Jean-Claude Beaujour, avocat, président du Forum Transatlantique, décrypte pour la Revue Politique et Parlementaire les résultats des élections de mi-mandat aux États-Unis.
C’est une lapalissade que de dire qu’un scrutin électoral comporte, à de très rares exceptions près, son lot de surprises. Celui du 8 novembre, dont on attend encore un certain nombre de résultats cruciaux pour savoir si le Congrès va basculer du côté du camp républicain, en est une formidable illustration.
Bien sûr l’on pressentait que le parti du président Biden allait perdre cette élection de mi-mandat, même si à ce jour des résultats restent attendus et que la Chambre des Représentants pourrait basculer en faveur des Républicains. Ce n’est pas une première pour un président en exercice puisque ce fut le cas de Barack Obama ou encore de Bill Clinton, qui pourtant furent par la suite tous deux réélus pour un second mandat présidentiel.
Ces élections de 2022, considérées par certains comme les plus importantes élections de mi-mandat (midterms) que les Etats-Unis aient jamais connues, avaient une tonalité particulière.
Ce fut tout simplement une bataille entre le président élu contre le président battu à l’élection précédente. Bref, il a semblé se jouer une sorte de second tour de l’élection de novembre 2020 et mieux encore, de tour de chauffe en vue de la prochaine élection présidentielle.
Au moment où nous écrivons ces lignes, aucun des deux partis ne peut confirmer qu’il a la majorité soit à la Chambre des Représentants soit au Sénat. En d’autres termes la vague rouge (red wage) annoncée ne s’est pas produite et les Démocrates ont somme tout bien résisté. Toutefois on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements de ces midterms.
En premier lieu, la campagne se termine sur fond de polarisation extrême, l’Amérique n’ayant jamais été aussi divisée sur ses valeurs extrêmes. Dans chaque camp, le sentiment est fort selon lequel l’autre camp ne porte pas tant des idées que l’on doit contrecarrer, mais plutôt qu’il est un ennemi qui veut la perte de l’Amérique qu’il convient de sauver par tous moyens.
Le procès en illégitimité institutionnelle qui a conduit aux évènements du Capitole le 6 janvier 2021 gangraine la démocratie américaine et pourrait mettre à mal le pacte social, même si les institutions résistent.
Les conséquences sont d’autant plus dramatiques qu’elles dépassent les frontières de l’Amérique. C’est tout le monde occidental, dont le système démocratique est la colonne vertébrale, qui pourrait être fragilisé par cette doctrine, certaines puissances étrangères ayant d’ailleurs tout intérêt à jouer de notre déstabilisation démocratique.
En deuxième lieu, Donald Trump a bien tenté de faire de cette élection un moyen de prendre sa revanche contre Joe Biden. Toutefois une majorité d’électeurs, tous partis confondus, ont considéré que les ambitions de Donald Trump n’étaient pas l’enjeu de ce scrutin. L’ancien président, toujours très vocal, avait même envisagé d’annoncer sa candidature à peine cette séquence électorale terminée, mais il a dû se raviser, les résultats à ce stade étant très éloignés de la vague rouge qu’il avait prédite. S’il faut reconnaître que Donald Trump sait galvaniser ses troupes et attirer la lumière, cette capacité ne se traduit pas complètement sur le plan électoral.
En d’autres termes, être très clivant comme il peut l’être limite sa possibilité d’entraîner largement son camp et les indécis vers la victoire en cas de présidentielle.
D’ailleurs, la défaite de Karin Lake, candidate au poste de gouverneur d’Arizona et très proche de l’ancien président en est un indicateur.
En troisième lieu, les électeurs américains, quel que soit leur camp, ont montré que leurs préoccupations ne se limitaient pas à des slogans politiques. Ils ont dit leur inquiétude face à l’érosion de leur pouvoir d’achat lié à une forte inflation- le seul prix de l’essence ayant atteint près de 4 USD le gallon- les difficultés à se loger et la remise en cause du droit à l’avortement qui a profondément heurté et divisé l’Amérique et qui touche surtout les femmes en situation de fragilité. Enfin, la victoire de plusieurs candidates et candidats issus de la diversité sous toutes ses formes, la première gouverneure ouvertement lesbienne a été élue dans le Massachussetts ou encore le premier homme transgenre à entrer dans un parlement local dans le New Hampshire, démontrent que l’Amérique a aussi porté des candidats qui défendent les droits fondamentaux.
Dans les deux camps, il semblerait donc que l’on ait un peu trop négligé les aspirations profondes du peuple américain et que cette élection en demi-teinte favorise l’émergence d’une nouvelle génération de politiques qui pourraient jouer un rôle majeur dans la prochaine élection présidentielle.
Jean-Claude Beaujour
Avocat
Président du Forum Transatlantique