Pour la première fois, un texte présenté par le Rassemblement national a été adopté par une majorité de députés à l’Assemblée. La résolution qui demande la suspension de l’accord franco-algérien de 1968 n’a qu’une portée symbolique sur le plan juridique, mais ce vote marque une étape importante pour le parti de Marine Le Pen qui a salué une « journée historique ». Ses adversaires se bornent à se renvoyer la responsabilité les uns aux autres.
A une voix près – 185 pour 184 contre – le RN a obtenu ce qu’il voulait : une victoire qui embarrasse ses adversaires. La résolution de l’Assemblée n’aura pas davantage de poids que les déclarations publiques des différentes formations politiques. Ce qui change, c’est la solennité d’un vote à l’Assemblée et les justifications qu’il entraîne.
La révision de l’accord de 1968 est demandée de longue date par les Républicains, rejoints en juin 2023 par Edouard Philippe. Les 26 députés LR présents, dont le président du groupe, ont tous voté en faveur du texte. Les 17 élus Horizon, dont leur président Paul Christophe, ont fait de même. Mais la moitié des effectifs était présente pour ces deux groupes. Pour le Groupe Ensemble Pour la République, seul un tiers des membres l’étaient (33 sur 92). La plupart ont voté contre, trois se sont abstenus, en l’absence du président du groupe, Gabriel Attal. Il avait pourtant réclamé la dénonciation de cet accord en janvier dernier.
Une absence aussitôt dénoncée par le socialiste Olivier Faure : « Ils étaient où les macronistes ? ». La présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain pointe un doigt accusateur sur l’ancien Premier ministre estimant que cette « voix qui nous a manqué pour faire face au RN, c’est celle de Gabriel Attal » tandis que Mathilde Panot, son homologue LFI, renchérit : « un texte raciste voté grâce à l’absence des macronistes ». Du coup, certains macronistes ne manquent pas de renvoyer la balle sur le groupe Horizon et les LR accusés d’avoir commis un acte irréversible en approuvant une proposition venue du RN. Lesquels s’en défendent, quand le RN reprend une proposition portée par la droite, leur vote reflète la cohérence de leur position.
Ce jeu de la défausse permanente rassure sans doute ceux qui s’y livrent, mais il n’est guère convaincant aux yeux de l’opinion qui n’entend que les positions clairement affirmées, pour ou contre.
C’est bien ce que le RN a compris depuis longtemps. Il piège ses adversaires en soumettant au vote – pour ou contre – des propositions de loi qui ne formulent pas de solutions, mais qui soulèvent un problème dont il sait que beaucoup de ses rivaux partagent le constat, mais pas les remèdes du parti de Marine Le Pen. De son coté, la gauche s’indigne et assure que les problèmes soulevés par le RN n’en sont pas. Tandis que la droite et une partie du centre se contorsionnent. Qu’ils votent pour, et ils sont accusés par la gauche de rallier l’extrême droite. Qu’ils votent contre, et ils sont accusés par le RN de manquer de suite dans les idées.
Les Français, eux, ne rentrent pas dans ces nuances. Prendre en compte leurs préoccupation est un premier pas qu’ils apprécient. D’après l’enquête Viavoice publiée par Libération le 1er novembre : 54 % des personnes interrogées pourraient voter pour le RN. Ils étaient 43 % il y a deux ans, en septembre 2023.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste

 
			












