La France préside aux destinées de l’Union européenne à compter du 1er janvier. Si elle ne sera pas la seule à tenir le gouvernail, cette présidence offre à la France et à son président une opportunité de faire valoir ses priorités et d’inscrire l’agenda européen dans la durée. La circonstance que se tient l’élection présidentielle doit plutôt être regardée comme une chance pour l’Europe dont il va être question tout au long de cette campagne.
A compter du 1er janvier 2022, la France va exercer pour six mois la treizième présidence du Conseil de l’Union européenne. Il est difficile pour les non-spécialistes des affaires européennes de savoir à quoi correspond exactement cette présidence.
Quelle institution la France va-t-elle présider ?
Il ne s’agit pas de diriger l’Union européenne en tant que telle, puisqu’il existe un président permanent du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement qui est actuellement le belge Charles Michel. Il ne s’agit pas non plus de diriger la politique des affaires étrangères de l’Union européenne puisque c’est la mission du haut représentant qui est actuellement l’espagnol Josep Borrell. Il ne s’agit pas non plus de la présidence de la commission européenne dont la titulaire est Ursula von der Leyen. Il s’agit plus modestement de présider les formations spécialisées du conseil des ministres de l’Union européenne, celles qui, par exemple, réunissent les ministres de l’agriculture, de l’économie ou de l’environnement.
Le conseil des ministres de l’Union européenne n’est en aucun cas un conseil des ministres comme on l’entend généralement en France.
Ce n’est pas un organe exécutif. Le conseil des ministres est un organe législatif qui, avec le parlement européen, contribue à la confection de la législation européenne. Il travaille sur des propositions de lois européennes qui ont pour noms règlements et directives. Il peut être comparé à une chambre haute d’un parlement, une sorte de Sénat, un représentant, au sein de l’organe législatif, des Etats de l’Union européenne.
Une durée limitée mais stratégique
Enfin, cette durée de six mois doit être articulée avec les présidences venant avant et celle venant après, de telle sorte que les orientations politiques puissent être coordonnées sur une période totale de dix-huit-mois, ce que l’on appelle en jargon européen le « trio », celui que la France va exercer avec la République tchèque au second semestre 2022 et la Suède au premier semestre 2023.
Mais exercer la présidence du conseil des ministres a toujours revêtu une importance politique et stratégique. S’il ne s’agit pas de « refaire le monde », la présidence dite de l’Union européenne offre la possibilité à l’Etat concerné de faire valoir ses priorités politiques. Le Portugal avait ainsi organisé à Porto au mois de mai 2021 un sommet social.
Lors de sa conférence de presse du 9 décembre 2021 à l’Elysée, le chef de l’Etat Emmanuel Macron, dont l’attachement à la construction européenne ne peut être mis en doute, a ainsi exposé ce que seraient ses priorités.
Le président de la république a d’abord insisté sur la notion d’« Europe souveraine ».
L’agenda qui s’est imposé est bien sûr celui du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, thème omniprésent dans tous les pays européens. La France souhaite une réforme de l’espace Schengen, ce qui passe, selon le chef de l’Etat, par un pilotage politique de la maîtrise des frontières et un mécanisme de soutien d’urgence en cas de crise. La France insistera aussi sur l’Europe de la défense en permettant une progression vers une phase plus opérationnelle en définissant les intérêts européens et une stratégie partagée.
La France, en accord avec l’agenda du conseil européen et celui de Charles Michel, veut aussi refonder la relation de l’Union européenne avec l’Afrique : un sommet réunira les dirigeants des pays de l’Union européenne et de l’Union africaine au mois de février.
Une Europe plus verte et plus humaine
Le pacte vert de la Commission européenne sera aussi au cœur de l’agenda de la présidence française avec l’objectif d’accéder à la neutralité carbone en 2050. Le numérique sera au cœur des priorités de la France en insistant sur la lutte contre la haine en ligne mais en prévoyant aussi un régime de responsabilité des grandes plateformes du numérique.
Le modèle social européen continuera à faire l’objet de toutes les attentions avec l’ambition affichée d’aller vers un salaire minimum décent.
C’est aussi à l’occasion de la présidence française que seront conclus les travaux de la Conférence sur l’avenir de l’Europe en mai 2022, outre la création envisagée d’un service civique européen de 6 mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d’apprentissage, un stage ou une action associative.
L’impact de l’élection présidentielle française
Par un hasard du calendrier, cette présidence correspond avec l’élection majeure à la présidence de la République qui aura lieu les 10 et 24 avril 2022. Certains ont critiqué cette concordance des temps. Toutefois, les défis posés à l’Europe sont si importants et majeurs qu’il eut été regrettable de renoncer à cette présidence pour des motifs de politique intérieure. Par ailleurs, un président si attaché à la construction européenne ne pouvait laisser passer son tour. La crainte de ses opposants est qu’il tire un bénéfice politique de cette présidence dans le cadre de la campagne électorale.
Quoi qu’il en soit, les Français sauront faire la part des choses et ne pas confondre la politique intérieure et la politique européenne, à supposer qu’il existe une réelle étanchéité entre les deux. Enfin, l’aspect positif est incontestablement que l’Europe sera au cœur de la campagne électorale, d’une part. D’autre part, cela impliquera nécessairement que tous les candidats se positionnent sur les enjeux européens de la France.
Patrick Martin-Genier