un patrimoine immobilier, même lorsque celui-ci est exploité à la location, n’est donc pas un indicateur précis de la richesse financière d’un foyer.
Les dirigeants politiques doivent tenir compte des éléments conjoncturels ; déployer une vision à cinquante ans, en observant les changements qui ont eu lieu lors des cinquante dernières années.
L’impôt sur la fortune immobilière est dû par les personnes dont la valeur du patrimoine immobilier est supérieure à 1,3 million d’euros. Chaque année, environ cent cinquante mille foyers s’en acquittent, généralement au détriment d’une épargne potentiellement disponible pour être investie en vue d’accroître une activité libérale et productive, ou pour être dépensée à des fins personnelles – ce qui, d’ordinaire, stimule l’injection de liquidité dans l’économie réelle.
Quels que soient les dirigeants politiques aux commandes ou les gouvernements en fonction, l’argent de l’épargne n’est jamais aussi pertinemment utilisé et justement économisé que lorsqu’il est détenu par des concitoyens évoluant dans un État libéral.
La coopération volontaire entre humains, la séduction, la conviction, la concurrence et l’engagement sont des agissements essentiels à l’organisation d’une société au sein de laquelle la monnaie sert d’unité de mesure de la richesse matérielle et énergétique.
Il est donc envisageable qu’un système libéral comprenne des mesures sociales, mais pour autant, il est usuellement mortifère qu’un système socialiste définisse le champ d’action du libéralisme ; je pourrais dire autrement, qu’un système socialiste ne doit pas déterminer les actions animant l’économie libérale.
Si la taxation de la richesse favorisait la prospérité d’une nation, la 7ème puissance économique qu’est la France n’aurait alors pas à supporter les difficultés d’un État dont les trois mille milliards de dette ne suffisent pas à alimenter l’intégralité des dépenses publiques. L’intensification de l’acte d’endettement fait référence à des choix politiques. Dans un registre semblable, mais sous un angle davantage positif, ce sont également les décisions politiques, lorsque celles-ci conduisent à permettre l’investissement productif, qui conduiront à l’expansion économique de la France.
N’attendons pas de n’avoir d’autre choix que de laisser d’éventuels prêteurs étrangers se transformer en investisseurs venant se payer sur la bête, pour conclure qu’il est en réalité élémentaire d’instaurer une dynamique souveraine entraînant une réindustrialisation française de notre pays.
Durant la période de trouble sans précédent que le système obligataire occidental rencontre, il est essentiel de considérer la souveraineté industrielle comme un rempart inaliénable protégeant la nation de ses créditeurs.
Sachant que la dette cesse de rouler sans avoir préalablement ralenti sa course, il conviendrait par ailleurs aujourd’hui de quantifier clairement les axes sur lesquels repose la solvabilité de la France.
À l’instar de nombreux prélèvements iniques, l’impôt sur la fortune immobilière, dont la somme totale étant annuellement récoltée s’élève à un peu plus d’un milliard et demi d’euros, accentue l’atrophie de l’appareil productif français. En sanctionnant la stabilité patrimoniale et le stock d’épargne des Français, nous cultivons un terrain propice à l’affaiblissement de la capacité industrielle du pays.
Si elle était appliquée, ma recommandation consistant à supprimer l’Impôt sur la fortune immobilière, lorsque les patrimoines n’excèdent pas une valeur globale de vingt millions d’euros, aurait pour conséquences vertueuses, entre autres, de générer des flux supplémentaires dans les économies locales, ou encore d’améliorer la capacité d’entretien des biens immobiliers.
En sachant que pour les patrimoines immobiliers dont il est question, les frais de succession s’élèvent à environ 40 % de la valeur des biens, la modification de l’Impôt sur la fortune immobilière permettrait d’instaurer une trêve de taxation, venant alors marquer la pleine jouissance de la propriété.
Alléger considérablement la taxation et l’imposition de l’intégralité des sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à vingt millions d’euros
Il convient en préambule de rappeler ici la distinction parfaitement élémentaire différenciant l’économie de la finance.
L’économie est intrinsèquement liée à la richesse matérielle, donc, à l’exploitation des ressources naturelles et de l’énergie humaine, ainsi qu’au partage de la valeur. Ce que j’appelle ici le partage, représente l’ordre permettant de définir ce qui revient de droit, et non une quelconque redistribution.
La finance comprend l’intégralité des codes servant à structurer et faire évoluer les richesses pécuniaires. Les banques de dépôt se situent au premier niveau des organismes financiers. Celles-ci, lorsqu’elles n’exercent qu’un rôle d’organisme bancaire de dépôt, incarnent alors une institution disposant de l’accréditation requise pour matérialiser en ressources numéraires les résultats de l’économie.
Aujourd’hui, le système financier – bien que les noms des institutions qui l’encadrent, du FMI au Banques centrales, n’aient pas beaucoup changé – ne ressemble plus dans son ensemble à l’organisation financière mondiale apparue après la Seconde Guerre mondiale ; l’étalon-or n’est plus, le FMI, dont la vocation principale était de contrôler le taux de change fixe du régime doit désormais œuvrer avec un système à change flottant, et l’Europe, dont chacun des Etats a conservé le privilège de disposer d’une politique économique indépendante, est à présent régie par une monnaie commune… La liste des choses qui ont changé et des marques causées par le temps qui a passé serait interminable à énoncer.
Toujours est-il que de nos jours, en pratique, seule une infime partie des opérations financières est en lien étroit avec l’économie réelle.
La capitalisation boursière a rendu possible des calculs qui font évoluer dans deux paradigmes très éloignés l’un de l’autre, les sociétés qui génèrent l’essentiel de leur valeur sur un territoire purement économique, et les sociétés dont la valeur est principalement financière.
Une digression visant à définir précisément le seuil de la seconde catégorie n’est pas ici nécessaire ; celui-ci, ne dépendant pas seulement de raisonnements quantitatifs, est complexe à déterminer.
Prenant en compte ces considérations, comme je l’ai suggéré en direct sur TV5Monde à Monsieur Bruno Le Maire lors de notre échange du jeudi 4 mai dernier, il me paraîtrait opportun que le ministère de l’Économie et des Finances qu’il représente travaille à l’élaboration d’un allègement considérable des prélèvements pour l’intégralité des sociétés dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas vingt millions d’euros.
Ceci aurait pour conséquence de favoriser l’emploi, l’investissement productif, les dépenses personnelles, et ainsi, permettrait de juguler les politiques d’assistanat qui paraissent être devenues l’apanage de la France.
Plus de la moitié des Français sont éligibles aux logements sociaux. Plutôt que d’en conclure qu’il peut être judicieux d’amender les communes qui ne semblent pas disposées à faire construire leur part des HLM dont la France manquerait, il me paraît préférable de déduire qu’il est aujourd’hui indispensable d’adapter d’une façon inédite la politique d’imposition afin de permettre aux entreprises de revaloriser les salaires, d’embaucher davantage, et donc de permettre également aux concitoyens d’injecter dans l’économie réelle une quantité de liquidité qu’ils auront préalablement gagnée en travaillant.
Ramener les dépenses publiques en dessous de 40 % du PIB
Au bord du précipice, les équations doivent être résolues sans recourir à trop de littérature. Les dépenses publiques françaises n’ont jamais été aussi élevées. Elles dépassent les 58 % du PIB, alors que la moyenne européenne se situe à environ 52 %.
Durant les dernières années, parmi les 1 500 milliards d’euros sensiblement dépensés annuellement, plus de 650 milliards représentaient la part des dépenses destinées aux prestations sociales. En 2021, alors que les dépenses sociales s’élevaient à 45 % des dépenses publiques, les sorties consacrées à l’investissement (FBCF) réunissaient seulement 6 % de la totalité des dépenses de l’État.
Il me semble parfois que la France souffre d’une économie à deux vitesses et d’une organisation régie par deux systèmes politiques qui sont parfaitement antagoniques ; notre économie est ouverte sur le monde, et se situe donc à la croisée des opportunités comme des risques, et paradoxalement, celle-ci est étouffée par des diktats socialistes. Je précise ici que le socialisme et le libéralisme puisent chacun leur noblesse dans les démarches républicaines. Une partie des réformes menées par le premier gouvernement Pierre Mauroy relevait du socialisme gracieux, et non de la démagogie ; les politiques libérales conduites par de Gaulle, ou ensuite par Giscard d’Estaing, étaient écologiques, productives et fonctionnelles. C’est ce type de trajectoire qu’il convient de viser afin de faire de la France la puissance qu’elle est en capacité d’incarner.
Les pays d’Asie et du Moyen-Orient, mais aussi les USA, dont il ne faut pas sous-estimer la puissance parce que leur hégémonie vacille, domineront probablement l’économie mondiale grâce à des politiques incitatives.
J’entends par là que la France, et plus largement l’Union européenne, doivent adapter leurs structures pour favoriser l’investissement productif à l’intérieur de leurs frontières.
C’est la valeur intellectuelle d’un peuple, sa santé générale, la prospérité de l’économie d’un pays, ou encore la pleine capacité d’entreprendre, qui constituent la réserve de puissance d’une nation ; pas le montant des dépenses sociales ou la capacité d’endettement ponctuelle, fragile et démesurée. Trop souvent depuis plusieurs décennies, nos politiques ont amalgamé la nécessité sociale avec ce qu’ils ont disposé au rang de l’ambition.
Les repas gratuits n’existent pas. Milton Friedman l’a dit, et au fond, chacun le sait. L’écart qui s’est formé entre les 18 % du PIB que la France dépensait en 1973 pour les prestations sociales et les 31 % qu’elle y consacre aujourd’hui est bel et bien financé ; de force, pas de gré. Inutile de songer que ces dépenses pourraient correspondre à une catégorie moderne d’investissement sur la population. La moyenne des dépenses sociales de l’ensemble des pays de l’OCDE s’élève à 21 % du PIB contre 31 % pour la France.
Plutôt que de s’inspirer de politiques de pays qui se dirigent vers un inéluctable déclassement, nous devons, en France, réagir en fonction des nouvelles façons de manier l’économie ; celles-ci seront de plus en plus directes, avec un regain de corrélation entre valeur numéraire fiable et actif utile et concret.
D’autre part, nous devons analyser les méthodes qui, au cours du passé, ont été déployées par les États ayant rencontré des situations semblables à celles que nous connaissons actuellement. Il est intéressant d’observer que la Suède, qui faisait face au début des années 1990 à une notable instabilité bancaire, avait considérablement réformé son administration et ses systèmes de protection sociale en accordant une priorité à la recherche et à l’éducation au détriment des systèmes d’assistanat.
Je note ici qu’au plus fort de cette période de crise, la Suède avait une dette publique s’élevant à 71 % de son PIB. Aujourd’hui, nous concernant, la dette publique dépasse les 113 % du PIB français.
Par Tom Benoit
Philosophe, essayiste
Directeur de la rédaction de Géostratégie magazine