La succession des crises récentes nous a fait ouvrir les yeux sur l’importance d’un tissu industriel fort. Avec la crise de la Covid et la guerre en Ukraine, s’impose désormais une évidente volonté de réindustrialiser notre pays. Mais, pour réussir cette réindustrialisation et ces relocalisations, nous avons plus que jamais besoin de la logistique ; maillon essentiel de notre circuit marchand, mais avant tout organe vital pour le fonctionnement de notre société, des entreprises et des territoires. Pour pouvoir produire, nos entreprises ont besoin de stock. Et pour stocker, elles ont besoin d’immobilier logistique.
Aujourd’hui en France, la logistique représente 10 % du PIB national, 200 Md€ de chiffre d’affaires, 150 000 entreprises et 1,8 million d’emplois. Elle est une articulation fine entre les différents modes de transport de marchandises (route, fluvial, rail) et les infrastructures immobilières spécifiques et nécessaires à son bon fonctionnement.
Et pourtant, notre secteur souffre de nombreux préjugés. Quand on évoque l’immobilier logistique, nos concitoyens pensent souvent « e-commerce » et « entrepôts XXL ». Mais cette activité ne représente que 15 % de l’activité logistique en France.
Et l’entrepôt d’hier n’a plus grand-chose à voir avec les plateformes logistiques d’aujourd’hui.
Depuis longtemps chez Prologis, nous sommes acteurs et partie prenante d’une logistique toujours plus responsable. La filière française de l’immobilier logistique pousse toujours plus loin l’optimisation de la performance de ses bâtiments et son engagement écologique. J’en veux pour preuve la signature de la Charte d’Engagements Réciproques entre les acteurs de l’immobilier logistique et l’État l’année passée, ou encore la livraison pour Monoprix du premier entrepôt certifié carbone neutre au monde, un site exemplaire à bien des égards. Notre secteur est en pleine transition et innove en permanence : réduction des émissions de CO2, préservation de la biodiversité, mais également automatisation, digitalisation, etc. Nous travaillons sur la réhabilitation de friches industrielles, des projets souvent complexes mais qui offrent une seconde vie économique, sociale et environnementale à des sites abandonnés ou sous-utilisés. Par ailleurs, notre groupe s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040 sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.
La France dispose de nombreux avantages. Avec ses quatre grandes portes internationales (Le Havre, Dunkerque, Marseille, Roissy-CDG) et ses trois axes logistiques stratégiques majeurs (Méditerranée
Rhône-Saône, Seine et Nord), notre pays bénéficie d’une position privilégiée sur le continent. En outre, son marché intérieur, ses infrastructures et sa capacité d’innovation en font un pays aux multiples atouts.
Et si l’on souhaite vraiment réindustrialiser, il faut encore renforcer l’outil logistique. Et pour bien fonctionner, notre secteur a notamment besoin de foncier. Chiffre d’importance, chaque année en France seulement 1 % des terres artificialisées sont le fait de la construction d’entrepôts. Notre secteur se heurte à un double problème : nous sommes confrontés à une pénurie d’offres de surface et à un empilement de contraintes réglementaires.
Ainsi, en moyenne, il faut entre cinq et dix ans pour parvenir à la création d’une plateforme logistique. Nous faisons face à un millefeuille de règles qui parfois même se contrarient ‒ notamment les lois sur l’artificialisation des sols et celles liées à la protection des espèces.
Surtout, ces règles évoluent sans cesse et mettent en péril la viabilité de nos projets et donc de nos investissements, qui se font, par nature, sur le long terme.
Un autre chiffre intéressant : pour obtenir une autorisation administrative nous devons patienter en moyenne dix-sept mois dans l’Hexagone, alors qu’outre-Rhin, c’est en quatre mois seulement que la décision est prise d’autoriser ou non la création d’un entrepôt. Comment rester attractif et compétitif dans ces conditions ? J’appelle évidemment de mes vœux une meilleure coordination entre les différents services de l’État afin de permettre de débloquer des situations souvent verrouillées depuis des années.
Je propose deux mesures concrètes à l’efficacité immédiate : d’une part, les collectivités doivent clairement identifier des sites qui seront réservés à la logistique afin qu’il ne soit plus possible de remettre en question la création d’un entrepôt, fût-ce des années plus tard. Ensuite, je recommande la généralisation des contrats d’implantation mis en place dans la Région Hauts-de-France. Ce dispositif est établi entre l’entreprise, le préfet, le président de région et le président de la communauté d’agglomération et permet de fixer des délais clairs pour l’obtention des différentes autorisations administratives.
Si nous voulons que les entreprises françaises et étrangères poursuivent leurs investissements sur notre territoire, il faut offrir plus de visibilité sur les délais d’autorisation et une sécurité juridique pérenne.
Prologis est un groupe mondial. Nous opérons dans treize pays d’Europe. Je constate chaque jour que nos équipes en Allemagne ou en Espagne développent de nouveaux projets ‒ donc de l’activité économique et des emplois ‒ bien plus vite que nous. Mais la rapidité ne signifie pas de passer outre la protection des espèces et de l’environnement. Nos voisins allemands ont des règles aussi strictes et sérieuses que nous en la matière. Si nous n’agissons pas rapidement sur les contraintes administratives, les délais de traitement et la visibilité réglementaire, ces projets industriels s’implanteront chez nos voisins européens. Et ce seront autant d’emplois non-pourvus chez nous.
Nous sommes et serons toujours les serviteurs d’une France industrielle forte, et nous sommes prêts à relever ce défi ensemble et maintenant
Cécile Tricault
Directrice Générale
Prologis Europe du Sud