La crise parlementaire que nous avons connue avec la loi sur l’immigration n’est pas près de s’éteindre. La procrastination du chef de l’État, les atermoiements de son gouvernement et un divorce au sein de la majorité présidentielle sont autant d’éléments qui permettent de penser que cette crise ne sera pas la dernière avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron.
Je serai présent par l’esprit.
François Mitterrand aura été le dernier monarque républicain de la Vème République. La Constitution qu’il avait combattue, lui allait finalement comme un gant. 1 27 ans après sa mort, la politique française subit toujours les conséquences du machiavélisme du seigneur de Latché. Il voulait être présent par l’esprit. Il l’est surtout par la faillite des partis politiques LR et PS.
La création du Front National (1972) présidé Jean-Marie Le Pen, poujadiste et trouble-fête, fait en 1981 moins de 3% d’intention de vote. Mitterrand, en fera son idiot utile pour battre Chirac et décrocher son second septennat. On sait l’histoire, mais il est toujours bon de la rappeler. Avec un art consommé de la ruse, il n’a cessé de jouer avec les partis politiques tel un joueur d’échec avec ses pions.
Après 1983, il se lance dans une politique ultra-libérale qui ne résout rien. L’atmosphère délétère qui s’en suit, scandales financiers, manœuvres dilatoires, délits d’initiés, vassalisation de la France à la Doxa ultra-libérale européenne, augmentation des violences urbaines, montée de plus en plus incontrôlée de l’immigration ; bref, le divorce entre le peuple et ses élus est bel et bien consommé. La classe moyenne est érodée au profit d’une extrême-droite qui trouve et ses marques et son électorat, largement pris dans le réservoir classique des partis de gauche.
Les traders de la politique.
La monarchie républicaine s’achève avec Mitterrand. Avec Chirac, plus encore avec Sarkozy et parfaitement domestiquée par Macron, naît une République « médiato-technologique ». Cette France 2.0 où fleurissent les chaînes d’info continue, les réseaux sociaux, et Internet modifient considérablement la sociologie française. Parallèlement, naissent des géants comme Netflix ou Amazone Prime qui diffusent des séries aux images subliminales qui concourent au wokisme, idéologie totalitaire du XXIème siècle.
L’écart entre le peuple et ses élus est une évidence. Pourtant, croire que les Français se désintéressent de la politique serait faux.
L’abstentionnisme est d’une certaine manière, un geste de colère contre les élus.
Ce n’est plus un manque de confiance. Avec Macron c’est bel et bien un divorce entre la base et le sommet. Or, la politique ayant horreur du vide, les extrêmes ont prospéré dans ce bouillon de culture. À l’extrême-droite zémmouriste c’est un vote de colère, chez les Mélanchonistes, un vote idéologique. Le virus de l’effondrement politique des partis républicains inoculé par Mitterrand après avoir longtemps incubé attaque, avec Macron, le système nerveux de la France. Les partis politiques « classiques » pris en tenaille entre les extrêmes, ont fini par s’anémier avec comme effets indésirables les mouvances identitaires et populistes aussi bien chez LFI que chez Reconquête ! 2
Mon royaume pour une majorité parlementaire !
Macron est machine politique hybride qui marche à l’essence à gauche et à l’électricité à droite. » Face à lui, le PS, le PC — tous deux vendus à l’islamo-gauchisme de la Nupes— et les LR — qui veulent laver plus blanc que blanc — sont à bout de souffle.
Macron est parfaitement conscient de la situation à la différence qu’il n’a aucune chance de manipuler le RN comme Mitterrand l’a fait avec le FN.
La crise parlementaire qui vient de lui exploser à la figure en est la preuve. Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, un président ne peut pas compter sur une majorité fût-elle mince voire limite.
À ce jeu-là le front républicain anti-Le Pen grâce à quoi il a été élu en 2017 puis réélu en 2022 risque de ne plus fonctionner en 2027. Marine Le Pen a opéré le ravalement intégral de son parti éjectant une grande partie du noyau dur vers Reconquête ! Son « rejet du Père » et aussi la guerre d’Israël contre le Hamas lui a assuré une solide réputation philosémite face à la Nupes clairement islamo-gauchiste. C’est un changement de paradigme où plus rien n’est contrôlable vraiment, chacun bien désireux de conquérir le Saint-Graal.
La politique restera toujours le plat favori des Français.
Quelles que soient leurs opinions, il y a toujours dans chacun de nous un Encyclopédiste qui sommeille. Que les partis politiques évoluent avec la société, c’est une évidence. L’impact considérable des réseaux sociaux, l’influence très fortes des chaînes d’info continue, les talk-show allant du pire au meilleur, la transformation des hommes politiques en vedettes du petit écran, le problème de l’immigration, la violence, la question religieuse, et l’islamisme politique, sur tous ces points, la classe politique est constamment sous tension.
Cet état de fait est directement lié à 40 années de soubresauts idéologiques dont les modes discursifs sont pour le moins obsolètes.
Pour un retour à un septennat non renouvelable.
Cependant, comme De Gaulle déclarant urbi & orbi qu’après lui le chaos, Mitterrand a légué à la France le poison le plus létal qui soit en matière de médecine politique : l’instauration du quinquennat. L’information se diffuse à la vitesse de la lumière de sorte que les chefs politiques sont tenus à une obligation de résultats sanctionnés par les examinateurs des notations économiques relayés par les oracles des instituts de sondage. À peine à mi-mandat, le « présidentiable » doit faire de nouvelles promesses et peu importe si celles du premier mandat ne sont pas toutes tenues. Il faut faire du neuf, créer d’autres besoins diraient les experts en marketing.
Revenir au septennat en le rendant non renouvelable n’est pas une idée neuve 3. Elle est la seule porte de sortie pour redonner à la fonction présidentielle sa stature et permettre de lancer des réformes essentielles, en affranchissant ainsi la France de la politique politicienne.
Cela permettrait de traiter les grands problèmes de fond comme l’immigration ou la défense de la laïcité avec un esprit de recul, sans penser à réélection.
Aucune réforme constitutionnelle n’est possible sans l’assurance d’avoir pour sept ans une majorité solide et solidaire du pouvoir. De ce fait, même si tout le monde s’accorde pour dire qu’un septennat non renouvelable est une « bonne solution » personne n’ose vraiment s’y engager.
Entre la raison que nécessite une telle réforme et la peur qui l’empêche, la classe politique politique risque pour un bon moment d’être gouvernée davantage par la peur que par la raison. 4
Historien
Ancien directeur-Général du Comité de Coopération culturelle Marseille-Provence-Méditerranée
Coordinateur de Zone Libre, lieu d’échange d’idées et de réflexions
- Mitterrand écrit dans son pamphlet le Coup d’État Permanent, (paru en 1964 chez Plon) « Il s’élabora au sein du gaullisme la théorie de l’homme providentiel seul possesseur d’on ne sait quel Saint-Graal , équivalence mystique du sacre, vocation essentielle et permanente à gouverner la France ». Ironie de l’histoire, Mitterrand a été en la matière un monarque républicain absolu. N’est donc pas un hasard si Macron, rendant hommage à la mémoire de Giscard se réclame pour une bonne part de son héritage ultra-libéral. ↩
- Dans un entretien paru le 13 décembre dans Libération, Jean-François Copé, déclare : « Il faut admettre que LR n’a plus aucune chance d’accéder seul au pouvoir. On ne récupérera l’électorat RN qu’à la marge, car sur les questions économiques et sociales il est à gauche. ↩
- Raymond Barre était pour un retour au septennat. En 2015, un groupe d’étude présidé par Claude Bartolone (PS) propose l’idée d’un septennat non renouvelable. En 2021, le sénateur Roger Karoutchi milite pour cette réforme. En 2022 Marine Le Pen lance la même proposition. Emmanuel Macron, pourrait bien faire la surprise de quitter l’Élysée en proposant un retour au septennat non renouvelable… ↩
- Au dernier sondage, 70% des Français sont satisfait de la loi sur l’immigration qui vient d’être votée. Autant dire que la majorité des Français restent en attente d’une loi plus restrictive ? C’est probable. ↩