A la veille de la prise de parole d’Emmanuel Macron, Jacky Isabello, fondateur de l’Agence Coriolink, souligne l’emballement de la parole gouvernementale à mesure que la maîtrise de la situation sanitaire s’éloigne.
Les Français n’en peuvent plus de cette crise sanitaire. A l’orthopraxie acrimonieuse de certains s’opposent de plus en plus de fêtes nocturnes démasquées prohibées par la loi et le découragement fataliste de la multitude. La palinodie, exercice rhétorique cher aux philosophes, et les atermoiements de nos dirigeants nous servent de plan de marche stratégique. Démasqués, puis sévèrement confinés. Ensuite déconfinés en posture libertarienne estivale afin de profiter de notre bel hexagone et surtout pour relancer l’économie, maintenant nous voilà menacés par des mesures locales dont le pointillisme administratif singe davantage les œuvres soviétiques de Boulgakov que l’ode à la ruralité de Bachelard. Stigmatisé en tant qu’inconscient si jeune vous êtes, interdit de petits-enfants si vous avez atteint l’âge canonique d’un « papi ou mamie » en tant que personne à risque. Le moulin à paroles gouvernemental s’emballe à mesure que la maîtrise de la situation sanitaire s’éloigne. En quelques jours, trois des têtes de l’exécutif auront asséné leurs sentencieuses adresses : après le ministre de la Santé, le Premier ministre incapable d’installer une application numérique sur son mobile et d’en retenir l’identité, viendra mercredi le temps du président de la République presque déjà chaussé des bottes du candidat en campagne pour sa réélection. Trois chefs à plumes rien que ça ? Quels objectifs, quelle cohérence, quelle efficacité ? Après avoir tout essayé sans trop de réussite, le gouvernement n’a-t-il que l’outil de la saturation langagière à offrir comme vaccin lénifiant à ses concitoyens ? « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » signalait le perroquet Laverdure dans le roman de 1959 de Raymond Queneau Zazie dans le métro. Comme Zazie, promise à une visite impossible des catacombes bruyantes de la RAPT, la France ne retrouvera-t-elle jamais son temps d’avant ?… C’était tellement mieux avant !
Faute de visiter le métro, en grève, qu’elle rêve de découvrir, Zazie arpente Paris aux rythmes d’incertaines descriptions de son oncle. Elle se voit promettre de visiter le « le tombeau véritable du vrai Napoléon » ce à quoi elle répondra de la plus célèbre des manières par cette clausule zazique qui fait épiloguer tant de philosophes : « Napoléon mon cul » ! La France à sa manière n’en peut plus d’attendre la fin de cette crise. « Covid mon cul ».
La France veut des dirigeants chargés du charisme mystique de ceux qui savent où ils vont ; plus encore si le chemin est difficile et l’issue incertaine.
A quoi servent les arrogances vociférées par de martiales déclarations à propos d’une guerre à conduire (discours de Macron le 16 mars) si c’est pour benoitement dissimuler, quelques mois plus tard, notre statut de perdant puisque notre système de santé s’affaisse, gémit de douleur et redoute la deuxième vague déjà là ! La Suède ne s’en sort pas mieux que la France d’un point de vue sanitaire et la Grande Bretagne se préparait au sang et aux larmes en 1940. Le message n’était pas rassurant mais les choses étaient dites et la population se sentait investie d’une parcelle de la confiance qui permet de faire Nation. Au lieu de cela les dirigeants français régressent leur pays à l’état de l’adolescence et les citoyens s’offusquent des déclarations infantilisantes débouchant sur un vide propre à ne rien disperser d’autre que le virus de l’anomie.
Comme Zazie, le Français en période de crise sanitaire incarne le symbole de la déception. L’incertitude pour la petite héroïne (s’agit-il du Panthéon ou de la Gare de Lyon, des Invalides ou de la Caserne de Reuilly, de la Sainte-Chapelle ou du Tribunal de Commerce), masque ou bas les masques, test ou pas test, bar ou resto, salle de sport ou métro ?
Covid : où est l’Oulipo du gouvernement
Zazie est l’œuvre de Raymond Queneau fondateur du mouvement innovant de l’Oulipo un groupe de littérature inventive et innovante qui naquit au XXe siècle. Il eut pour but de découvrir de nouvelles potentialités du langage. Selon une citation célèbre, Raymond Queneau aimait à définir de manière troublante ce mouvement qui réunit de prestigieuses plumes comme Perec : « Ce n’est pas un mouvement littéraire, ce n’est pas un séminaire scientifique, ce n’est pas de la littérature aléatoire. »
Véran, Castex et Macron s’évertuent à coudre de fils blanc une politique dont on sait ce qu’elle n’est pas. Pas efficace, pas cohérente et pas rassurante.
Or littérature et politique ne se nourrissent pas du même carburant pour susciter l’envie. Depuis sa nomination le Premier ministre n’a pas apporté de supplément de confiance. La certitude des mots prudents de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe abaissait le niveau de tension du peuple français. Rien de tel n’est offert par le gouvernement actuel. Quel dommage alors que les soutiens massifs et historiques apportés aux Français et à leurs entreprises auront sans doute sauvés l’espace hexagonal d’une vague sans précédent de dramatiques retours de la pauvreté par dizaine de millions. Or la force du politique est sa cohérence. Comme l’a dit Michel Rocard : « peu importe d’avoir raison ou tort, l’important est d’être lisible ». Un homme tant moqué pour ses phrases absconses savait mieux que quiconque ce qu’il n’arrivait que rarement à faire. Macron saura-t-il se réinventer mercredi soir et convaincre les Français par un discours solennel, énucléé de ses habituelles digressions inutiles, de la pertinence de son cap ? A quelques mois de trois élections importantes (départementales, régionales, présidentielle) il serait temps d’opter pour de l’efficacité dans la communication. Clair, concise et concrète telle que mes confrères et moi l’enseignons à nos clients !
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence de communication Coriolink