Une commission d’enquête parlementaire sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, présidée par le député R. Schellenberger (LR), a œuvré pendant 6 mois et auditionné près de 100 personnalités dont, fait rare, deux anciens présidents de la République, MM Sarkozy et Hollande. Elle a déposé son rapport le 6 avril dernier. Il est alarmant et accablant car il dresse une longue liste d’erreurs stratégiques, d’occasions manquées et de choix hasardeux. La lecture et l’interprétation de celui-ci révèlent que la faute en incombe principalement aux politiques qui sont en ce domaine « en charge de l’essentiel ». Et, au premier chef, ce sont les présidents de la République. F. Mitterrand, en pleine cohabitation, avait affirmé : « la dissuasion nucléaire, c’est moi ». Renchérissant sur lui, on doit dire qu’il en est de même en matière de politique nucléaire. Pour trois de ses successeurs, c’est une véritable gabegie qui a fait loi…
Un peu d’histoire d’abord. Il s’avère que c’est le général de Gaulle qui a décidé de doter la France, dès 1958, du nucléaire civile et militaire. C’était « le prix du rang et de l’indépendance » avait-il l’habitude de répéter. Jusqu’à J. Chirac, ses successeurs vont suivre la voie. Et pendant quarante ans, ce sont des technologies américaines, le pragmatisme d’EDF et le volontarisme des gouvernements qui ont fait le succès du nucléaire français.
Au début décembre 1973 au petit matin, le téléphone sonne chez Marcel Boiteux, le directeur général d’EDF. Au bout du fil, le secrétaire général de l’énergie au ministère de l’Industrie, Jean Couture. « Quel est le nombre maximal de tranches nucléaires qu’EDF et ses fournisseurs seraient capables d’engager chaque année, si un programme pluriannuel ambitieux était décidé par le gouvernement ? », lui demande-t-il, en concluant : « Réponse avant midi. » Marcel Boiteux consulte son industriel, Framatome, puis répond : « Pas plus de six ou sept. » Jean Couture rappelle quelques jours plus tard : « Attendez-vous à ce que le programme gouvernemental soit de cet ordre-là. Informez le conseil d’administration d’EDF. Commencez à vous organiser discrètement. »
Ainsi était lancé, avec la bénédiction du président Pompidou, en quelques échanges téléphoniques le plus grand programme d’investissement nucléaire civil jamais conçu au monde.
C’est ce que remémore Jean Bergougnoux, ancien directeur général d’EDF, dans un hommage rendu à Marcel Boiteux en juin 2022 à l’occasion des 100 ans du plus célèbre patron d’EDF, resté vingt ans aux commandes de l’entreprise (Le Monde, 21/12/2022).
Le conflit en Ukraine aura au moins eu un avantage, révélé au grand jour (on avait quelques doutes quand même) que nous étions devenus un pays fragile et surtout dépendant en matière énergétique. Un des rapporteurs de la Commission (Renaissance, parti présidentiel) Antoine Armand a précisé sans ambages que l’enquête était le « récit d’une lente dérive, d’une divagation, politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique ». Et le député de rajouter : « Souvent nous sommes passés de l’incompréhension à la surprise, jusqu’à la consternation ». Pour un macroniste, ça ne manque pas de sel !…
Il y a dans le constat que fait cet élu le nœud gordien, selon nous, du problème. Comme une antinomie majeure. La fameuse transition énergétique et la souveraineté énergétique. C’est au nom de la première que le premier président fossoyeur a ruiné la seconde. Nous nommons F. Hollande qui fut bien terne et peu convaincant devant la commission. Que n’aurait-il pas fait pour que les écolos lui accordent leurs bonnes grâces ? En matière énergétique il leur a presque tout concédé : fermeture de la centrale de Fessenheim (tous les experts dignes de ce nom opinent que c’est une erreur), réacteurs à l’arrêt, projet de baisser la part de nucléaire dans le mix énergétique par exemple. On peut accuser F. Hollande d’avoir cédé au lobby écolo. Même M. Valls l’a reconnu voici peu. Et, en guise de remerciement, ce même lobby ne lui a absolument pas permis de se présenter à l’élection présidentielle…. De son côté son prédécesseur, N. Sarkozy, avait souvent cédé au lobby nucléaire. Bilan ? L’indépendance énergétique de la France gravement remise en cause.
Le rapport précise qu’à la vérité, la dernière année durant laquelle la France a connu une production électrique substantielle fut 2005 avec 452 térawattheures. Par la suite une loi votée en 2006 sous J. Chirac, a prévu une maintenance annuelle et une plus importante tous les 10 ans. Depuis lors la production électrique nationale a stagné puis décliné dès 2015 avec la baisse progressive de la production nucléaire (décidée par F.Hollande). A partir de 2017 c’est une politique totalement erratique (c’est devenu sa marque de fabrique) qu’a impulsé E. Macron. D’abord, là encore sous influence des écolos devenus pour certaines de véritables talibans, il annonce en 2018 la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035. Fessenheim puis d’autres plus anciennes sont dans le viseur. Quant à l’EPR de Flamanville c’est toujours l’arlésienne. Ce jeune président annonce aussi un triplement de l’éolien terrestre et multiplication par cinq du photovoltaïque. On en est loin aujourd’hui. Quant aux minis-EPR, voire les SMR, on les attend toujours. Bilan chiffré ? Pour 2022, comme le souligne le rapport, on est tombé à 279 térawattheures (Le Monde, 7/04/2022).
Le rapport souligne d’abord un manque d’anticipation et une sous-estimation des besoins des pouvoirs publics. Nous sommes restés trop longtemps sur le tout électrique.
On tablait gentiment sur un mix électrique (nucléaire /électrique). Or dès les années 2000, la droite comme la gauche, ont négligé l’enjeu de la sortie des énergies fossiles (pétrole, gaz). Il se trouve pourtant que la France avait pour 2022 87 % d’électricité décarbonée. En effet l’électricité produite par EDF est très majoritairement sans émission de CO, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. En 2022, les émissions spécifiques de carbone d’EDF en France s’établissaient à 20 g/kWh (contre 16 g/kWh en 2021), soit 14 fois moins que la moyenne européenne du secteur.
Le rapport pointe une troisième faute majeure des pouvoirs publics : ne pas avoir suffisamment anticipé et accompagné la prolongation des centrales ainsi que leur renouvellement.
Or des échéances étaient connues depuis le début. En d’autres termes une centrale, comme tout mécanisme, a fortiori de pointe, est voué à une obsolescence à plus ou moins long terme. Il y a eu un défaut d’entretien (ou un mauvais entretien) cela semble évident. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre.
Le rapport pointe une quatrième faute : ne pas avoir engagé notre pays dans les filières industrielles du renouvelable.
Et le rapport de constater que la France a laissé la main à d’autres pays notamment la Chine. Au risque de devenir dépendante de divers minerais et métaux stratégiques indispensables à la transition énergétique : cuivre pour les câbles, nickel pour les batteries, silicium pour les panneaux solaires (Le Monde, ibid). On en mesure les conséquences accrues avec le conflit en Ukraine.
Il est essentiel de souligner que la commission d’enquête a travaillé alors qu’EDF connaissait les pires résultats de son histoire. Deux chiffres : dette 2017 33 milliards d’euros, dette 2022 64,5 milliards. Et dans le même temps la France a dû importer de l’électricité pour passer l’hiver au chaud. D’autant qu’un été très sec avait ralenti l’hydroélectrique (autre pilier habituel de notre industrie). Corollaire : la facture énergétique française s’est envolée (115 milliards pour 2022). Avec à peine plus de la moitié de notre parc de centrales nucléaires en action, on aurait évité cela.
Le rapport n’a pas manqué de souligner aussi le rôle nuisible de l’UE dans notre gestion de l’électricité.
Un certain nombre d’ex PDG d’EDF ont critiqué le rôle de l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique). Sur instruction de la Commission européenne, ce dispositif a été mis en place en 2011 sous la présidence de N. Sarkozy pour permettre à des entreprises concurrentes de se développer en faisant perdre des parts de marché au monopole public d’EDF. Tant que les cours étaient bas, il n’y avait aucun problème. Dès qu’ils sont montés, ce mécanisme a fragilisé EDF obligée même de racheter une part de sa production. Il n’y a que les technocrates européens pour penser des mécanismes de ce type…. Dès lors le rapport préconise de suspendre l’ARENH dans l’attente d’une refonte du marché européen de l’électricité. Cette dernière semble devenue indispensable. M. Macron à vous de jouer. En voilà une réforme qui ne vous exposerait à aucune contestation sociale. Bien au contraire !
Le rapport va même assez loin qui dénonce « un cadre européen néfaste ». Il exhorte même la France à « cesser de subir des règles économiques qui fragilisent son industrie au mépris du principe de subsidiarité » (Le Monde, ibid). D’où il est, le regretté Philippe Séguin, pourfendeur de ce funeste Traité de Maastricht, regrette d’avoir eu raison 30 ans trop tôt !…. C’est à présent qu’en la matière on paye l’addition….
Le rapport procède ensuite à une analyse intéressante, bien qu’accablante pour certains, sur les présidents de la République et le nucléaire (civil). Mais le rapport étant lacunaire sur le sujet, nous nous permettrons de le compléter. Il s’avère que depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et notamment les nationalisations, l’énergie a été un sujet régalien par excellence. On l’a dit plus haut le général de Gaulle a été le pionnier qui a procédé à de grands choix stratégiques autour du nucléaire. Civil avec la construction des premières centrales mais aussi et même surtout militaire. « Le général de Gaulle et la souveraineté nucléaire », ce titre est particulièrement bien choisi (M. Vaisse, in Résistance et Dissuasion, ouvrage collectif, O. Jacob, 2018). En effet, on a là, avec de Gaulle, et plus que chez tout autre après lui, la convergence d’une conception politique et d’un environnement stratégique. Pour le Général, les mots ont un sens, en particulier le mot « souveraineté ». Cette notion juridique, pour lui, a une traduction politique : c’est l’indépendance nationale, condition sine qua non pour exister sur la scène internationale. La formulation diplomatique en est « la nation aux mains libres ». Bref, de Gaulle veut que la France fasse ce qu’elle a décidé, refuse qu’elle se confonde, refuse l’inféodation à une alliance et l’intégration au sein de cette alliance. Et par conséquent il va se montrer plus qu’intransigeant sur la souveraineté nationale. Et le nucléaire, notamment militaire, va être l’alpha et l’oméga de sa politique à cet égard. “Cette puissance nucléaire comme on dit, est liée directement à l’énergie atomique elle-même, qui est comme vous le savez tous, le fond de l’activité de demain.” précise-t-il. Et l’homme du 18 juin pose donc les bases avec la nationalisation d’EDF en 1946.
Cette indépendance, de Gaulle la souhaite notamment face aux Etats-Unis. Pour donner une illustration de sa volonté, c’est tout juste investi dernier président du Conseil de la IVe République, en 1958, qu’il effectue un de ses premiers déplacements au centre nucléaire de Marcoule, dans le Gard. C’est toujours comme chef du GPRF, qu’on lui doit, le 18 octobre 1945, la création du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), sur les conseils du ministre de la Reconstruction Raoul Dautry et du physicien Frédéric Joliot (auprès duquel le général se renseigne beaucoup). Après des premières expériences concluantes, (Zoé, la première pile atomique française naît à Châtillon, près de Paris, en 1948), la recherche s’industrialise à partir de 1952 sur plusieurs sites, Saclay, en région parisienne, et Marcoule. C’est en 1963 qu’est mise en service la première centrale nucléaire à Chinon, 10 ans avant que la France ne choisisse de passer au tout nucléaire. De Gaulle l’inaugure en grands pompes.
On l’oublie mais c’est le successeur G. Pompidou qui a décidé, au début de son mandat, notamment en raison du début du choc pétrolier, le tout nucléaire énergétique pour la France. Il poussera même plus que son illustre prédécesseur Le nucléaire et l’indépendance nationale (JP Daviet in Georges Pompidou face à la mutation économique de l’Occident, par l’Association G. Pompidou, PUF, 2003).
D’ailleurs la majorité du parc nucléaire français a été mis en place entre les années 1950 et 1970.
En réponse au choc pétrolier de 1973, le président Valéry Giscard d’Estaing choisira de conforter cette filière de l’atome en confirmant la politique du « tout nucléaire » pour garantir aux entreprises et aux particuliers une électricité bon marché. Inaugurant Fessenheim en 1977 VGE estime : “La politique nucléaire est à la rencontre des deux besoins d’indépendance française, indépendance de la défense, indépendance de notre approvisionnement en énergie, on ne peut pas écarter le nucléaire. D’ailleurs les partis politiques le sentent, alors parfois ils se font plus discrets ou plus prudents pour des raisons électorales. Mais, quand ils sont obligés de prendre une position, ils prennent une position en faveur du nucléaire.” Clairvoyant le plus célèbre des présidents auvergnats !
Par la suite les successeurs vont maintenir et, plus ou moins, entretenir. F. Mitterrand, pendant sa campagne de 1981, n’est toutefois pas un grand apôtre du nucléaire.
C’est à partir des années 1980, que le mouvement antinucléaire prend de l’ampleur au niveau européen (l’impact est plus limité en France que dans d’autres pays) et que la gestion des déchets radioactifs devient un sujet central dans le discours public français.
Pour ménager l’électorat « Vert » naissant, Mitterrand déclare : “J’entends terminer les centrales en construction et je n’entends pas mettre en œuvre celles qui ne le sont pas.” Une fois à l’Elysée, comme sur beaucoup de ses promesses, il change d’avis : “Le plan que j’ai développé comme candidat et que j’entends mettre en œuvre comme président vise d’une part à maintenir un volant important du nucléaire. L’élément du nucléaire est primordial.”
Quant à Chirac il va surtout se faire remarquer en réactivant en 1995 les essais nucléaires dans le Pacifique que son prédécesseur avait fait cesser. Puis il les arrêtera un an plus tard. Sur le nucléaire civil, on peut dire que le héraut corrézien va maintenir les acquis et faire en sorte que la France préserve son avance en la matière. Mais, notamment durant son second mandat, l’entretien de certaines centrales pose problème. En 2006, durant son second mandat, le président Chirac annonça le lancement d’un prototype de réacteur nucléaire de 4e génération devant entrer en service en 2020, et la création d’une autorité chargée de veiller à la sécurité nucléaire. Il est le premier président à avoir soutenu une initiative non nucléaire. Ainsi il déclare : “L’enjeu, c’est aussi la domestication de l’énergie du Soleil d’ici à la fin du siècle”. Nous en sommes assez loin ! La France est par exemple un des plus mauvais élèves européens en matière de panneaux photovoltaïques.
De son côté, N. Sarkozy est proche, on l’a dit, des principaux décideurs du lobby nucléaire. En 2011, à la fin de son mandat (au cours duquel il s’est contenté peu ou prou de maintenir le parc), il déclare : “Ceux qui promettent le remplacement de l’énergie nucléaire par des énergies renouvelables, mentent.” On ne peut toujours pas vraiment lui donner tort ! Mais il est vrai que de tous les présidents de la Ve, N. Sarkozy est un des moins sensibles à la cause environnementale (« les écolos ça va bien » assénera-t-il). Devant la commission N. Sarkozy assumera ses choix bien plus que son successeur.
Le rapport parlementaire va faire la part belle à deux présidents : F. Hollande et E. Macron (1er mandat). Le premier ne va pas être épargné notamment devant la commission. Le rapport rappelle une de ses promesses de campagne : “Réduire la part du nucléaire est une nécessité. Je propose qu’à l’horizon 2025 nous ayons diminué de 75 % à un peu plus de 50 % la part du nucléaire.” Il est déjà sous l’influence de l’électorat écologiste et du lobby vert. Le plus grave c’est qu’il ne propose rien de sérieux comme moyen de substitution. Ah si les éoliennes !… Une fois à l’Elysée, il hérite d’un courant vert important dans sa majorité parlementaire. Alors, il n’a pas d’autre choix que d’annoncer la fermeture de celle qui est au centre de toute les attentions depuis plusieurs années. Le président Hollande annonce : “La centrale de Fessenheim sera fermée fin 2016.” Il y a une succession de ministres vert sous ce mandat qui ont des noms connus mais sans aucune expertise (ne serait-ce qu’en matière de diplôme) en matière d’écologie. Parmi eux ou elles : N. Bricq, D. Batho, P. Martin ou S. Royal. Certains ont une amnésie devant la commission. Ainsi Ségolène Royal ne se souvient pas avoir soutenu l’idée qu’il était possible de fermer tous les réacteurs en 40 ans. Nicolas Hulot ne se souvient pas avoir lu un rapport secret défense qui urgeait de construire six réacteurs avant la catastrophe. Dominique Voynet ne se souvient pas comment fonctionnait Superphénix qu’elle a fait fermer. Inouï ! F. Hollande avait érigé l’imprévision en système de présidence. Ainsi le plan de fermeture des centrales, par exemple. Ça ne reposait sur rien, aucune raison, si ce n’est un accord électoral conclu par le candidat Hollande avec les Verts en 2012. On fermera 24 réacteurs sur 58. Ça aurait pu être 20 comme 40. Il faut écouter Arnaud Montebourg, qui fut ministre du Redressement productif raconter cet accord « de coin de table ». Rien, absolument rien, n’avait été prévu, étudié. Ahurissant ! M. Valls confessera : « Ce n’était le résultat d’aucune étude d’impact ».
Dès lors face à ces personnalités assez ineptes, EDF et ses experts font de la résistance. La fermeture de la centrale est repoussée. Il sera reconnu notamment devant la commission qu’un certain nombre de décisions (mix électrique par ex) furent prises sans véritable étude préalable. Mais sous influence de sondages d’opinion de plus en plus « verts »… Mais il est vrai que la catastrophe de Fukushima (2011) est toujours dans les têtes. Il s’avère, et il est dommage que le rapport ne le mentionne que par prétérition, que l’entretien du parc nucléaire français ait été particulièrement négligé sous F. Hollande. Or certaines centrales montraient des signes d’usure. Il aurait été judicieux d’intervenir. Certaines étaient aussi mal sécurisées (intrusion par des militants de Greenpeace). Finalement, comme à peu près l’essentiel de la politique qu’il a mise en place durant son mandat, en matière nucléaire F. Hollande se manifesta surtout par des non-choix ou des choix hasardeux. Et aucune vision à long terme. Là aussi « Un quinquennat pour rien » (E. Zemmour, Albin Michel) ? La commission a relevé, parfois vertement, cette politique à tout le moins erratique de l’ancien président.
Par la suite le rapport traite d’E. Macron. Il aurait été judicieux voire honnête que ce dernier soit aussi cité quand il s’agissait de son prédécesseur. En effet en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée et a fortiori ministre (de l’Economie) il a plus ou moins été associé à tous les (mauvais) choix présidentiels en la matière. Que dit Emmanuel Macron sur le nucléaire ? Pendant son premier mandat, et sous influence du lobby vert, il se prononce d’abord sur la fermeture de quatorze réacteurs entre 2020 et 2035. “Le nucléaire nous permet aujourd’hui de bénéficier d’une énergie décarbonée et à bas coût, c’est une réalité, je n’ai pas été élu pour ma part sur un programme de sortie du nucléaire mais sur une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique.” (Discours de 2018). Mais encore une fois, pas de fin totale du nucléaire. Indispensable à la transition écologique, d’après le chef de l’Etat. Qui est né en 1977, comme Fessenheim ! Le nucléaire devient même « une chance pour la France ». Il fallait pourtant écouter les ministres de la Transition écologique de la période 2019-2022, Elisabeth Borne puis Barbara Pompili, parler du scénario RTE promouvant un mix 100 % renouvelable. Elles savaient que c’était inaccessible, mais il fallait rabattre leur caquet aux partisans du nucléaire ! (Lopinion.fr, 6/3/2023).
Mais en face le chef de l’Etat est dans l’incapacité totale de mettre une solution alternative crédible scientifiquement. C’est purement et simplement le parc nucléaire français qu’on assassine …. Au passage Fessenheim n’est toujours pas fermée (seulement au ralenti).
Et puis arrive l’opération militaire russe en Ukraine. Arrive aussi la réélection d’E. Macron. Changement de cap presque à 360 degrés. En relançant la construction de réacteurs nucléaires, Emmanuel Macron s’inscrit dans la lignée des premiers présidents de la Ve République ayant misé sur l’atome pour l’indépendance énergétique de la France. En novembre 2022, le projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs a été présenté au Conseil des ministres, dans la perspective d’un examen par les députés au début de l’année prochaine. C’est la rupture avec les Verts partis nourrir dès les législatives les rangs de la Nupes.
Également le chef de l’Etat souhaite construire six réacteurs EPR de seconde génération, et garde une option pour la mise en service de huit supplémentaires. Le président entend également développer un prototype de mini-réacteurs dits SMR d’ici à 2030. Un programme énergétique qui n’est pas sans rappeler plusieurs précédents historiques en France.
En 2019, selon EDF, l’énergie nucléaire fournissait 70 % de la production électrique du pays, faisant de la France l’un des pays les plus nucléarisés au monde. Même avec des centrales à l’arrêt pour cause d’entretien, cela nous a permis de tenir durant cet hiver 2023. N’ont-elles pas du bon nos centrales nucléaires ?… Même si elles fonctionnent pour la plupart grâce à des cours d’eau dont beaucoup se tarissent. Mais c’est une autre question !
Comme le souligne le rapport pour finir, il y a un enjeu stratégique majeur pour EDF, pour l’industrie française (qui va avoir des besoins nouveaux avec la réindustrialisation), pour les entreprises et même pour les particuliers. Il s’esquisse un « nouveau nucléaire » mais face à quelques incertitudes, le rapport recommande d’être plus prudent que durant des décennies et de mettre en place un contrôle suivi et strict des futurs réacteurs. Et puis il est quelques défis pointés par la commission et à régler assez vite : « le financement des six nouveaux EPR et la traduction de cette relance sur les futurs prix de l’électricité, la fragilité financière préoccupante d’EDF ». Également il conviendrait de vérifier notre capacité industrielle à « mener à bien et dans les délais demandés de tels chantiers » (Le Monde, ibid). Il y a eu tant d’erreurs commises sur ces trente dernières années… Le plus grave c’est qu’elles aient été commises, pour la plupart, au plus haut sommet de l’Etat. Certaines relevaient, selon nous, d’un « manquement à ses devoirs (ndlr : le président de la République) manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » (art. 68 C). En effet il en allait de l’intérêt supérieur et stratégique de l’Etat. Nous visons au premier chef F. Hollande.
« L’influence politique de l’écologie antinucléaire a investi l’appareil d’Etat à tous les niveaux… C’est un miracle qu’on ait réussi à maintenir un parc nucléaire avec une telle efficacité dans un contexte politique qui se détériore de jour en jour depuis 40 ans. » (Hervé Machenaud, ex-directeur exécutif d’EDF).
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités
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