Xavier Bertrand, président de la nouvelle région Hauts-de-France, revient sur les chantiers entrepris et les batailles menées au cours de ses 100 premiers jours de présidence.
Revue Politique et Parlementaire – Lors de votre discours d’investiture à la présidence vous avez dit souhaiter être « le chef d’orchestre d’un Conseil régional tout entier tourné vers l’emploi et la lutte pour la croissance régionale ». Dès le 7 janvier la plateforme Proch’Emploi a été mise en place. De quoi s’agit-il ?
Xavier Bertrand – Il y a dans notre région 565 000 chômeurs, toutes catégories confondues, et, selon l’enquête Besoin de Main d’Oeuvre Pôle Emploi 2015, 120 000 emplois à pourvoir. Trop souvent, pendant la campagne, j’ai rencontré des employeurs qui me disaient « je n’arrive pas à recruter ». Ce qui manque aujourd’hui, c’est le lien entre celui ou celle qui est au chômage mais qui veut travailler et l’entreprise qui cherche à recruter. Ce lien, c’est bien souvent la formation. Et la formation, c’est la compétence de la Région, avec un budget de 260 millions d’euros.
Nous avons voulu, avec Proch’Emploi, proposer une solution efficace, de proximité : en contactant un numéro vert – 0800 02 60 80 – (un point d’accès web sera également proposé prochainement), les demandeurs d’emploi s’inscrivent afin de bénéficier d’un rendez-vous personnalisé près chez eux, pour faire le point sur leur situation. En fonction des besoins des entreprises, en fonction des offres disponibles à proximité de là où ils vivent, la Région leur permettra d’accéder à une formation les menant à un véritable emploi.
Aujourd’hui, nous avons reçu plus de 6 500 appels, et plus de 5 500 rendez-vous se sont déjà déroulés, suite aux entretiens téléphoniques. Ce sont des agents volontaires de la Région qui assurent ces entretiens, et l’ensemble des élus régionaux est mobilisé pour accompagner cette action, sur tout le territoire de la Région. C’est Karine Charbonnier, Vice-présidente en charge des relations avec les entreprises qui pilote ce dossier à mes côtés.
RPP – L’apprentissage est la priorité de l’action régionale. Que pensez-vous du plan massif de formation des chômeurs souhaité par le chef de l’Etat et quelles mesures spécifiques seront prises par la région afin de favoriser l’apprentissage ?
Xavier Bertrand – L’apprentissage est, nous le savons, une des filières qui offre le plus de chances de déboucher rapidement sur un emploi. Pourtant, de nombreux CFA ne sont pas complets à 100 %. Je souhaite, d’une part, que nous fassions une meilleure information auprès des jeunes, pour que ce soit une option d’orientation qui leur soit présentée et expliquée, et d’autre part, que nous proposions les places actuellement vacantes en CFA à des demandeurs d’emploi qui pourront, ainsi, se former sur des métiers en tension.
Nous allons également tripler l’aide à l’apprentissage versée aux entreprises, et je me suis engagé à ce que cette aide soit stable sur l’ensemble du mandat, car les entreprises ont aussi besoin de visibilité pour s’engager.
Si l’Etat met en place des actions, je ne mettrai pas moins d’argent de mon côté. L’objectif est d’être efficaces. Nous avons signé la première convention avec l’Etat dans le cadre de son nouveau plan de formation.
Pour notre Région, ce sont 33 000 formations supplémentaires qui seront ainsi financées.
RRP – Etre aux côtés de ceux qui donnent du travail est également l’un de vos engagements. Quelles actions seront menées afin d’aider et d’accompagner les entreprises.
Xavier Bertrand – Lors de la toute première session du Conseil régional, nous avons fait voter plusieurs mesures clés, qui étaient des engagements de campagne, et que nous avons voulu mettre en œuvre le plus rapidement possible. Notamment le financement de 25 % des charges sociales pour tout nouvel emploi créé dans la région. Car bien souvent, plus que le montant du salaire, c’est le poids des charges qui freine l’embauche. Cela concerne les emplois jusqu’à 1,6 SMIC (2 350 euros par mois). C’est un effort très important : pour un tel niveau de salaire, cette prise en charge atteint jusqu’à 200 euros par mois, et près de 2 500 euros par an. Le versement s’effectuera pour moitié à la fin de la période d’essai, et le solde en fin d’année. L’enveloppe mise en œuvre pour cette politique sera de 40 millions d’euros, soit 30 000 emplois.
RPP – Vous souhaitez faire de la Région une plaque tournante du trafic fluvial et maritime en Europe. Quels sont vos projets de développement dans ce domaine.
Xavier Bertrand – Le projet phare en matière de trafic fluvial et maritime dans la région, pour les années à venir, ce sera le Canal Seine Nord Europe : avec des dizaines de milliers d’emploi générés par sa construction (et je m’attacherai à ce que ce soient des travailleurs et des entreprises de notre région qui travaillent), et ensuite par son exploitation, avec les plate-formes logistiques.
Pour notre façade maritime, ce sera une opportunité unique : nos deux régions réunifiées offrent un magnifique littoral que le Conseil régional s’efforcera de valoriser.
Et il est temps d’avoir une ambition maritime à la hauteur des atouts de notre territoire ! Dunkerque, Calais, Boulogne seront des ports que nous continuerons de moderniser, avec les perspectives d’emploi, là encore, que cela représente.
C’est Gérald Darmanin, vice-président en charge des transports, qui sera la cheville ouvrière de ce projet. L’annonce la semaine dernière de la création de la société de projet, en Conseil des ministres, est une nouvelle importante, après des années sans véritables avancées.
RPP – Vous avez annoncé l’adoption d’un vaste plan pour l’agriculture régionale. Quelles en sont les grandes lignes ?
Xavier Bertrand – Eleveurs et producteurs laitiers souffrent de la crise. La Région doit les aider. C’est le sens du plan d’urgence proposé par le Conseil régional. Pour mémoire, il y a dans la région 27 000 exploitations agricoles au total.
Le premier volet de notre plan d’urgence consiste à augmenter les moyens du fonds d’allègement des charges de 500 000 euros pour qu’il atteigne un montant total de 1,7 million d’euros. Ce fonds participe au remboursement des intérêts d’emprunt (jusqu’à 4 000 euros par exploitation).
Le second volet consiste à intervenir sur les garanties pour restructuration des prêts (allongement de la durée du prêt, pour alléger le remboursement).
Nous assurerons enfin le financement d’audits stratégiques d’exploitation (1 000 euros environ par audit). L’enveloppe est de 200 000 euros. Nous financerons également une étude globale sur les coûts de production par bassin de production.
Enfin, nous réaffirmons notre engagement de favoriser la production régionale dans les cantines des lycées, car nous assurons ainsi des débouchés à nos producteurs.
RPP – Le Grand Lille est la seconde économie de France après le Grand Paris, mais la moitié des villes de la région compte moins de 10 000 habitants. Comment garantir un aménagement du territoire respectueux de chacun ?
Xavier Bertrand – Un habitant sur deux dans notre Région vit dans une commune de moins de 10 000 habitants, et la ruralité n’est pas oubliée dans notre projet :
- L’accès aux soins, dans les zones rurales ou periurbaines, que nous permettrons en favorisant l’installation de maisons de santé, pour du suivi médical mais aussi de la prévention.
- Le maintien des services publics sur l’ensemble du territoire régional, avec les antennes de la Région notamment, où chacun pourra rencontrer les services et les élus régionaux, qui tiendront des permanences comme nous nous y sommes engagés.
- La mobilité au quotidien, avec une exigence de qualité dans le service SNCF, qui doit assurer les « 3A » : à l’heure, assis, averti en cas de problème. Aujourd’hui trop d’habitants subissent les problèmes quotidiens de retard et d’annulation de la SNCF et c’est insupportable.
- Nous soutiendrons enfin les communes rurales pour la recherche de financement et le montage de leurs projets, afin de permettre le maintien d’autres services de proximité (commerces…) par la création d’un fond de soutien régional à la ruralité et d’une politique de valorisation des bourgs-centres.
J’ai dit tout au long de cette campagne qu’il n’y aurait pas Lille et le désert autour. Cet équilibre territorial, nous avons l’obligation de le garantir.
Xavier Bertrand
Président de la Région Hauts-de-France
(Propos recueillis par Florence Delivertoux)