Il est des semaines où l’actualité revêt une tonalité particulière dans un télescopage d’évènements et de réminiscences propres à réveiller des échos à la fois nostalgiques et douloureux.
C’est le cas avec l’annonce de la disparition d’un immense acteur français, Jean-Paul Belmondo, unanimement salué pour ses grandes qualités humaines et une générosité qui lui ouvrait tous les cœurs. Il n’ est pas donné à beaucoup de personnalités de recueillir le surnom avec lequel il est entré dans la légende universelle hier, 6 septembre 2021, à l’âge de 88 ans, laissant à chacune et chacun d’entre nous le souvenir d’une œuvre cinématographique préférée, en fonction de nos sensibilités, des générations auxquelles nous appartenons et de nos goûts respectifs – “Un singe en hiver” pour une très vieille dame aux yeux couleur de lin, dans un petit village breton déserté par les estivants en cette fin d’été 2021, car elle a été sensible au duo émouvant dans ce film d’un aîné, Jean Gabin, avec son jeune et attachant cadet-. Le Magnifique, tel Laurent de Medicis, le flamboyant Florentin, banquier, protecteur des arts, homme de lettres, personnage historique et emblématique de la fascinante Renaissance italienne, c’est là un surnom peu courant qui résume bien l’affection et l’admiration que lui portait un public très large en France et bien au delà, et qui correspond bien à celui qui avait la simplicité des Grands, malgré sa notoriété et la vaste palette de ses talents, sans doute parce qu’il avait eu la chance d’effectuer un parcours d’homme heureux et aimé.
L’hommage national qui sera rendu aux Invalides le 9 septembre 2021 à celui qui répondait également au surnom familier de Bebel, constituera certainement une pause salutaire dans le climat de clivages et de polémiques incessants qui ponctuent le quotidien français depuis de trop longs mois, et que va exacerber l’accélération du démarrage de la campagne pour les élections presidentielles à venir….
Mais cette semaine, va également s’ouvrir à Paris le procès des attentats du 13 novembre 2015, et dans quelques jours le monde tout entier se souviendra que le 11 septembre 2001 nous étions tous Américains, frappés d’une consternation horrifiée devant les tours jumelles du Word Trade Center qui s ‘effondraient dans une vision d’apocalypse, en faisant basculer notre monde sous le règne d’une terreur durable, dont la menace est plus que jamais prégnante 20 ans après l’événement. Le 9 septembre 2001, le Commandant Massoud tombait assassiné par deux criminels armés par Al Qaida, deux jours à peine avant le drame de New-York, après avoir vainement alerté les Occidentaux de l’imminence de cette action terroriste sans précédent dans l’histoire contemporaine de l’après Deuxième Guerre mondiale… D’Afghanistan est parvenue également la nouvelle, qui reste à confirmer aujourd’hui, de l’échec du Front national de résistance animé par le propre fils du Lion du Panchir, bien seul dans son combat face aux Talibans, mené au cœur d’une vallée mythique où s’est concentré à plusieurs reprises l’honneur des Afghans au cours d’nterminables années de guerre. Au vu de ce qui se passe à Kaboul, où quelques âmes courageuses tentent de s’opposer aux atteintes contre la liberté des Afghanes et des Afghans, ce au péril de leur vie, on peut s’attendre au pire, en songeant il y a 20 ans, à peine ou déjà, aux guirlandes de mains de voleurs coupées qui accueillaient dans la capitale en ruine les rares visiteurs étrangers ou au dynamitage des Bouddhas de Bamyan…
Le monde occidental retient son souffle dans l’attente de la composition du gouvernement (inclusif, sinistre ou cynique plaisanterie, au choix ?) des Talibans fondamentalistes, qui comportait lors de leur premier règne un Ministère de la promotion de la vertu et de la répression du vice…
Malheur aux peuples qui ont besoin de héros, car rien ne saurait compenser leur perte dans un monde sans pitié et sans repères, où se perdent inexorablement la simplicité des Grands et la mémoire des périls. En cette singulière semaine du 6 septembre 2021, les occasions de se souvenir sont décidément tristement contrastées entre nostalgie de l’univers chevaleresque des personnages incarnés par Jean-Paul Belmondo et douleur mémorielle au rappel des crimes perpétrés par l’hydre terroriste…
Eric Cerf-Mayer