A l’issue d’un pilonnage intensif dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023 par la branche militaire du Hamas sur Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré « Israël est en guerre ». En réalité, le pays l’a toujours été depuis sa création, en 1948, dont a été célébré le 75ème anniversaire lors d’une visite du président Isaac Herzog à Washington au mois de juillet 2023. Incontestablement, plusieurs Etats de la région et non des moindres tels que l’Iran, veulent toujours sa destruction.
Une guerre sans fin
Les attaques contre Israël (la guerre des six jours en 1967 puis la guerre du Kippour en 1973) n’ont en réalité jamais cessé, sans compter les multiples incidents dénommés « Intifada » depuis 2000, toujours partis de la bande de Gaza dominée et gouvernée par le Hamas, organisation classée terroriste par la communauté internationale, les Etats-Unis et l’Europe.
Au fil des années, ce mouvement, qui avait déjà un fondement islamiste, s’est encore plus radicalisé. Ne nous y trompons pas : si la branche politique du Hamas, à supposer qu’elle existe vraiment et indépendamment de la branche militaire, avait voulu entamer des négociations de paix, elle l’aurait fait depuis longtemps. Un temps, le pragmatisme politique conduira à estimer qu’une tentative d’ouverture pouvait intervenir avec cette organisation qui, de fait, gère la quasi-totalité des infrastructures publiques, sociales, sportives et scolaires dans cette bande de territoire.
La radicalisation du mouvement explique le refus de Mahmut Abbas, président de l’Autorité palestinienne, d’organiser des élections au conseil national palestinien depuis 2006.
Le cycle de la violence est sans fin et augure mal d’une solution pacifique durable (voir mon article du 10 août 2023 dans la Revue politique et parlementaire https://www.revuepolitique.fr/les-conflits-israelo-arabe-et-du-sahara-occidental-une-issue-improbable/). Si Israël n’est pas à l’abri de critiques de la part de la communauté internationale dans sa gestion du conflit qui l’oppose aux autorités palestiniennes depuis Yasser Arafat jusqu’à Mahmoud Abbas, ce pays n’a jamais cherché à occuper durablement la bande de Gaza. Il a éliminé de façon ciblée les dirigeants de cette organisation terroriste qui constituaient un danger pour la sécurité d’Israël au fil des ans. Les dirigeants du Hamas ont quant à eux adopté une technique constante consistant à se cacher parmi la population civile, dans les immeubles écoles et autres infrastructures civiles, afin de ne pouvoir pas être atteints, provoquant la mort de nombreux civils lors des ripostes israéliennes.
La région encourt le risque d’un embrasement généralisé au moment où les confits se multiplient dans le monde. La circonstance que le Hamas ait publiquement annoncé que l’Iran lui avait apporté son appui politique, logistique et financier dans cette attaque terroriste, montre bien l’implication régionale et internationale de cette action qui n’avait pas été prévue par les services israéliens. La vision haineuse du Hamas n’est pas destinée seulement à Israël mais il s’agit également d’un message adressé au monde entier pour accréditer l’idée qu’il représente la « résistance palestinienne ». Il s’agit d’une haine dirigée de façon plus générale contre l’Occident, ses valeurs et la démocratie. La théocratie de Téhéran a largement aidé le Hamas et l’Iran veut toujours la destruction d’Israël. Il fournit dans le même temps une aide à l’autre organisation terroriste présente au sud Liban, le Hezbollah, qui non seulement a apporté son appui au Hamas mais a aussi revendiqué dans la foulée des tirs sur Israël.
La défaillance historique de l’Etat israélien
Cette attaque d’une violence inouïe, avec au minimum 250 Israéliens assassinés, des dizaines pris en otage et ramenés à Gaza, a été longuement préparée. Comment les services de renseignements israéliens n’ont-ils pas pu en prendre conscience ? Des anciens membres de ces services ont eux-mêmes reconnu qu’il s’agissait d’un échec patent, qui devra donner lieu à une commission d’enquête parlementaire pour savoir exactement ce qui s’est passé et expliquer cette grave défaillance. Une explication est avancée : le gouvernement de Benjamin Netanyahou, depuis que ce dernier est redevenu Premier ministre au mois de décembre 2022, est très fragilisé. Il est empêtré dans une réforme de la justice contre laquelle, tous les samedis depuis le mois de janvier 203, des dizaines de milliers de manifestants défilent dans les rues de Tel Aviv.
Cette grave crise politique et constitutionnelle a fracturé non seulement la société israélienne, mais aussi les corps de l’Etat dont certains ont été soupçonnés de faire preuve de solidarité, voire de collusion avec les manifestants, et de manquer de loyauté envers les autorités politiques.
Peut-être le gouvernement a-t-il été alerté sur un risque d’attaque terroriste alerte à laquelle celui-ci n’aurait pas, en raison de cette défiance croissante entre les corps de l’Etat, porté une attention suffisante.
Encore une fois si l’heure est à l’unité nationale en Israël, un tel dysfonctionnement de l’Etat aura sans aucun doute des conséquences politiques majeures dans la vie politique. Rappelons que la Première ministre Golda Meir avait démissionné 11 avril 1974, quelque mois après la guerre du Kippour d’octobre 1973. Elle avait été accusée de ne pas avoir compris ou utilisé comme il se devait les informations que lui avait transmises le Mossad avant l’attaque ayant permis le succès initial de l’offensive des armées arabes le 6 octobre 1973.
La riposte d’Israël : quelle ampleur ?
Aujourd’hui, la priorité pour Israël est de riposter et tenter de restaurer sa crédibilité. Il n’est en effet plus tolérable de savoir qu’une organisation terroriste a, depuis des années, œuvré pour la destruction du pays.
L’espoir d’entamer des négocions avec une branche politique soi-disant plus pragmatique et modérée est définitivement révolue et tant que le Hamas n’aura pas été détruit, aucune perspective de paix durable ne pourra être ne serait-ce qu’envisagée.
Il appartient à la communauté internationale de trouver des solutions en urgence à ce conflit qui dure maintenant depuis trop longtemps. Outre l’ONU qui reste hélas largement impuissante, le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Maroc ont demandé une réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe. Il appartient aussi aux Etats-Unis d’agir, seul pays capable d’influer de façon essentielle dans ce que nous n’osons plus guère appeler le processus de paix. Si les accords d’Abraham conclus en 2018 ont permis d’entamer un processus de normalisation des relations entre Israël et plusieurs Etats de la Région, soit les Emirats arabes Unis, Bahreïn, puis le Soudan et le Maroc, ces accords, qui furent un succès pour Israël et les Etats-Unis, ont laissé de côté la perspective d’une solution à deux Etats. La diplomatie américaine, sous l’administration Biden, a aussi été très passive pour réamorcer le dialogue entre les deux parties. Plusieurs visites du secrétaire d’Etat Anthony Blinken en Israël n’ont pas permis de faire avancer la situation de façon substantielle. Les divergences entre les deux pays en raison de la réforme très controversée de la justice ont aussi gelé le dialogique et l’intercession des Etats-Unis dans le conflit israélo-arabe, malgré la visite chaleureuse du président Isaac Herzog à Washington cet été pour les 75 ans de la création de l’Etat d’Israël.
Avec cette attaque terroriste, ces accords d’Abraham sont en danger.
Récemment, l’Arabie saoudite a envoyé un ambassadeur non-résident auprès de l’Autorité palestinienne à Ramallah et, en présentant ses lettres de créance à Mahmoud Abbas, le diplomate avait affirmé que la condition d’une totale normalisation des relations d’Israël avec ses voisins, notamment l’Arabie saoudite, était une solution à deux Etats. Une telle évolution risque de s’éloigner encore plus. Outre la défense indispensable d’Israël après une attaque terroriste sans précédent, il appartient désormais à la communauté internationale d’avancer en urgence sur une résolution définitive du conflit israélo-arabe, avec la création d’un Etat palestinien vivant de façon pacifique aux côtés d’Israël et dont ce pays aura au préalable expurgé toute velléité terroriste.
Patrick Martin-Genier