Dans son allocution du 4 octobre dernier (célébrant le 65e anniversaire de la Constitution de la Ve République), le président de la République a renouvelé sa volonté d’un nouvel acte de la décentralisation.
Depuis 1982, le processus de décentralisation n’en finit pas. Contrairement à nos voisins européens qui ont fait le choix de la stabilité en optant pour un système fondé sur la régionalisation (Allemagne, Italie, Espagne…), les actes de décentralisation dans l’hexagone se succèdent. Notre décentralisation est évolutive avec les actes I, II, III, IV… ainsi que la loi NOTRe qui a redessiné la France en 14 grandes régions. Ce choix a l’avantage de permettre de fluidifier les rapports entre l’Etat et les collectivités locales en fonction des évolutions sociétales à condition toutefois d’être bien expliqué aux citoyens qui peuvent se perdre dans ce qu’on appelle « le millefeuille territorial ».
Dans un contexte d’une société de crises plurielles et simultanées (économiques, sociales, écologiques…), l’action locale organisée par le couple mairies/intercommunalités doit être privilégiée et favorisée par le binôme Etat-Régions.
On l’a vu avec la crise de la Covid 19, et on le voit aujourd’hui avec la crise sociale et écologique. Le principe de subsidiarité est le plus efficace à condition d’aller vers une autonomie financière locale gage d’une meilleure libre administration (le maire doit avoir plus de libertés de choix en matière de logement par exemple) et d’une meilleure sécurisation de sa fonction puisqu’il est en première ligne. En ces temps de crises, le maire est le garant de la démocratie locale mais aussi d’une démocratie économique. Fait nouveau, c’est lui qui coordonne certaines réunions d’entreprises ou de commerces afin d’éviter des faillites en cascade dans son bassin d’emplois.
Du point de vue du citoyen qui doit être le bénéficiaire en dernier ressort de cette nouvelle étape de la décentralisation, il est nécessaire de procéder à une opération de clarification/apaisement de la relation Etat-collectivité locales en particulier sur ce qui concerne les dotations financières.
Celle-ci doit être simplifiée pour être mieux comprise. Pour plus de lisibilité financière de la collectivité locale, une dotation unique tant en investissement qu’en financement devrait être privilégiée. De même, en 2022 et 2023, les hausses de la taxe foncière par plus de 4 000 communes en France en parallèle de la suppression de la taxe d’habitation par l’Etat ne sont pas comprises par les citoyens à tel point que le président de la République a dû se transformer lui-même en ministre de l’Intérieur et des Comptes publics pour en expliquer les contours lors de son interview télévisée de septembre 2023.
Les Régions doivent soutenir en priorité les dynamiques économiques nouvelles qui se situent désormais dans les zones d’emplois au sein des communes et des intercommunalités. Avec le principe visant à ce que le social soit de la compétence du Département et l’économie à la Région, les communes et les intercommunalités ont un guichet facilité. Et les Régions ont intérêt à favoriser les zones d’emplois existantes ainsi que développer de nouvelles zones de compétitivités avec les intercommunalités.
Enfin, face au défi de la répartition inégale des richesses et de la population qui se concentre essentiellement dans les grandes métropoles aujourd’hui surchargées (avec les problèmes de circulation, logements, écoles…) au détriment de déserts d’activités (en 2023, 1 commune sur 3 est en situation de désert médical)…, la Région doit reprendre le sujet de la cohésion voire du ré-aménagement du territoire, façon Olivier Guichard. C’est à l’échelle de la Région d’aider par des études d’impact et de politiques incitatives à ce que le territoire soit davantage harmonisé en termes de population, richesse et habitat.
Bref, pour qu’elle soit réussie, la décentralisation voulue par le président de la République ne doit pas être une succession de mesures techniques mais répondre à un projet politique redistribuant les rôles et les missions de chacun des acteurs locaux dans un contexte d’une nouvelle de crises.
Les maires, nouveaux fantassins de la République, ne doivent pas uniquement être les garants de la démocratie locale mais aussi être davantage accompagnés par les services de l’Etat et des collectivités territoriales pour éviter de se sentir trop isolés face aux nombreux défis de la société.
Didier Davitian
Président-Fondateur de D.A PARTNER (cabinet de stratégie & influence)