La journée d’action syndicale n’a pas changé la donne pour le Premier ministre qui reste confronté aux mêmes difficultés pour arriver à obtenir un consensus sur son budget.
Demi-succès ou demi-échec des manifestations syndicales du jeudi 18 septembre ? Qu’importe… Le fond de l’affaire est que cette journée ne modifie en rien l’équation posée au Premier ministre. Les syndicats manifestent, mais même si Sébastien Lecornu les a reçus et les écoute, l’accord de non-censure qu’il recherche pour faire passer son budget ne passe pas par les syndicats, mais par les partis représentés à l’Assemblée nationale.
Certes, les contacts ont été meilleurs et Lecornu peut avoir eu le sentiment de rattraper les maladresses de François Bayrou. Certes, il joue d’abord avec les syndicats qu’il veut revoir la semaine prochaine, et notamment la CFDT, en espérant faire fléchir le Parti socialiste si la centrale de Marylise Léon topait sur quelques sujets. Vœu pieu ? Depuis l’échec du conclave sur la réforme des retraites initié par Bayrou, la CFDT a durci ses positions… De même que tous les autres acteurs, qu’il s’agisse du Medef, du Parti socialiste ou du Rassemblement national, malgré leurs postures respectives.
Depuis la nomination de Sébastien Lecornu il y a dix jours, la scène publique ressemble en effet à un théâtre d’ombres. « La vie politique s’apparente de plus en plus à une pièce de théâtre totalement décalée, se jouant devant une salle vide », remarquait récemment le politologue Jérôme Fourquet (1). L’atmosphère est, de fait, irréelle : un gouvernement fantôme qui expédie les affaires courantes, un Parlement à l’arrêt, avec des députés qui gardent un œil sur leur circonscription, et un président de la République absent…
Chacun joue donc son jeu, souvent double. A commencer par le chef du gouvernement lui-même qui s’est contenté jusqu’ici d’envoyer quelques signaux symboliques sur la suppression des avantages à vie des anciens Premiers ministres, ou, au lendemain de la journée d’action syndicale, la mise en place d’une mission « Etat efficace » chargée de faire le ménage dans les multiples agences de l’Etat. Etonnant ! On pensait que ce recensement avait déjà été effectué par le précédent gouvernement et/ou le Commissariat au Plan…
Jusqu’ici, sa seule véritable concession au regard des revendications de la gauche aura été de renoncer à la suppression des deux jours fériés qui figurait dans le projet de budget de son prédécesseur et faisait figure de chiffon rouge, voire de provocation pour les syndicats. Manière peut-être de faire baisser la tension avant les manifestations, mais en se privant, ce faisant, d’une marge de négociation future…
Double jeu encore du côté du Parti socialiste : Olivier Faure feint de se montrer ouvert à une négociation tout en avançant des propositions qu’il sait inacceptables par le gouvernement… et par Les Républicains, comme l’abrogation de la réforme des retraites ou l’application de la taxe Zucman. Chacun aura compris que la posture du PS a beaucoup à voir avec les prochaines échéances électorales : les municipales au printemps prochain, et d’éventuelles législatives en cas de dissolution lors desquelles il craint le poids de la France insoumise. Même double langage au Rassemblement national. Marine Le Pen avait considérablement durci le ton lors de sa rentrée politique. Et ses récents propos plus apaisants – on jugera sur pièces – ne trompent personne : pas question, compte tenu de l’exaspération des électeurs après la séquence Bayrou et de l’impopularité record d’Emmanuel Macron, de cautionner un budget sacrificiel et de sauver un pouvoir en perdition. Le RN, qui souhaite une dissolution de l’Assemblée nationale, est bien décidé à censurer le gouvernement.
D’après un sondage Odoxa-Backbone publié il y a deux jours, 7 Français sur 10 ne croient pas à ses chances de réussite et prévoient son départ dans l’année à venir. Sébastien Lecornu, qui prononcera sa déclaration de politique générale le 2 octobre, arrivera-t-il à déjouer leur pronostic ?
Carole Barjon
Editorialiste politique
(1) Le Figaro, 9 septembre 2025