L’annonce du nouveau gouvernement est tombée ce lundi 6 juillet 2020. Maxime Thiébaut nous livre avec esprit une description détaillée de ce gouvernement qui suscite controverses.
Le microcosme s’attendait à un gouvernement Castex. C’est un gouvernement réflexe qui fut annoncé.
Le réflexe de dégager les nuisibles, de changer quelques fusibles et de terminer les réformes en pleine forme.
La forme, Édouard Philippe ne l’avait plus. Après les Gilets Jaunes et la crise sanitaire, l’heure de rentrer au vestiaire avait sonné. Il ne tarda pas à enfiler ses tongs de manchettes et à prendre la poudre d’escampette direction Le Havre. Un havre de paix pour celui qui, loin de prendre sa retraite, quitte Paris avec un capital sympathie.
Les oracles de la Pythie sont en effet mauvais, et les volontés de Bercy restent inchangées. La crise sanitaire sera remplacée par une grave crise économique et sociale que l’austérité présagée ne fera qu’accentuer. La réforme des retraites doit passer. L’Élysée refuse de changer de ligne. Pour se faire, il faut défaire et refaire : sont promus en première ligne les plus fidèles !
Gabriel Attal, pourvu d’intelligence, remplace Sibeth Ndiyae devenue engeance. Gérald Darmanin, promu à l’Intérieur ? Une évidence vue de l’extérieur. La droite dite républicaine doit rester dans le corner en 2022. Et 22, v’là les flics chaque nuit, qui devraient rentrer dans le rang avec l’héritier de Nicolas Sarkozy à la place de Christophe Castaner, le collectionneur d’erreurs. Peu importe ce qu’en pense Jean-Michel Blanquer, Beauvau ira au jeunot pour éviter, encore quelques temps, de célébrer son mariage avec Xavier Bertrand.
Jean-Yves Le Drian, l’un des rares brillant, est promu premier de l’ordre protocolaire. Sébastien Lecornu, resté inconnu, prend le large après avoir tenu les maires sans leur déplaire. Bruno Lemaire reste à ce qu’il sait faire : le renouveau n’aura pas lieu pour celui qui se voyait à Matignon. La sentence est plus terrible pour Nicole Belloubet qui, ne sentant pas le vent du boulet, fut étonnée de ne pas être renouvelée. Barbara Pompili arrive à l’écologie, signe une rime et assure du vert. Élisabeth Borne, en digne polytechnicienne, devrait faire sienne de la réforme des retraites, sauf si le Premier ministre décide de la porter pour la régler d’une traite.
Pour le reste, quelques ajustements ne font en rien un vrai changement : un jeu de chaises musicales n’impacte jamais le maître de la musique. Face à ce constat, et pour ne pas perdre la face, l’Élysée dut trouver de nouveaux ministres prêts à faire les grands titres.
Quoi de mieux qu’un ténor du barreau pour agiter les journalistes ? Éric Dupond-Moretti à la Justice, c’est une blague de comptoir qui se réalise. Elle étonne, elle détonne. Elle fait couler beaucoup d’encre. Chacun y allant de son commentaire. Mais une réalité est indéniable : sa robe a protégé plus d’un client, appréciable ou détestable. Qu’importe, le rôle de l’avocat n’est pas de juger. C’est de défendre. Il n’est fidèle qu’à son serment : exercer avec dignité, conscience, indépendance, honnêteté et humanité. Ce n’est qu’à son regard qu’il peut être critiqué.
La robe d’Éric Dupond-Moretti fait partie des meilleures. Mais que donnera-t-elle au service de tous les Français ? Nul ne le sait. Le cordonnier étant souvent le moins bien chaussé, il lui faudra faire preuve de grande habilité pour éviter les croche-pieds des syndicats de la magistrature. Il est certainement le mieux placé pour garder les Sceaux et réformer une Institution aussi belle qu’abîmée ; abîmée notamment par un mur qui porte bien le nom de ses auteurs. Espérons qu’il n’oubliera pas ses anciens confrères qui, attachés comme lui aux droits de la défense, préféreraient être au prétoire plutôt qu’à manifester leur désespoir.
Le défi est grand mais les moyens sont insignifiants. C’est donc à Bercy qu’il lui faudra plaider. Sa gouaille devrait l’aider, tout comme celle de Roselyne Bachelot. Dans ce pays où la médiatisation pèse davantage que l’élection, espérons qu’elle fera mieux que Franck Riester. Lui qui n’a pas imprimé à la Jack Lang le cœur des Français est relégué à d’autres tâches.
Des tâches qui, comme tout portefeuille ministériel, suivront les objectifs fixés par un seul homme : le chef de l’État.
Sous la Vème République, Matignon est une institution à force politique variable.
Après le paroxysme de la cohabitation instauré par François Mitterrand, se présente à nous celui de la dissolution décidé par Emmanuel Macron. Il n’en demeure pas moins que, gouvernement Castex ou non, nous resterons toujours perplexes tant que le Président de la République ne fera qu’appliquer les télex de Bruxelles.
Maxime Thiébaut
Docteur en droit – Élève-avocat