Dans un monde où la cybersécurité est devenue une priorité incontournable pour les entreprises et les gouvernements, la formation des experts de demain revêt une importance capitale. Manon Pellat a embrassé cet enjeu en prenant la Direction de Cybersup, nouvelle école spécialisée dans la cybersécurité, le droit du numérique et l’intelligence artificielle. Dans cette interview, elle revient sur son parcours et partage la vision de Cybersup, une école novatrice qui s’appuie sur des partenariats solides pour offrir des programmes en phase avec les besoins actuels du marché et les défis futurs.
Revue Politique et Parlementaire : Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de ce qui vous a conduit à lancer Cybersup ?
Manon Pellat : J’ai 34 ans et j’évolue dans le domaine de l’éducation depuis plus de 7 ans. J’ai commencé chez Ironhack, une école américaine qui propose des formations courtes et intensives pour des personnes en reconversion professionnelle, dans des métiers liés à la tech, notamment la cybersécurité et l’intelligence artificielle. J’ai rejoint Ironhack en 2017 après leur première levée de fondsp our superviser leur expansion international, notamment en Amérique latine. De retour en France, je suis devenue directrice générale d’Ironhack France, puis VP Business Development pour l’Europe, où je m’occupais des formations en alternance et des offres entreprises.
Ma passion pour l’éducation et son impact potentiel sur la mobilité sociale m’a incitée à envisager un projet plus entrepreneurial. C’est alors que j’ai rencontré Steve Danino. Steve m’a présenté le projet du groupe familial FROJAL : en s’appuyant sur sa filiale Lefebvre Dalloz, créer des écoles en formation initiale spécialisées notamment dans les métiers de la tech et de la cybersécurité, avec une forte dimension juridique. Ainsi Cybersup est née, avec pour ambition de former les experts de demain en cybersécurité et en intelligence artificielle.
RPP : En quoi consiste le partenariat entre Cybersup, Lefebvre Dalloz et La Plateforme, et en quoi cela profite-t-il aux étudiants ?
Manon Pellat : Nous avons monté une joint venture avec La Plateforme, une école créée par Cyril Zimmermann et une équipe issue de l’Epitech dans le sud de la France, qui forme désormais plus de 700 étudiants chaque année dans les métiers de la tech. Lefebvre Dalloz est une filiale de Lefebvre Sarrut, leader européen sur les sujets de formation, d’édition et de software dans les domaines réglementaires et juridiques, ce qui nous permet d’intégrer des contenus à haute valeur ajoutée sur les aspects juridiques de la cybersécurité.
Les étudiants bénéficient également de l’intervention régulière d’experts de Lefebvre Dalloz, comme Candice Tran Dai, Chief Information Security Officer du groupe, une référence dans son domaine. Ce partenariat facilite aussi les opportunités d’alternance pour nos étudiants, notamment au sein du réseau Lefebvre Dalloz. Grâce à ce partenariat, nous bénéficions de l’expertise pédagogique de La Plateforme et du soutien industriel de Lefebvre Dalloz.
RPP : Comment est structurée la formation à Cybersup, et quels sont les parcours que vous proposez ?
Manon Pellat : À la rentrée, nous lançons deux parcours : un Bachelor en cybersécurité en alternance et un cursus niveau Master en Délégué à la Protection des Données (DPO), un métier de plus en plus en recherché. Le Bachelor en cybersécurité est divisé en trois modules : un premier module sur les réseaux et systèmes, un second sur le cloud, et enfin un troisième consacré à la sécurité (environnement réglementaire et sensibilisation). Ce programme permet aux étudiants de se former de manière générale avant de se spécialiser dans leur domaine de prédilection.
Le Master DPO, quant à lui, s’adresse principalement aux juristes qui souhaitent se spécialiser dans la protection des données, un domaine essentiel avec l’accroissement des réglementations telles que le RGPD ou l’IA Act. Nous pensons que ce parcours comble un manque dans le paysage éducatif actuel, car peu d’établissements proposent un cursus complet et opérationnel en DPO, bien qu’il existe quelques modules isolés.
Nous mettons également l’accent sur une pédagogie mixte, avec une combinaison de cours théoriques et de projets, où les étudiants sont confrontés à des cas concrets et réels issus du monde de l’entreprise. Cette approche est renforcée par l’alternance, qui permet aux étudiants d’appliquer immédiatement ce qu’ils apprennent en classe. Notre objectif est de former des professionnels directement opérationnels, capables de s’adapter rapidement aux défis du secteur.
RPP : Vous avez mentionné l’importance de l’alternance. Comment accompagnez-vous les étudiants dans leur recherche d’alternance, et quelles sont les perspectives offertes par Cybersup ?
Manon Pellat : Nous mettons un point d’honneur à accompagner nos étudiants dans la recherche d’alternance. Chaque étudiant bénéficie d’un coaching personnalisé, avec des conseils pour améliorer leur CV, rédiger une lettre de motivation percutante, et surtout, affiner leur projet professionnel. Être partenaires de Lefebvre Dalloz et de La Plateforme ouvre à nos étudiants des réseaux de professionnels et des opportunités d’alternances. Ils ont jusqu’au mois de janvier pour trouver leur alternance après la rentrée, et en cas d’échec, ils peuvent basculer vers une formation initiale classique.
Ce qui est vraiment intéressant, c’est que l’alternance leur permet de faire face à des cyberattaques réelles en entreprise, de voir comment les équipes réagissent et d’appliquer concrètement ce qu’ils ont appris. Cela donnera un sérieux avantage à nos étudiants lorsqu’ils entreront sur le marché du travail.
RPP : Avec l’évolution rapide des cybermenaces, comment Cybersup prévoit-elle de mettre à jour ses programmes pour rester à la pointe ?
Manon Pellat : La cybersécurité est un domaine qui évolue en permanence, c’est pourquoi nous adaptons constamment notre programme pédagogique. Chaque année, nous révisons les modules pour intégrer les nouvelles tendances et techniques. En parallèle, nous faisons intervenir des experts du secteur qui partagent leurs connaissances les plus récentes avec nos étudiants. Par exemple, Michel Séjean, qui a été le coordinateur scientifique du Code Dalloz de la cybersécurité, ou Yrieix Denis qui dispensera un cours de géopolitique de la cyber. Nous collaborons aussi avec des entreprises pour créer des cas pratiques basés sur des situations réelles, afin que nos étudiants soient toujours formés aux dernières menaces et puissent anticiper les futures évolutions du secteur.
RPP : Quels sont les secteurs qui, selon vous, recruteront le plus de talents en cybersécurité dans les prochaines années ?
Manon Pellat : Les métiers de la cybersécurité sont en pleine expansion, mais je pense que ce sont les métiers de support et de gestion des risques qui vont exploser, en particulier avec des directives comme NIS 2. Il y aura un besoin croissant de consultants capables d’implémenter des solutions de sécurité dans les entreprises, de gérer les risques et de se conformer aux nouvelles réglementations. Les métiers techniques évolueront également, notamment avec l’intégration de l’intelligence artificielle, mais je crois que les postes de management et les fonctions support seront ceux qui connaîtront la plus forte demande.
Manon Pellat,
Directrice générale et co-fondatrice Cybersup
Propos recueillis par Ambre Guilbaud et Paul Lusseau