A la suite du meurtre d’une surveillance dans un collège de Nogent (Haute-Marne) par un élève de 14 ans, Alexandre Portier, député LR et ancien ministre à la Réussite scolaire, alerte sur la perte d’autorité dans l’école et la société. Il appelle à un sursaut éducatif, parental et politique.
Revue politique et parlementaire – Après le meurtre de la surveillante de Nogent-sur-Marne par un adolescent de 14 ans, tout le monde semble démuni quant aux solutions à apporter. Vous aussi ?
Alexandre Portier – Cette tragédie en dit long sur ce qu’est devenue l’école, la dégradation de la situation scolaire, et sur notre incapacité à protéger nos enfants et les personnels. La montée des violences de plus en plus radicales et de plus en plus précoces chez des jeunes de 12,13 ou 14 ans démontre bien que l’idée d’une école « sanctuaire » est aujourd’hui totalement dépassée.
Pendant des années, on s’est contenté d’un discours compassionnel qui nous a empêché de voir la réalité en face. A force d’ignorer la responsabilité individuelle, on a fini par normaliser l’inacceptable. Le résultat est là : l’école est devenue le réceptacle de toutes les violences de la société dans son ensemble.
RPP – Pour vous, ce n’est pas l’école qui est en cause ?
Alexandre Portier – Il y a bien entendu des causes internes à l’école dues à un certain nombre de renoncements. Je pense par exemple à la question des élèves poly-exclus. Il est fréquent que les établissements scolaires concernés envoient dans d’autres établissements ceux qu’ils ne parviennent pas à maîtriser. Ce n’est ni plus ni moins qu’un mercato de l’échec, un système qui perdure sans fin car on fonctionne en vase clos. Il faut maintenant dire stop et assumer de placer les élèves les plus dangereux dans des institutions spécialisées quand ils n’ont plus leur place à l’école.
Mais le problème n’est pas seulement scolaire. Il est sociétal et civilisationnel. Or, à chaque fois qu’un problème surgit, on demande à l’école d’y remédier. Elle est supposée en faire toujours plus au détriment de son cœur de métier qui est d’enseigner. L’école ne peut pas tout, et il faut cesser de lui demander de répondre à tous les maux de la société.
RPP – Les parents ont-ils selon vous une responsabilité dans la montée de ces violences ?
Alexandre Portier – L’école n’a pas vocation à remplacer les parents. Et les enseignants n’ont pas à être tout à la fois éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux et policiers. C’est tout simplement impossible. La priorité aujourd’hui, c’est que les parents assument pleinement leur responsabilité d’éducateurs. Quand les parents sont défaillants, on doit à la fois accompagner et sanctionner. Il existe des dispositifs d’accompagnement à l’autorité parentale ; il faut les développer. Mais on doit aussi savoir sanctionner. Être un parent, ce n’est pas seulement toucher l’allocation de rentrée scolaire ou les allocations familiales ; c’est assumer pleinement son autorité et son devoir de fixer des limites à ses enfants, de leur expliquer ce qui est interdit et ce qui est permis, de leur apprendre à distinguer le bien du mal, et leur enseigner le respect d’autrui.
Il faut aussi redonner leur place aux acteurs d’associations sportives et culturelles dont le rôle est indispensable dans la construction morale de nos jeunes. La réponse ne peut pas être uniquement scolaire.
RPP – On met beaucoup l’accent sur la santé mentale des adolescents. A raison ?
Alexandre Portier – La santé mentale est devenue une problématique centrale, et pas seulement chez les jeunes. On en connaît plusieurs facteurs : l’impact de la Covid, le délitement familial et les réseaux sociaux. Parmi les urgences, il faut non seulement interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans comme le propose le président de la République, mais aussi appliquer fermement l’interdiction des téléphones portables dans les établissements scolaires.
Une loi a été votée dans ce sens en 2018 mais elle n’est que très partiellement mise en œuvre. Il faut arrêter de tergiverser en se cachant derrière des excuses. Il faut l’appliquer sans attendre. La pause numérique doit maintenant être effective dans les 55 000 établissements scolaires de France, comme je l’avais exigé lorsque j’étais ministre. C’est une question de volonté politique.
Alexandre Portier
Député LR du Rhône
Ancien ministre à la Réussite scolaire dans le gouvernement Barnier
Propos recueillis par Carole Barjon